"Il faut supprimer les obstacles administratifs du quotidien des frontaliers" Christophe Arend, député (LREM) de la Moselle

REGIONALES. Christophe Arend, député (LREM) de Moselle et président du bureau de l'Assemblée parlementaire franco-allemande, a adopté pendant la crise sanitaire la position du porte-parole des citoyens en zone frontalière. Candidat aux élections régionales dans le Grand-Est sur la liste de Brigitte Klinkert (Majorité présidentielle), il propose de simplifier la coexistence avec l'Allemagne dans son bassin de vie sujet, selon lui, à des contradictions qui affaiblissent l'idée d'une Europe unie.
Les bassins de vie transfrontaliers concentrent 140 millions de citoyens de l'Union européenne, calcule Christophe Arend, député (LREM) de Moselle.
"Les bassins de vie transfrontaliers concentrent 140 millions de citoyens de l'Union européenne", calcule Christophe Arend, député (LREM) de Moselle. (Crédits : Olivier Mirguet)

LA TRIBUNE - Le passage de la frontière entre la Moselle et l'Allemagne a été contraint, voire bloqué à plusieurs reprises au cours de la crise sanitaire. Comment est-on parvenu à une telle situation ?

CHRISTOPHE AREND - En mars 2020, l'Allemagne a fermé 33 points de passage vers la Moselle, sur une frontière qui en compte 35. Cette décision unilatérale a prolongé les trajets pour tout le monde, notamment pour les travailleurs frontaliers.La Moselle en compte 16.000 vers la Sarre et 4.000 vers la Rhénanie-Palatinat. Dans la circonscription de Forbach, 2.000 enfants sont scolarisés dans plus de 50 établissements en Allemagne. Nous formons un bassin de vie dans lequel, du jour au lendemain, les habitants ont vu réapparaître des frontières intérieures. On sait pourtant qu'une frontière, quelle qu'elle soit, ne peut pas arrêter un virus.

Depuis la France, on a pu voir dans cette décision allemande l'expression d'un manque de confiance. La réalité est plus complexe. Les Allemands ont appliqué en zone frontalière des méthodes de calcul qui étaient faussées. Le Robert Koch Institut (RKI) n'utilise pas, pour mesurer le taux d'incidence du Covid, la même méthode de calcul que les Français. L'Allemagne tient compte uniquement des tests PCR réalisés. En France, la base d'analyse est plus objective parce qu'elle tient compte des tests PCR et des tests antigéniques. Nous avons encore besoin d'harmonisation.

Au mois de mars cette année, lors de l'apparition des premiers variants en Moselle, les travailleurs frontaliers qui se rendaient en Allemagne se sont vus imposer un test tous les deux jours. Ne pouvait-on pas empêcher cela ?

En Moselle-Est, nous avons travaillé de concert avec les autorités sarroises quand nous avons été déclarés territoire à variant. Tout le monde a pu passer la frontière, moyennant un test tous les deux jours et une déclaration hebdomadaire. Nous avons donc limité la contrainte locale par rapport à la règle nationale allemande, qui s'appliquait par exemple entre la Bavière et la République Tchèque, où les travailleurs frontaliers n'ont pu passer que moyennant un test quotidien et une déclaration d'entrée quotidienne.

L'Union européenne tend à effacer les frontières intérieures mais des différences réglementaires subsistent, particulièrement visibles en zones frontalières. Peut-on effacer tous ces obstacles administratifs, ces irritants, du quotidien ?

Sur la carte de l'Union européenne, les bassins de vie transfrontaliers concentrent 140 millions de citoyens. Un Européen sur trois vit donc sous l'influence d'un pays voisin. Si cette influence est vécue comme un handicap, vous travaillez contre l'identité européenne. On effacera difficilement, en zone frontalière, l'impact de la différence du prix de l'essence ou des cigarettes qui poussent nos concitoyens à faire leurs achats dans le pays voisin.

Pour lever les irritants, nous avons inscrit un comité de coopération transfrontalière dans le traité d'Aix-la-Chapelle. C'est l'un des quinze projets prioritaires franco-allemands, au même titre que la centrale nucléaire de Fessenheim, les infrastructures ferroviaires Fribourg-Colmar ou l'agence européenne sur l'intelligence artificielle.

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Le comité rassemble l'ensemble des échelons municipaux et intercommunautaires, les collectivités territoriales, les Länder allemands de Rhénanie-Palatinat, de Sarre et le Bade-Wurtemberg, les parlementaires, la préfète de région, le secrétariat d'Etat aux Affaires européennes. Nous nous sommes réunis plusieurs fois, en urgence, pendant la crise sanitaire.

Est-il indispensable de légiférer pour simplifier les relations avec le pays voisin ?

Quand une association veut organiser un marathon transfrontalier, la France impose aux participants de s'inscrire avec deux certificats médicaux. Pour mettre des enfants d'une école française dans le même bus que les enfants d'une école allemande, ça ne marche pas, c'est compliqué. Les artisans allemands qui interviennent sur des chantiers en Moselle éprouvent des difficultés avec la directive sur le travail détaché. On pourrait régler tout cela sans légiférer. Mais, bien sûr, la coopération demeure nécessaire entre nos parlements. Lorsqu'une directive européenne est transposée de manière différente dans les droits nationaux en France et en Allemagne, cela peut devenir un irritant. Il existe depuis novembre 2019 une assemblée parlementaire franco-allemande, composée de dix-huit élus, dont je préside le bureau avec Andreas Jung (CDU). Nous travaillons sur l'intelligence artificielle, le Green Deal, le droit des affaires, l'asile, les migrations et l'intégration, et sur la défense et la politique étrangère. Il existe aussi depuis 2018 un projet de règlement européen sur les ECBM (European Cross Border Mechanisms), un mécanisme visant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans le contexte transfrontalier. Ce projet doit bientôt venir à l'ordre du jour du Parlement européen. En France, nous pourrions être précurseurs. Avec mon collègue Sylvain Waserman, député du Bas-Rhin, nous allons porter un titre transfrontalier dans la loi 4D de décentralisation, de différenciation, de déconcentration et de décomplexification. Nous consultons l'ensemble des députés français dont les circonscriptions ont des frontières. Je considère que le Finistère est un département frontalier : il y a une façade maritime par laquelle arrivent des entrants ! Plus de la moitié des députés ont donc des frontières, en incluant les maritimes et les ultramarins. Hors frontières maritimes, j'ai compté 183 députés concernés sur 577. Notre idée, c'est qu'il faut laisser les gens trouver des solutions locales. C'est le principe de la subsidiarité.

Ces expérimentations ont déjà eu lieu dans des groupements européens de coopération territoriale (GECT) ou dans l'organisation de la santé. Quels sont les bilans ?

J'ai porté en Moselle l'élaboration d'un schéma sanitaire transfrontalier innovant. Quand un patient était victime d'un infarctus à Forbach, on devait l'envoyer à Metz, soit 45 minutes en ambulance, pour effectuer une coronarographie. Avec notre accord Mosar Moselle-Sarre, depuis le printemps 2019, ces patients sont pris en charge à l'hôpital de Völklingen, qui est à 15 minutes en Allemagne. Nous avons augmenté le taux de survie à 93 %. En contrepartie, Völklingen met à disposition des cardiologues pour renforcer l'équipe forbachoise. Il y a toujours quelqu'un au sein des équipes qui parle les deux langues, français et allemand.

De tels accords de santé peuvent-ils avoir un impact sur la gestion de la crise sanitaire ?

L'accord Mosar évolue avec la prise en charge en France des patients allemands post-Covid. Les Allemands pourront faire effectuer en France leurs examens de scintigraphie. Des patients français seront pris en charge en chirurgie cérébrale à Sarrebruck au lieu d'aller à Nancy. L'étape suivante sera la réciprocité. On a prouvé que les caisses françaises étaient capables de payer pour la prise en charge des patients en Allemagne. Les multiples caisses allemandes seront bientôt en mesure de régler les cas de patients soignés dans notre pays. Pendant la crise sanitaire, des Français atteints par le Covid ont été pris en charge en Allemagne, sur la base juridique de notre convention Mosar. Mais il a encore fallu, au départ, obtenir le feu vert des ministères de la Santé, les Affaires étrangères et de l'Intérieur ! Simplifions tout cela pour offrir du concret dans la vie des citoyens.

Etes-vous fédéraliste européen ?
Clairement oui. Mais pas tout de suite. Je ne suis pas utopiste. L'Europe doit parvenir au fait majoritaire. On doit arrêter de prendre les décisions à l'unanimité. Certains vétos du Conseil européen demeurent incompréhensibles. Le crash-test de la crise sanitaire a mis en évidence le fait que dans un même bassin de vie, les mêmes règles devaient s'appliquer. Pour que l'Europe continue, il faut que la France et l'Allemagne avancent ensemble. C'est une hérésie de croire que la France avec ses 67 millions d'habitants et l'Allemagne avec ses 83 millions d'habitants réussiront à peser dans le concert international.

En attendant, le Grand-Est pourra-t-il accueillir d'autres expérimentations franco-allemandes ?

Je fais une proposition pour la défense. Envoyer des soldats français avec des soldats allemands en opérations extérieures, ce ne sera jamais évident. En Allemagne, cela relève d'un processus parlementaire très complexe. En France, c'est le Président qui décide seul. Pour nos futures opérations, les Allemands auront moins de mal à envoyer des médecins et des infirmières sur le front. Une phase d'initiation pourrait consister à créer un corps sanitaire, au sein d'une brigade médicale franco-allemande. L'hôpital militaire de Metz serait un lieu idéal pour organiser une telle formation.

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Commentaires 2
à écrit le 03/06/2021 à 13:40
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et sinon supprimer les obstacles administratifs du quotidien pour travailler en France , il y en pense le politicien? l' Allemagne est souveraine chez elle... d' ailleurs , la france n' a t' elle pas bloquée unilatéralement depuis 3 semaines la ...

à écrit le 03/06/2021 à 13:06
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Et rendre les emplois aussi attractifs dans notre pays qu'à l'étranger ne vous viendrait pas à l'idée par hasard ? Pourquoi les gens vont bosser à l'étranger ? Parce que les conditions de travail sont meilleures, cqfd.

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