Transports : pour désengorger le réseau, l’Île-de-France mise sur... le télétravail

La gratuité des transports serait une impasse pour l'Ile-de France, telle est la conclusion à laquelle sont arrivés les experts du comité mandaté par Valérie Pécresse, présidente de la Région. Malgré les investissements prévus ces prochaines années, seul un changement des habitudes grâce aux nouvelles technologies permettra de sortir de la course poursuite actuelle entre l’offre et la demande de transports, qui conduit à une saturation quasi permanente.
Dominique Pialot
On assiste à une course poursuite entre l'offre et la demande de transports, conduisant à une saturation quasi permanente.
On assiste à une course poursuite entre l'offre et la demande de transports, conduisant à une saturation quasi permanente. (Crédits : Reuters)

Après six mois de réflexion, les huit membres du comité d'experts indépendants emmenés par Jacques Rapoport (ex-président de SNCF Réseau, ex-DG de La Poste et ex-DGA de la RATP) ont rendu leur verdict : la gratuité des transports en commun serait une impasse pour l'Ile-de-France. Non seulement, elle n'entraînerait qu'une diminution infime de la circulation (d'environ 2%) et donc de la pollution de l'air, mais elle s'accompagnerait d'une saturation encore plus importante des transports en commun et, donc, d'une dégradation de la qualité de ces transports. En effet, selon les modélisations effectuées par le groupe de travail, la gratuité aurait essentiellement un impact sur les adeptes de la marche à pied et du vélo, et sur les lignes et les horaires déjà les plus fréquentés.

Un résultat contesté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) :

"Selon nous, le « report modal » vers les transports en commun existe bien, a ainsi affirmé l'Ademe dans un fil de commentaires chez nos confrère du Monde. Dans une étude publiée en 2007, nous avons vu qu'à Châteauroux plus de la moitié des nouveaux usagers du bus utilisaient la voiture auparavant (29 % de conducteurs, 22 % de passagers) et 12 % le deux roues, contre un quart (23 %) qui marchaient à pied."

Impossible de compenser le manque à gagner sur la billetterie

Surtout, aucun mode de financement alternatif ne permettrait de compenser le manque à gagner de 3,3 milliards d'euros que représente la billetterie sur un coût annuel total de 10 milliards. Pour la Région, accroître la participation des employeurs franciliens, qui s'élève déjà à 3% de leur masse salariale, alors qu'ils viennent d'encaisser une hausse de 400 millions sur deux ans (soit 10%) pour financer le dézonage du pass Navigo, risquerait d'avoir un effet récessif sur l'économie régionale ! Quant aux taxes sur les bureaux et autres, elles sont déjà destinées à financer des projets validés.

A la serpe (en divisant le manque à gagner de 3,3 milliards par le nombre de foyers franciliens), les experts ont évalué le surcoût à 500 euros par an et par ménage.

Quant à l'instauration d'un péage urbain, sans même mentionner le volet « acceptabilité », les exemples étrangers (le groupe de travail a procédé à un benchmark à la fois en France et à l'international) montrent que cela ne rapporterait dans le « meilleur »des cas - le plus onéreux pour les automobilistes - qu'environ 400 millions d'euros.

Augmenter le coût d'usage de la voiture

« Actuellement, les transports en commun sont bien plus chers que le coût du parking, pointe également l'Ademe. Il faut augmenter le coût d'usage de la voiture, par la hausse des frais de stationnement, le péage urbain, la taxation des parkings professionnels... l'argent ainsi récolté pourrait être affecté aux transports moins polluants. »

Une chose est certaine : les besoins d'investissements sont très importants. La RATP et la SNCF dépensent déjà bon mal an quelque 3 milliards d'euros. La Région et l'autorité organisatrice Ile-de-France Mobilités ont engagé pour 24 milliards d'euros pour améliorer les infrastructures et les matériels roulants.

Sous l'angle accessibilité, les experts rappellent qu'un million de personnes bénéficient déjà de la gratuité ou d'un tarif réduit, et qu'il existe peu de corrélation entre accessibilité et chômage.

Le vrai frein à l'utilisation des transports en commun ne serait pas financier, mais lié au temps de transport, à l'absence d'offre dans certaines zones, à leur manque de régularité et de fiabilité, à leur saturation et leur manque de confort. Pis « un transfert modal massif n'est pas réaliste et ne serait pas absorbable. »

Transports saturés et vétustes

Comme le reconnaît Valérie Pécresse : «  Les transports en commun franciliens sont saturés et vétustes ».

Son adjoint aux transports Stéphane Beaudet évoque un manque d'anticipation, de financement et d'entretien par le passé et une situation actuelle sur laquelle il n'est pas souhaitable de se voiler la face. La régulation se fait par la saturation, et, en raison d'une tarification inopérante, « On assiste à une course poursuite entre l'offre et la demande », synonyme de saturation quasi permanente se désole Jacques Rapoport, qui cite en exemple la ligne 14 qui fête prochainement ses 20 ans.

La présidente de la Région s'attend à de grands bouleversements du paysage à venir sous l'effet des nouvelles technologies, et mise dessus pour sortir de cette spirale infernale.

Sous une dizaine d'années, la numérisation des titres de transport et l'évolution de la billettique devraient permettre d'identifier les usagers à l'entrée et à la sortie d'un écosystème de transport beaucoup plus multimodal qu'aujourd'hui, et ainsi tarifer à la consommation, une piste parmi d'autres évoquées par le groupe d'experts.

Le télétravail à la portée de 40% des salariés de la Région

Au-delà, c'est la façon dont ces nouvelles technologies vont nous permettre de faire évoluer nos modes de travail et nos modes de vie, « une évolution beaucoup plus sociétale et complexe », souligne Valérie Pécresse, qui doit permettre de désengorger ces transports en commun.

Dès lors, de quels leviers dispose la Région pour agir ? Pour la présidente, plusieurs pistes permettent de « faire le lien entre les pouvoir publics et l'évolution de la société » : l'instauration de voies dédiées au covoiturage sur les autoroutes ; l'aide aux entreprises pour qu'elles s'implantent en grande couronne, au plus près des lieux d'habitation de leurs salariés, ou encore l'installation d'espaces de co-working dans les gares d'Ile-de-France. De quoi y travailler en laissant passer les rames bondées et des heures de pointe et attendre le RER qui circule vide une bonne partie de la journée. Outre le décalage des horaires pour lisser la pointe (comme dans la consommation d'électricité, où il permet d'éviter d'investir dans des infrastructures surdimensionnées), le plus efficace resterait encore le télétravail. « L'Île-de-France compte 40% de cadres, rappelle Valérie Pécresse. Donc 40% d'emplois « télétravaillables ». Dans les équipes de la Région elle-même, ce sont 80% des postes qui s'y prêtent.

Que va faire la maire de Paris Anne Hidalgo, qui mène également une réflexion sur la gratuité des transports en commun et affirmait encore le 1er octobre sur France Culture n'avoir pas encore tranché ? Comme toujours en matière de mobilités, il semble délicat d'instaurer une gratuité exclusivement réservée aux Parisiens stricto sensu. Réponse d'ici à la fin de l'année.

Dominique Pialot

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Commentaires 35
à écrit le 05/10/2018 à 15:32
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et que fais Pécresse des autres travailleurs " bons a s' entasser comme du bétail" dans le stransports parce que leur employeur refuse ou ne peut pas mettre en place financièrement le télétravail?....l' Etat a aussi une responsabilité de 40 ans dans ...

à écrit le 04/10/2018 à 22:57
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Les résultats de ce comité mandaté par Pécresse étaient téléphonés depuis le début. 2 des 3 personnes qui étaient à la tête du comité appartiennent au lobby du transport(Sncf et Ratp). Ce comité ne pouvait pas être favorable à la gratuité des transpo...

à écrit le 04/10/2018 à 14:06
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Avec l'intelligence artificielle,le télé travail a une grande chance de se développer.Un boucher pourra découper un boeuf a distance sur son téléphone portable,un coiffeur pourra exercer a distance grace a des robots(on opère déja comme cela dans les...

le 04/10/2018 à 20:15
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Et le coiffeur, il opère à distance avec des ciseaux magiques? La question n'est pas qu'ironique. Les robots sont développés et sont utilisés en chirurgie parce que plus précis, plus rapides, plus forts et moins fatigables que les humains et n...

le 05/10/2018 à 9:18
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@MDR:des salons de coiffure seront équipés de robots coiffeurs.Vous choisirez sur votre smartphone qui doit piloter le robot depuis son domicile.

à écrit le 04/10/2018 à 13:04
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Evidemment comme sur tous les sujets concernant l'environnement et la qualité de vie, le ministère de l'écologie est aux abonnés absents

le 04/10/2018 à 18:03
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Pas du tout:le gouvernement vient de réintroduire deux ours dans les Pyrénnées.

à écrit le 04/10/2018 à 8:24
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Arrêtons de nous gargariser avec le trélétravail qui est marginal et restera marginal. pas sûr que 40% des salariés aient envie de télétravail et cela reste le domaine d'activité pour bobo écolo branché: consultants web machin ou truc! etc;mais pas ...

à écrit le 03/10/2018 à 21:18
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c'est mal barré avec la tour triangle et la prochain tour total à la défense !!

à écrit le 03/10/2018 à 17:16
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Excellent idée, mais quant à faire du télétravail, autant encourager les entreprises ou certains agences/bureaux à s' installer en région. La distance n entre pas en jeu pour le télétravail. Une fois mis en place cela peut se faire du monde entier...

à écrit le 03/10/2018 à 16:12
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"Le télétravail à la portée de 40% des salariés de la Région" La mode actuelle ,c'est plutôt l'inverse en ce moment ,on voit des entreprises qui avaient adopté le modèle avec succès et étaient même citées en exemple pour faire machine arrière et d...

le 04/10/2018 à 6:18
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Dans les cas que vous citez il y a des employés qui ne mettaient jamais, JAMAIS, les pieds au bureau ... Il ne faut pas confondre le télétravail classique qui ce que recommande probablement ces experts et ce qu'à fait IBM par exemple. D'autres part...

le 04/10/2018 à 6:19
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Dans les cas que vous citez il y a des employés qui ne mettaient jamais, JAMAIS, les pieds au bureau ... Il ne faut pas confondre le télétravail classique qui ce que recommande probablement ces experts et ce qu'à fait IBM par exemple. D'autres part...

le 04/10/2018 à 17:03
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"plutôt que le pointage horaire de l'employé". Des cadres qui pointent c'est plutôt rare,non ? Concernant IBM, il avait 6 sites de proximité ou le salarié pouvait se connecter plus près de chez lui ce qui lui évitait de se taper MLV ou Bois-co...

à écrit le 03/10/2018 à 12:57
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Les professeurs seront devant leurs élèves en télétravail ? Les employés d'hôpitaux aussi ??

le 03/10/2018 à 21:15
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non mais les 180.000 salariés qui s'empilent dans les tours de la défense pour travailler devant un écran ce qu'ils pourraient faire tout aussi bien de chez eux pourquoi pas ?

à écrit le 03/10/2018 à 12:32
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Merci de ne pas publier les messages précédemment soumis.

à écrit le 03/10/2018 à 12:32
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Merci de ne pas publier les messages précédemment soumis : "Exactement. Mais c'est l'inverse qui se produit. EDF centralise à Nanterre des sites auparavant en région. La vie est plutôt agréable en région parisienne n'en convenez-vous pas ? Lorsque...

à écrit le 03/10/2018 à 10:47
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Un excellent rapport. Par contre une des pistes de financement des besoins ne serait-elle pas de supprimer cette danseuse qu'est l'ADEME (634M€ de dépenses en 2018) ? Pour pondre des propositions géniales du genre " Il faut augmenter le coût d'usage ...

le 03/10/2018 à 13:34
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Le cout supporté par les automobilistes de l'usage de leur boite à roue est très inférieur à ce qu'il devrait être. Entre le foncier que s'accapare l'autosoliste, la place publique accaparée à son seul profit gigantesque comparativement à l'usage (Pa...

le 03/10/2018 à 15:47
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bruno_bd @ Voilà un climatosceptique ,partisan du tout voiture ,qui s'exprime

le 04/10/2018 à 14:11
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@popman : mon post est bien évidemment provocateur mais... -sur le cout social et économique des maladies liées à la pollution économique, j'observe que l'Ile de France et en particulier Paris, que l'on dit crouler sous la pollution automobile, est...

à écrit le 03/10/2018 à 10:38
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"La gratuité des transports serait une impasse pour l'Ile-de France, telle est la conclusion à laquelle sont arrivés les experts du comité mandaté par Valérie Pécresse, présidente de la Région." Ça marche partout ailleurs mais un cabinet conseil ...

le 03/10/2018 à 14:20
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Ca marche dans des petites villes (Niort, Châteauroux) avec des réseaux comprenant quelques lignes de bus, et quelques dizaines de bus et de chauffeurs. Dans de tels réseaux ça peut se défendre parce que la dépense résultant d'un modèle payant (syst...

à écrit le 03/10/2018 à 9:22
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S ils voulaient vraiment désengorger paris, ils devraient envoyer en province les sociétés d’état - Edf à Rennes (fort compétence électrique) - banque mutuelle au mans ou dans le Sud (attirer les brexiter, Le Mans ne le fera pas...) - chimie à Lyon ...

le 03/10/2018 à 10:47
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Bonjour, Effectivement ce serait idéal. Cependant les sièges d'entreprises sont en IDF pour rester proches du pouvoir et du gouvernement. A des fins bien entendu de lobying actif ... .

le 03/10/2018 à 11:51
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+1. Surtout si Paris doit accueillir une partie des financiers rapatriés de Londres. La France est un des pays les plus centralisés d'Europe. La décentralisation devrait se faire en priorité vers les régions qui perdent de la population (Est, Centre....

le 03/10/2018 à 12:23
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Exactement. Mais c'est l'inverse qui se produit. EDF centralise à Nanterre des sites auparavant en région. La vie est plutôt agréable en région parisienne n'en convenez-vous pas ? Lorsque l'on a les moyens d'un haut dirigeant...

le 03/10/2018 à 12:27
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Exactement. Mais c'est l'inverse qui se produit. EDF centralise à Nanterre des sites auparavant en région. La vie est plutôt agréable en région parisienne n'en convenez-vous pas ? Lorsque l'on a les moyens d'un haut dirigeant...

le 03/10/2018 à 14:21
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@Marousan : nous restons hélas un état jacobin...

le 03/10/2018 à 17:18
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100% d' accord IRSN (institut de recherches dans le 78) devait partir près de Marseille, cela ne sait pas fait pourquoi ???, le personne avait été consulté, un projet bien échelonné, mais rien???

le 04/10/2018 à 8:55
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Impossible quand la norme est le couple où les deux travaillent.

à écrit le 03/10/2018 à 9:10
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"Il faut augmenter le coût d'usage de la voiture" imaginons que plus personne ne roule en voiture mais prenne les transports en commun en les payant. Ça serait parfait ou sur-saturé ? N'est-ce pas le nombre de gens qui doivent bouger au kilomètre ca...

à écrit le 03/10/2018 à 9:01
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C'est un problème d'urbanisation c'est tout. Le problème de la région parisienne c'est la concentration sur courbevoie la défense point. Cette concentration de bureaux est inadaptée à un urbanisme viable et est la cause originelle de l'engorgemen...

à écrit le 03/10/2018 à 8:44
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c'est un peu la limite de la chasse au xsorcieres concernant la voiture........ ( ca veut qu'il que certaiines auraient du chercher a des solutions intelligentes et soutenables, au lieu de jouer a la beria anti vehicules...) apres, meme si on veut ...

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