Pancréas bioartificiel développé par la startup strasbourgeoise Defymed : les raisons d'un échec

Fondée en 2011, la startup, à la recherche de 12 millions d'euros, a finalement cessé d'exister en août dernier. Un exemple emblématique des difficultés de financement actuelles de la Tech. Retour sur ce qui aurait pu être une success-story à la française.
En 2019, Séverine Sigrist et Manuel Pires, directeur du développement de Defymed, se sont rendus en prospection à Boston. Pour lever des capitaux, il aurait fallu déménager aux Etats-Unis.
En 2019, Séverine Sigrist et Manuel Pires, directeur du développement de Defymed, se sont rendus en prospection à Boston. Pour lever des capitaux, il aurait fallu déménager aux Etats-Unis. (Crédits : Olivier Mirguet)

« Quand on me demande ce que je cherche, je réponds que je recherche de l'argent », avait coutume d'expliquer Séverine Sigrist. La présidente de Defymed s'est trouvée contrainte de jeter l'éponge en août cette année, faute d'avoir trouvé 12 millions d'euros nécessaires au développement de Defymed. Sa start-up fondée en 2011 avait mis au point un pancréas bioartificiel. Cette poche en polymère implantée sous la surface de l'abdomen, contenant des cellules productrices d'insuline, promettait une meilleure qualité de vie aux patients diabétiques.

À la tête d'une équipe de chercheurs et 14 salariés, Séverine Sigrist n'a jamais réussi à financer les essais cliniques. Le redressement judiciaire ouvert le 6 juillet par le tribunal judiciaire de Strasbourg a été converti un mois plus tard en liquidation. L'étude clinique sur huit patients était pourtant programmée à court terme à Strasbourg. « Nos partenaires financiers avaient besoin de résultats de sécurité et de performance précoces. On ne pouvait pas vendre l'entreprise parce qu'on n'avait pas les patients. Personne n'a voulu financer cette phase qui était pourtant moins risquée que les étapes précédentes de notre développement », regrette Séverine Sigrist.

Le risque des études cliniques

Auteure d'une thèse sur la thérapie cellulaire de l'amyotrophie spinale infantile, cette chercheuse en biologie a créé Defymed après un début de carrière au Centre européen du diabète (CEED), à Strasbourg. La promesse alléchante d'un pancréas artificiel, qui aurait permis aux patients de s'affranchir de la désagréable pompe à insuline, s'est très vite concrétisée. Le dispositif implantable a été présenté dès 2015 et les levées de fonds se sont succédées. 5 millions d'euros au total apportés par le CEED et par deux investisseurs régionaux, Cap Innov'Est et le Fonds Lorrain des Matériaux.

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Restaient à lancer les études cliniques réglementaires, étape indispensables avant la mise sur le marché d'un tel dispositif de classe III. Définie par la directive européenne relative aux dispositifs médicaux, cette classe III correspond au niveau d'exigence le plus élevé en vue d'obtenir le sésame du marquage CE.

« On cherchait à lever 12 millions d'euros. On avait déjà sécurisé 9 millions d'euros. À chaque fois qu'ils ont étudié notre financement, les comités d'investissement nous ont félicités pour notre technologie. Mais ils nous ont laissé entendre que c'était trop risqué. Leurs stratégies d'investissement consistent à renforcer leurs portefeuilles existants, eux-mêmes en difficulté. Nos autorisations d'essais cliniques ne suffisent plus à les rassurer », résume Séverine Sigrist, qui n'avait plus d'autre choix que de déposer le bilan.

L'avenir se dessine à l'étranger

Désormais, l'actif scientifique de Defymed partira cet hiver à l'étranger après accord judiciaire, indique Séverine Sigrist sans en dire davantage. « Le repreneur européen a été un partenaire bienveillant. C'est rassurant. Mais je ne réintégrerai pas l'équipe. Je continuerai de suivre leur travail à distance, par intérêt personnel pour les deux décennies de ma vie que j'ai mises dans ce projet », imagine-t-elle.

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Impliquée dans les démarches collectives de la filière MedTech en Alsace, celle qui a été présidente du cluster Biovalley entre 2014 et 2020 et, depuis 2020, du fonds d'amorçage Alsace Création, avant d'intégrer en 2022 le conseil d'administration de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Strasbourg, ne repartira pas sur une autre création de start-up. « Je prendrai peut-être la direction générale d'une MedTech, et je garderai mes contacts dans le financement de l'innovation. Je peux apporter mon expérience dans le management de transition », propose-t-elle. Chez Defymed, 11 salariés sur 14 ont déjà retrouvé du travail.

Des regrets américains

La fin de l'aventure aurait-elle pu être plus heureuse ? En septembre 2019, Defymed a failli toucher au but aux Etats-Unis. En mission collective à Boston avec dix autres entreprises strasbourgeoises de la Tech, le projet de Séverine Sigrist a été repéré par des investisseurs locaux. Mais les exigences de filialisation des activités et un départ forcé outre-Atlantique ont refroidi ses ambitions. « J'ai été trop française. J'aurais dû accepter de partir, c'est là que se trouve l'erreur », analyse aujourd'hui la dirigeante. « C'est triste, parce que cela veut dire que nous ne sommes pas capables de garder nos projets ».

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