Vrais emplois ou "fausses promesses" ? Europacity, le projet qui divise

Des centaines de boutiques, une salle de concert, des hôtels de luxe, un parc d'attractions: le mégacomplexe Europacity, plus gros investissement privé en France depuis Disneyland Paris, entend s'implanter en 2027 au nord de la capitale, mais le projet divise.

Aux portes de Paris, les terres arables du "triangle de Gonesse" (Val-d'Oise), qui ont fait la richesse de la plaine de France, attisent toujours les convoitises. Promoteurs, commerçants et écologistes nourrissent pour ces dernières, coincées entre les routes menant aux aéroports du Bourget et de Roissy, des projets concurrents.

"Europacity peut être une réponse aux besoins d'emplois du territoire", soutient Christian Lema, de l'équipe de développement, en montrant les plans et les maquettes du projet à l'architecture futuriste: bâtiments aux toits ondulés et tapis de verdure y côtoient toboggans, hôtels de luxe, boutiques...

Le projet de 430.000 mètres carrés et 3,1 milliards d'euros est porté par Ceetrus, foncière du groupe Auchan, et le conglomérat chinois Wanda. Une étude de la Commission nationale du débat public (CNDP) estimait en 2016, en chiffres bruts, à plus de 10.000 les emplois à pourvoir lors de la phase d'exploitation, plus quelque 3.300 par an pendant la construction des infrastructures commerciales, culturelles et de loisirs.

"Europacity fait miroiter des emplois" quand il existe une "énorme marge d'incertitudes", rétorque la socio-économiste Jacqueline Lorthiois, également membre du Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), opposant historique au projet.

"Les chiffres repris partout sont ceux des emplois bruts créés, ils ne prennent pas en compte ceux détruits autour", précise-t-elle.

En net, l'étude de la CNDP évoque ainsi seulement 7.400 à 8.100 emplois créés.

Un "cannibalisme commercial"

"Le territoire de l'est du Val-d'Oise a très peu bénéficié du développement des zones aéroportuaires du Bourget et de Roissy. Nous, on veut que trois quarts des emplois soient pourvus par les habitants du territoire", affirme M. Lema, soulignant les avantages pour l'image des communes du nord-est francilien, fortement touchées par le chômage.

Les promoteurs ont créé récemment une nouvelle structure, "Europacity Compétences", dont M. Lema est président, pour "coordonner la montée en compétences" du bassin d'emploi du Grand Roissy Le Bourget dans les métiers de l'hôtellerie, de la restauration et des services, en partenariat avec des associations.

"On vient nous voir pour former et faire travailler les habitants des quartiers", se félicite auprès de l'AFP Mohammed El Mazroui, fondateur de l'association Creative à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), qui accompagne vers l'emploi les jeunes des quartiers prioritaires de la ville et a signé un partenariat avec Europacity Compétences dans le cadre d'un "job tour" qui sillonne en bus le territoire.

D'autres dénoncent toutefois un "cannibalisme commercial organisé" menaçant les commerces existants et les centres-villes des alentours. "EuropaCity détruira plus de 8.000 emplois dans un périmètre de 20 kilomètres", met en garde sur son site internet le collectif de commerçants "Europas Du Tout", se référant à une étude du cabinet McKinsey de 2016.

Le projet inquiète jusqu'aux grands centres commerciaux de la région.

"On parle de 500 boutiques implantées à un kilomètre de O'Parinor, dans une zone déjà occupée par cinq centres commerciaux", alerte Florent Durelle, directeur de O'Parinor.

Installé à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) depuis 1974, ce centre commercial avait déjà dû se rénover après l'ouverture, à 8 kilomètres, du concurrent Aéroville en 2013.

"On devra forcément fermer des commerces et supprimer des emplois", déplore M. Durelle auprès de l'AFP.

Les promoteurs d'Europacity mettent de leur côté en avant une "offre différenciée" et non concurrente qui doit attirer quelque 31 millions de visiteurs (gratuits et payants) par an.

"Ce sera principalement un centre de loisirs et de culture, avec notamment un parc d'attractions, un musée, une salle de concert, un centre culturel dédié au cinéma, 2.500 chambres d'hôtel, un parc aquatique", assure M. Lema, insistant aussi sur la présence d'espaces verts et d'une ferme urbaine.

Protéger les "terres fertiles"

 Car le projet pose aussi la question du modèle de développement économique, environnemental et d'aménagement retenu pour ces territoires péri-urbains.

"C'est un projet absurde, à contre-sens de la tendance de la grande distribution qui revient dans les centres-villes", soutient Bernard Loup, président du CPTG, rencontré par l'AFP sur une parcelle du triangle où le collectif organise régulièrement des rassemblements d'opposants, reprenant pour slogans "Des champs pas d'Auchan".

"C'est irresponsable de vouloir bétonner les terres les plus fertiles d'Ile-de-France", déjà entourées par l'autoroute A1 et la D317, insiste-t-il.

Badge "Non à Europacity" sur le pull, il dénonce "les fausses promesses" des promoteurs concernant les emplois mais aussi l'impact environnemental du projet.

Le CPTG défend un projet alternatif, Carma, pour faire des terres agricoles du triangle de Gonesse la "ceinture alimentaire" qui irriguera le futur Grand Paris en circuits courts. Le projet prévoit des cultures céréalières bios, une ferme maraîchère, ou encore la création d'un centre de recherche et de formation sur l'agriculture urbaine et périurbaine.

Pour ses partisans, Europacity participerait toutefois d'un désenclavement économique, géographique et culturel du territoire.

"On a l'impression qu'on a pas le droit d'aspirer à quelque chose de meilleur", déplore Nesrine Hajjeje, présidente du collectif de riverains "Les Vrais gens" soutenant le projet. "Les beaux musées, la culture c'est pour le 'petit Paris'. Mais le Grand Paris on en fera partie", assure à l'AFP la professeure des écoles.

"Mis à part l'aéroport, on a quoi? On n'a rien !", appuie Nouredine Maatoug, conseiller municipal LREM à Arnouville (Val-d'Oise) également membre du collectif. "Il faut qu'il y ait de l'emploi et de l'avenir chez nous."

Recours contre la création de la zone d'aménagement commerciale (ZAC), appel contre le plan local d'urbanisme de Gonesse pour l'urbanisation des terres: les opposants multiplient les procédures en justice pour faire barrage à Europacity depuis plusieurs années.

Celles-ci n'ont toutefois pas empêché les premiers coups de pioche, en vue de la construction, d'ici 2027, d'une gare du métro du Grand Paris Express pour desservir le site.

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Commentaires 4
à écrit le 14/08/2019 à 23:39
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Projet dépassé et peu crédible, même sur le plan économique. Qui peut croire qu'on va avoir autant de trafic dans ce centre commercial qu'aux "4 Temps" de la Défense dans un endroit pareil ? L'alibi "culturel" est pitoyable...... On bétonne ce qui ...

à écrit le 14/08/2019 à 11:22
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Ça n'a aucun sens ce nouveau centre commercial construit sur les meilleures terres agricoles d'IDF.On sait que l'artificialisation des sols,aggrave le réchauffement climatique.Les emplois créés vont être annulés par les emplois perdus,notamment au ce...

à écrit le 13/08/2019 à 23:13
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Ce projet n’est rien de plus que plumer Pierre pour engraisser Paul. A l’heure de la fermeture des hypermarchés, des centres commerciaux qui meurent car plus personne ne veut s’y rendre, il n’y a qu’une affaire immobilière banale pour servir 1 chinoi...

à écrit le 13/08/2019 à 19:42
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Europacity n'est qu'un projet absurde dont nombre de franciliens ne veulent pas. Risibles et ridicules que les propos de cette association soutenant un projet gargantuesque : depuis quand Paris n'est pas accessible aux résidents de Gonesse pour qu...

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