«L'Alsace et les Vosges doivent miser sur leurs ETI»

Quel est le regard des banquiers sur la dynamique des territoires dans l'Est de la France ? Interview avec Matthieu Boraud, directeur général adjoint du Crédit Agricole Alsace-Vosges et Michaël Rault, responsable du marché des entreprises.
Nous avons la chance de ne pas être trop proches du secteur de l'aéronautique, qui souffre beaucoup, estime Michaël Rault (à gauche), responsable du marché des entreprises du Crédit Agricole à Strasbourg. Ici avec Matthieu Boraud, directeur général adjoint.
"Nous avons la chance de ne pas être trop proches du secteur de l'aéronautique, qui souffre beaucoup", estime Michaël Rault (à gauche), responsable du marché des entreprises du Crédit Agricole à Strasbourg. Ici avec Matthieu Boraud, directeur général adjoint. (Crédits : Olivier Mirguet)

LA TRIBUNE - Quel a été l'impact de la crise du Covid sur l'activité économique en Alsace et dans les Vosges ?

Michaël Rault, responsable du marché des entreprisesLa crise du Covid a engendré un coup de frein sur notre activité, hors distribution de prêts garantis par l'Etat. Le Crédit Agricole Alsace Vosges a distribué 250 millions de prêts garantis par l'Etat (PGE) à 2.000 entreprises sur son territoire. Grâce à ces liquidités, il n'y a pas eu de défauts immédiats identifiés. Mais nous avons encore du mal à dire si tous les PGE pourront s'amortir, et si toutes les entreprises auront les capacités pour les rembourser. Il faut rester humble. Nous avons la chance de ne pas être trop proches du secteur de l'aéronautique, qui souffre beaucoup, et de ne pas être le territoire le plus exposé aux difficultés de l'industrie automobile. Il y a des points positifs. Beaucoup d'entreprises ont redémarré. Dans notre région, les collectivités sont bien armées pour tirer profit du plan de relance de l'Etat. Depuis la loi NOTRe en 2015, elles se sont dotées de bras armés puissants. De nouvelles sociétés d'économies mixte ont encore été créées cette année. A Epinal, nous venons d'entrer au capital de la SEM Terr'ENR. Elle projette d'accompagner l'agglomération vers le zéro carbone en 2050 et passera rapidement en phase d'investissement avec 50 millions d'euros prévus dans l'éolien, le photovoltaïque et l'hydro-électricité.

Beaucoup de collectivités sont en phase de transition depuis l'arrivée de nouveaux élus dans les mairies. Pourront-elles malgré tout jouer leur rôle moteur en 2020 ?

Matthieu Boraud, directeur général adjoint du Crédit Agricole Alsace-Vosges - De multiples projets de voirie viennent d'être financés dans les communes, mobilisées en période de crise pour faire travailler les entreprises locales de travaux publics. A Strasbourg, nous venons de financer un quart de l'extension de la ligne F du tramway et nous serons présents sur les extensions à venir de trois autres lignes. La nouvelle municipalité prévoit d'investir 230 millions d'euros dans le réseau pendant son mandat. Nous répondrons à l'appel d'offres des Strasbourgeois. Un grand emprunt va être lancé pour la rénovation thermique et les mobilités, après une consultation citoyenne qui aura lieu d'ici à la fin du mois de mars 2021. Dans le quartier du Wacken, en face du parlement européen, nous finançons déjà 50% du projet Osmose, sur un budget global de 59 millions d'euros. Ce bâtiment est conçu pour attirer de nouveaux services des institutions européennes et conforter Strasbourg à l'international.

L'Alsace et les Vosges sont des territoires de filières agricoles puissantes. Y a-t-il des risques de défaillances sur ces marchés ?

Michaël Rault - Non, même si le contexte est compliqué dans la viticulture en Alsace. Une crise structurelle était déjà établie avant l'arrivée de cette crise conjoncturelle. Dans un contexte de concurrence exacerbée, les viticulteurs ne parviennent plus à vendre leur production à des prix qui couvrent leurs frais. L'Alsace n'est pas suffisamment armée pour développer une nouvelle forme d'œnotourisme. La région viticole manque d'établissements d'hébergement 4 ou 5 étoiles. Dans le massif vosgien, c'est la forêt qui a souffert. Il y aura encore des défaillances dans la filière bois tant que les entreprises de première et de deuxième transformation n'auront pas atteint des niveaux de compétitivité comparables à l'Allemagne.

Quels financements avez-vous mis en place sur des projets de transition énergétique ?

Matthieu Boraud - Le Crédit Agricole distribue les enveloppes de la BEI pour le financement des secteurs de la santé, du logement et de la transition énergétique. En 2019, nous avons mis en place 52 millions d'euros de financements d'investissements dédiés à la production d'énergie verte sur le territoire, dont 34,1 millions sur des centrales de méthanisation et 10,5 millions d'euros sur des éoliennes. Dans la filière biomasse, nous finançons cinq nouvelles centrales de méthanisation agricole pour 20 millions d'euros.

Sur quels types d'entreprises cette région peut-elle s'appuyer en sortie de crise ?

Michaël Rault - Il y a des pépites dans les Vosges telles que Moustache Bikes, le fabricant de vélos électriques dont nous accompagnons le développement. L'Alsace et les Vosges doivent miser sur leurs ETI. Nous sommes le quatrième marché français dans ce segment. Cet été, nous avons accompagné la scierie Siat Braun, numéro 1 française, dans sa transmission familiale. Dans la gestion d'énergie, Hager est un acteur incontournable sur les échanges économiques transfrontaliers. Voilà les points forts de ce territoire.

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