Bugatti est passé sous pavillon croate. Le constructeur automobile alsacien, propriété de Volkswagen depuis 1998, a annoncé le 2 novembre son intégration dans une joint-venture créée par Porsche et Rimac Automobili. Le siège de la nouvelle entité se trouve à Sveta Nedelja, dans la banlieue de Zagreb. Le groupe Rimac, équipementier spécialisé dans la conception de voitures électriques, détient 55% des parts de l'ensemble. Au terme d'un montage financier et d'échanges de participations croisées impliquant Volkswagen, ses filiales Porsche AG et Bugatti Automobiles SAS et Rimac Automobili, Porsche AG conserve 45% de Bugatti-Rimac.
"Rien ne change pour la production de la Chiron et de ses dérivés, dont nous devons encore vendre les 40 derniers exemplaires assemblés à Molsheim jusqu'en 2024", déclare Christophe Piochon, directeur de l'usine de Molsheim et désormais président de la marque Bugatti, à La Tribune. Christophe Piochon dirigera aussi, depuis l'Alsace, l'usine croate du groupe où sont produites en très petite série des "hypercars" électriques sous la marque Rimac.
Des Chiron en séries limitées
Stephan Winkelmann, président sortant de Bugatti Automobiles, retourne à la présidence de Lamborghini, l'autre marque de voitures sportives du groupe Volkswagen. Arrivé à Molsheim en 2018, il a été l'instigateur d'une série d'éditions spéciales dérivées de la Bugatti Chiron (Sport, Pur Sport, Super Sport), fortement rémunératrices (Divo, Centodieci) et parfois limitées à un seul exemplaire (La Voiture Noire, vendue 11 millions d'euros).
Depuis son lancement en 2017, les acquéreurs ont dépensé en moyenne 2,8 millions d'euros dont 300.000 euros d'options, hors taxes, pour la Chiron dont le moteur 16 cylindres développe entre 1.500 et 1.600 chevaux.
Le rapprochement avec Rimac suscite peu d'inquiétudes
En Alsace, le rapprochement avec le croate Rimac suscite des interrogations, mais peu d'inquiétudes.
"Nous sommes ravis de rejoindre Rimac, qui dispose d'une force d'innovation et de technologies que nous n'avions pas. On va voir comment nous allons intégrer ces nouvelles technologies", prévient Christophe Pichon.
L'entreprise commune Bugatti-Rimac compte 435 salariés, dont 140 travaillent à Molsheim. 25 salariés sont chargés de l'assemblage de la Bugatti Chiron, dont la série s'arrêtera au terme de 500 exemplaires produits. Molsheim dispose également d'équipes dédiées à la logistique (20 salariés), à la qualité, au service après-vente et à l'administration. 180 salariés issus du centre de développement de Volkswagen à Wolfsburg viendront renforcer les effectifs. Rimac-Bugatti n'a pas précisé si ces renforts seront positionnés à Molsheim ou en Croatie.
Leader de l'électrique
À l'Adira, l'agence régionale de développement économique qui a accompagné le retour de Bugatti en Alsace lors de sa relance par Volkswagen, le rapprochement avec l'équipementier et constructeur automobile Rimac est perçu comme une opportunité de développement. "
L'avenir des moteurs thermiques est forcément limité dans les hypercars parce que les législations évoluent. Le rachat de Bugatti par l'un des leaders de l'électrique est une bonne nouvelle", analyse Frank Becker, directeur général délégué de l'Adira.
La présence de Porsche au capital de la nouvelle entité apparaît rassurante et la personnalité du fondateur Mate Rimac, que d'aucuns comparent à un nouvel Elon Musk, est perçue comme un atout. "Nous connaissons Mate Rimac. Nous avons tenté de le convaincre d'implanter une usine dans le Grand-Est, avant la crise du Covid. Nos discussions se sont arrêtées lorsque Porsche est entré dans le jeu", raconte Olivier Eck, directeur d'Invest Eastern France, l'agence régionale d'innovation et de prospection d'investissements.
"En tant qu'équipementier automobile, Rimac semble souffrir de ne pas être implanté au cœur du bassin européen de la construction automobile. Ce bassin ne se trouve pas en Croatie, mais chez nous. Je continue d'imaginer des potentiels de développements locaux pour Rimac, qui se positionne comme équipementier automobile de premier rang", explique Olivier Eck.
Dès 2019, Stephan Winkelmann avait esquissé la Bugatti du futur. "Ce sera une voiture à utiliser tous les jours, dans un segment totalement différent de la Chiron. L'une des options à l'étude, c'est une voiture 100% électrique. Notre marque est mûre pour cela", avait-il expliqué à La Tribune. Stephan Winkelmann estimait à quatre ans le délai nécessaire pour développer un nouveau modèle et construire un atelier pour son assemblage.
À Molsheim, l'entreprise dispose d'une emprise foncière suffisante pour aménager un second atelier ou construire une usine de plus grande capacité. "Nous n'avons aucune confirmation de transformation de ce potentiel en véritable projet", tempère Olivier Eck. La remplaçante de la Chiron pourrait avoir des gênes communs avec l'hypercar produite en Croatie. Molsheim se trouverait alors de facto en concurrence face à Zagreb.
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