Luxe : le fonds d'investissement de Renaud Dutreil reprend les chaussures Heschung

Le fabricant de chaussures Heschung, en redressement judiciaire, rejoint French Legacy Group, un groupe qui concentre une dizaine d'entreprises artisanales et industrielles dans le luxe made in France.
Pierre Heschung (à gauche) et Renaud Dutreil (à droite), président de French Legacy Group, nouveau propriétaire des chaussures Heschung à Steinbourg (Bas-Rhin).
Pierre Heschung (à gauche) et Renaud Dutreil (à droite), président de French Legacy Group, nouveau propriétaire des chaussures Heschung à Steinbourg (Bas-Rhin). (Crédits : Olivier Mirguet)

L'année 2020 aurait pu être fatale pour Heschung, fabricant de chaussures établi depuis 1934 dans le nord de l'Alsace. Trop dépendante du commerce de détail, cette entreprise positionnée dans le segment du luxe made in France a été impactée pendant deux années consécutives par la crise des gilets jaunes puis par la crise sanitaire. Trop dépendante des huit boutiques qu'elle opère à Paris et dans quatre métropoles françaises, elle a perdu plus de la moitié de son chiffre d'affaires, tombé à 5 millions d'euros en 2020. Après une série d'exercices déficitaires, les fonds propres étaient devenus négatifs et le recours à un nouvel actionnaire, incontournable.

French Legacy Group (FLG), adossé au fonds d'investissement Mirabaud Patrimoine Vivant dirigé par l'ex-ministre des PME Renaud Dutreil, a annoncé fin novembre "l'acquisition d'une part majoritaire" chez Heschung. Dans ce consortium naissant d'entreprises de luxe, Heschung rejoint un autre chausseur, le drômois Clergerie, l'équipementier sportif le Coq Sportif, le joaillier Mauboussin ou encore le groupe du chef restaurateur Alain Ducasse, dont le fonds MPV a acquis 10 % en décembre 2020.

Fermeture de l'atelier en Hongrie

"Nous avons trouvé un partenaire porteur d'un projet industriel qui nous apporte les fonds nécessaires à notre croissance internationale", explique Pierre Heschung. Les volumes de production, qui s'établissaient à 60.000 paires avant la crise, ont été revus à la baisse mais la fabrication traditionnelle des chaussures cousu norvégien ou Goodyear a été rapatriée dans l'atelier à Steinbourg. Un atelier secondaire opérationnel depuis 2006 à Bonyhad, en Hongrie, a été fermé début 2020. Il employait 80 personnes. Les tiges en cuir sont désormais pré-fabriquées chez un sous-traitant en Toscane, et les cuirs proviennent en majorité des tanneries Haas (Chanel) en Alsace.

"Nous prévoyons de retrouver dès 2022 des niveaux de chiffre d'affaires similaires à ceux d'avant la crise, soit entre 12 millions et 13 millions d'euros. Et nous recrutons déjà 5 ou 6 personnes en production", annonce Pierre Heschung, qui restera directeur général de l'entreprise et conserve une part minoritaire des actions. Les effectifs (80 salariés) repartiront à la hausse "en fonction des ventes" en 2022. Une direction des ventes à l'export, orientée vers l'Asie et les Etats-Unis, va être structurée en commun avec les autres marques qui composent le groupe FLG.

Heschung, qui n'avait pas encore réalisé sa transition numérique, procèdera dès l'année prochaine à la digitalisation de ses points de vente afin de fusionner l'ensemble de ses stocks. "Nous entrons dans une nouvelle étape dans notre développement. Le chemin n'a pas manqué d'obstacles", a commenté Pierre Heschung à l'occasion de la première rencontre des salariés avec leur nouveau propriétaire. "L'héritage de près de 90 ans d'histoire sera préservé", leur a-t-il promis.

"Le monde du luxe est sorti renforcé de la crise, en croissance de 30 %. Mais cette croissance est dominée par les géants du secteur", regrette Pierre Heschung. L'entreprise n'entend pas révolutionner ses gammes ni inventer un nouveau style. Elle compte sur ses modèles de chaussures emblématiques pour hommes pour fidéliser sa base de 80.000 clients. Les bottines Ginkgo, quasiment inchangées depuis quarante ans, sont vendues environ 600 euros en boutique. "Le problème, c'est que nos chaussures vieillissent bien et durent longtemps", plaisante Pierre Heschung.

Renaud Dutreil : "Nos marques sont complémentaires"

Ancien ministre de PME (2002-2004 puis 2005-2007) et de la Fonction publique (2004-2005) et après avoir présidé la filiale de LVMH aux Etats-Unis, Renaud Dutreil a accédé en 2018 à la responsabilité de FLG, adossé à la banque Mirabaud (Genève). Doté de 200 millions d'euros à investir, le groupe naissant prévoit un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros d'ici trois ans. "Toutes les marques qui entrent dans notre groupe sont complémentaires. Elles possèdent un savoir-faire manuel exceptionnel, un fort ancrage sur leur territoire et un lien fort avec l'art de vivre à la française", estime Renaud Dutreil, président de FLG. Clergerie, l'autre marque de chaussures reprise en 2020 à Romans-sur-Isère (Drome), est spécialisée dans les gammes féminines.

Les objectifs commerciaux assignés à Heschung s'établissent à 60% de ventes en boutiques et 40% de ventes en magasins multi-marques. Un canal où Heschung, mal implanté, devra encore s'imposer. "La filière de la chaussure française ne va pas très bien, elle a été ravagée il y a vingt ou trente ans", regrette Renaud Dutreil. "Nous investissons de manière très sélective dans des entreprises vivantes du patrimoine. Nous leur apportons des fonds propres, remettons de l'argent s'il le faut et veillons à la fierté des salariés", prévient-il. FLG n'a pas fixé d'objectif de sortie pour son investissement chez Heschung. Le fonds se donne "cinq ans pour redéployer la marque" sur ses marchés en France et à l'international.

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Commentaires 2
à écrit le 17/12/2021 à 21:52
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Chiot

à écrit le 14/12/2021 à 7:46
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Heschung opère des boutiques à Paris. Chirurgien de commerces de détail en plus d’être chausseur. C'est peut-être cette diversification dans la chirurgie qui l’a mis en faillite. En tout cas bravo au pigiste de cet article pour son français créati...

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