La mobilité, un enjeu majeur pour les métropoles demain

Invité à Bordeaux pour introduire le lancement de la Charte des Mobilités de Bordeaux Métropole le vendredi 6 février, le Pr. Carlos Moreno a fait part de sa vision de la mobilité intelligente dans nos villes-monde au XXIème siècle.

 Depuis le 1er janvier 2015, 11 villes françaises, notamment Lille, Nantes, Rennes, ou encore Strasbourg, bénéficient du statut de métropole. C'est le cas également de Bordeaux, qui s'est doté le 6 février dernier d'une Charte des Mobilités pour l'ensemble de sa métropole. Invité à cette occasion voici ma vision des grands enjeux de la mobilité intelligente dans nos villes-Monde au XXIème siècle, que je vous partage ici.

 Les villes sont avant tout des lieux de vie, de partage, de mixité. Le XXIème siècle se caractérise par une explosion du phénomène urbain. Ce changement d'échelle nous donne à voir de façon plus nette les vulnérabilités socio-territoriales urbaines, qui sont elles-mêmes en train de changer d'échelle. La vulnérabilité traverse toutes les dimensions de la ville : sociale, économique, géographique, culturelle, etc. Cette tendance nous oblige à réfléchir à la manière dont l'intelligence urbaine doit faire face pour apporter à ces nouvelles métropoles une identité socio-territoriale forte, une meilleure qualité de vie avec de nouveaux services et usages, ainsi qu'un niveau satisfaisant d'acceptabilité des citoyens.

La mobilité, fer de lance des métropoles

Dans ce contexte, la mobilité apparaît comme l'un des axes de travail essentiels à prendre en compte pour construire nos métropoles de demain. Elle constitue l'un des enjeux majeurs de la vie urbaine. La problématique de la mobilité ne peut pas être abordée sous l'angle de solutions sectorielles, strictement géographiques ou technologiques. Elle doit être considérée comme l'un des fers de lance de la construction d'un projet urbain métropolitain. L'avenir d'une métropole est un projet urbain qui doit être porté par une vision à moyen terme, incluant la vie sociale, citoyenne, économique et culturelle de ses habitants. La mobilité est une clé qui permet de penser de manière concrète un continuum indispensable dans le changement d'échelle qu'impose la métropole. Elle permet d'envisager l'espace urbain de manière globale puisque l'objectif est d'irriguer des territoires étendus dotés de densités différentes.

Dans un monde urbanisé qui change, où un peu de moins de 10% de la population mondiale vit dans 35 mégalopoles, la dimension socio-territoriale vient croiser d'autres problématiques fortes : le changement climatique, l'épuisement des ressources naturelles, a pollution d'une part, mais aussi la sécurité des territoires et la continuité des services en cas de crise d'autre part. Il est indispensable de tenir compte de ces problématiques pour élaborer des solutions sytémiques viables, en termes de mobilité, pour nos villes.

Des villes vulnérables

Quelques exemples de cette vulnérabilité socio-territoriale à l'international. Hyderabad, en Inde, 6ème ville du monde de par sa population, vient ainsi d'accueillir la Conférence Mondiale de l'association Metropolis. Elle ambitionne aujourd'hui de concurrencer Bangalore sur la scène mondiale en devenant la nouvelle capitale indienne de la technologie. Elle fait néanmoins face, dans cette voie de métropolitisation, à de sérieuses  difficultés, notamment dans le domaine de la mobilité. Sa première ligne de métro est tout juste en cours de finalisation. Je citerais une comparaison intéressante entre Rio de Janeiro et Shanghai. En 1993, Rio comptait 2 lignes de métro ; en 2013, elle n'en avait toujours que 2, l'une d'entre elles ayant simplement été un peu prolongée. En 1993, Shanghai n'avait pas de métro. En 2013, elle pouvait s'appuyer sur un réseau dense de nombreuses lignes couvrant son territoire, manifestation d'un projet urbain étayant son développement.

Autre exemple significatif, la ville du Cape Town en Afrique du Sud, dans laquelle un grand projet d'autoroute fut brutalement arrêté il y a 25 ans, parce qu'il n'était pas adossé à un véritable projet urbain. Il a laissé dans le paysage urbain des traces aberrantes - comme ce pont coupé en plein milieu, qui sert aujourd'hui de décor pour les tournages de films.

Des projets réussis

On pense également à l'envahissement des deux-roues dans les rues des villes d'Asie du sud-est. À Hanoi par exemple, leur massification à outrance a dénaturé l'usage des espaces publics, en particulier des trottoirs qui sont, de façon traditionnelle dans ces pays, des lieux de vie et de partage entre les riverains. Il devient impossible d'y manger ou de s'y asseoir pour discuter, alors que ce sont des pratiques profondément ancrées dans la culture du pays.

On peut citer, à l'inverse, un exemple de projet urbain réussi. Medellin, en Colombie, a fait de son métrocâble bien plus qu'un simple moyen de transport. Il est devenu un véritable outil d'inclusion sociale, qui décloisonne les quartiers en les reliant. Chaque station du métrocâble a été conçue comme un espace de vie, d'intégration culturelle et d'expression artistique pour construire une société plus harmonieuse et plus équitable.

Écologie et mixité sociale

Je soulignerais pour finir le fait que la composante écologique de nos villes au XXIème siècle nous oblige à porter un regard systémique sur les différentes composantes de l'espace urbain. La ville, du fait des transports et des bâtiments, est très largement responsable de la production ade CO2. Raison majeure pour lesquelle il est indispensable d'aborder la question de la mobilité de façon systémique dans le cadre d'un projet urbain global et cohérent. C'est la direction qu'ont pris nos métropoles françaises avec les programmes Climat-Air et Energie-Territoires, que j'encourage à suivre et à renforcer.

L'expression de la vulnérabilité socio-territoriale se manifeste enfin dans le brassage que nous sommes capables de générer dans nos espaces publics, et la mobilité est devenue une expression forte de cette vulnérabilité devenue structurelle. En région parisienne, l'agression récente d'un chauffeur du RER A peut mener à une paralysie d'un axe clé du système de transport. Ce constat pourrait s'appliquer à de nombreuses villes en France et à l'étranger. Quid de la mixité des lignes Nord / Sud, Est / Ouest ? Des questions, qui amène à notre modèle de développement urbain et à le questioner.

Reconstruire le lien social

Le XXIème siècle révolutionne nos vies et nos transports par la technologie et la massification des objets communicants l'IoT (Internet des Objets). Elle fait aussi naître de nouveaux usages qui ouvrent la voie à des modèles inédits de développement socio-économique avec de nouvelles voies pour la mobilité urbaine. Au-delà des voitures connectées, des systèmes d'information en temps réel etc., voit émerger de nouveaux modèles économiques (économie du partage, collaborative ou de la multitude) qui sont source des voies, d'autres modes de socialisation dans l'espace urbain.

Nous voyons ainsi émerger de nouveaux paradigmes, sources de disruption. L'intelligence urbaine nous donne les moyens de reconstruire les liens sociaux, de vivre et travailler autrement en concevant de nouvelles infrastructures urbaines. C'est l'occasion de repenser la relation entre nous-mêmes et le centre-ville en allant vers des villes polycentriques, plus diversifiées, offrant un maillage plus fort de l'offre socio-culturelle. C'est aussi le moment d'envisager la démobilité, qui pourrait nous permettre d'envisager d'autres pistes de vie qui intègrent le local et la manère de vivre. À l'heure où la technologie, de l'hyper rapidité et l'hyper fluidité, c'est dans l'hyper proximité, concept qui m'est cher, que nous trouverons peut-être le moyen de rééquilibrer nos vies urbaines.

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