Malheur aux visiteurs qui n'ont pas effectué leur réservation à temps ! Pour trouver un hébergement à Strasbourg en cette troisième semaine du mois de décembre, il faudra s'armer de patience et payer la chambre au prix fort. La session plénière mensuelle du Parlement européen, qui débute le 11 décembre, attirera cette semaine 2.000 personnes (députés, assistants, techniciens, interprètes et parties concernées par les débats) dans la ville déjà saturée. Où vont-elles se loger ? Les capacités hôtelières sont engorgées par les visiteurs du Marché de Noël, attraction touristique saisonnière de la capitale alsacienne.
Avec 2,8 millions de visiteurs et des retombées financières estimées à 500 millions d'euros, les industries touristiques attendent traditionnellement le mois de décembre pour réussir leur année. Après les chutes de fréquentation conséquentes à l'attentat de décembre 2018 (cinq morts) et après le ralentissement de la crise sanitaire, l'activité est repartie en forte hausse. 2023 sera un très bon cru, selon les professionnels. « « Il y a énormément de monde. La ville est pleine le week-end et il en va de même en semaine. C'est un coup de fouet pour l'activité économique », a observé Patrice Geny, directeur de l'office de tourisme de Strasbourg.
Strasbourg plus chère que Paris en décembre
Dans son étude annuelle sur les tendances de l'hôtellerie, Deloitte a analysé les revenus par chambre disponible (Revenue per Available Room, RevPAR) dans les principales destinations touristiques françaises, mois après mois en 2022. Le résultat est sans appel : en décembre, Strasbourg survole ses concurrentes avec un RevPAR à 185 euros. Loin devant Cannes (84 euros) et Monaco (134 euros). « Strasbourg apparaît plus chère que Paris », s'étonne même Patrice Geny. Une chambre disponible à Paris rapporte en moyenne 167 euros à son exploitant, soit 18 euros de moins qu'à Strasbourg, dans un niveau de gamme hôtelière comparable.
« Décembre est notre mois le plus dynamique, à l'instar de ce qui se passe sur la Côte d'Azur dans la période entre le 14 juillet et le 15 août », confirme Véronique Siegel, propriétaire de l'hôtel Monopole Best Western à Strasbourg et présidente de la branche hôtelière de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH).
En 2022, des assistants parlementaires avaient dénoncé les mauvaises pratiques tarifaires des hôteliers strasbourgeois. « Il y a eu un malentendu », reconnaît Véronique Siegel. « Les assistants qui louaient à l'année des chambres chez des particuliers se sont fait mettre dehors en décembre. L'année dernière, ils n'ont pas trouvé de place en dernière minute dans nos hôtels », explique Véronique Siegel.
La pratique du yield management, qui consiste chez les opérateurs hôteliers à réguler les recettes de façon dynamique, en fonction du comportement des consommateurs, aboutit cette année encore à des dérapages. Dans le groupe Accor, une chambre à l'hôtel Mercure est affichée à 1028 euros pour les trois nuits correspondant à la session du parlement, du 11 décembre au 14 décembre. Un mois plus tard, début janvier et hors session, le même hébergement est disponible pour 268 euros. Quasiment quatre fois moins cher.
Le bouche-à-oreille à la rescousse
Avec 10.000 chambres disponibles à Strasbourg en hébergement commercial, le problème récurrent de la sous-capacité en période d'affluence n'a pas été réglé. Les locations de courte durée, mises sur le marché par bouche-à-oreille ou proposées par l'intermédiaire d'opérateurs en ligne comme Airbnb, représenteraient « entre 10 % et 20 % des capacités d'hébergement à Strasbourg » selon Patrice Geny, « et jusqu'à 30 % en période de Noël ». L'inflation profite à des particuliers qui louent leurs chambres exclusivement au mois de décembre, échappant aux restrictions (plafond de 120 jours par an) de la réglementation sur les meublés touristiques. Ici aussi, les prix s'envolent : 767 euros pour trois nuits dans un studio mansardé. Un bien que l'on pourrait trouver à 500 euros par mois sur le marché de la location étudiante. Résultat : la clientèle d'affaires européenne a changé ses habitudes avec des pratiques plus fréquentes de réservations hôtelières à l'année, à prix fixe négocié pour trois nuitées chaque mois, douze fois par an.
La situation s'est-elle pour autant détendue au Parlement européen ? « Il y a sans doute un peu moins de demande », reconnaît François Gabriel, chef de cabinet adjoint de Roberta Metsola, la présidente maltaise du Parlement européen. En 2022, l'institution a prévu de reconfigurer une partie de ses bureaux strasbourgeois (15.000 mètres carrés du bâtiment Salvador de Madriaga) en résidence hôtelière. Elle y a renoncé et profité de la signature du bail pour le nouvel immeuble Simone Veil, inauguré le 21 novembre 2023, pour augmenter ses surfaces de bureaux de 15.000 mètres carrés. Autre projet abandonné, la centrale de réservation hôtelière imaginée en 2022. Intégrée au Parlement européen, elle aurait permis de contrôler les prix de l'hôtellerie. L'institution a préféré s'en remettre au marché. « Ceux qui sont dans une logique de fidélité ne tomberont plus dans le piège des hôteliers », veut croire François Gabriel.
Sujets les + commentés