Basket : Boulougne-Levallois après la tornade Wembanyama

Avec lui, le club de Boulogne-Levallois a vécu une saison unique. Depuis son départ en NBA, le soufflé est retombé. La Ligue française estime, elle, avoir tiré parti du phénomène.
« Wemby » sous le maillot de Boulogne-Levallois, le 7 mars 2023, à Pau.
« Wemby » sous le maillot de Boulogne-Levallois, le 7 mars 2023, à Pau. (Crédits : © Le Deodic David/SUD OUEST/MAXPPP)

Dans le hall du palais des sports Marcel-Cerdan en ce samedi de décembre, les yeux du préposé à la boutique flottent dans le vide quand ils ne dérivent pas vers son smartphone. Les maillots sont bien en évidence mais, à quelques minutes d'un match Boulogne-Levallois - Le Mans qui ne manquera pas de sièges libres, aucun acheteur à l'horizon. La saison dernière, il fallait pourtant se glisser entre les ruptures de stock pour agripper cette tunique des Metropolitans 92. Frénésie non pour un club de banlieue parisienne, mais pour un joueur promis au grand monde.

Lire aussiHandball : le somptueux crépuscule d'une légende

Éveillé par l'écho venu des États-Unis - deux matchs exhibition survolés à Las Vegas en octobre 2022 -, le public français s'était subitement amouraché de Victor Wembanyama. D'autant plus volontiers qu'il savait son temps de présence compté. Partout des salles combles, jusqu'à l'Accor Arena de Bercy et Roland-Garros. Partout des fans trépignant à la sortie. Et des people qui se pressent pour être au premier rang, de Kylian Mbappé à Michael Douglas en passant par Orelsan et Omar Sy. Une saison unique, millésimée. « Tout ça, ce n'est pas parce qu'on a été bons en marketing ou en communication, c'est juste l'effet Victor », pose avec recul Alain Bouvard, président de Boulogne-Levallois. D'abord pris de court, son club a finalement écoulé 7 000 maillots, pour 350 000 euros de recettes merchandising sur l'exercice. Un record pour le basket pro français, qui n'a jamais été doué pour se vendre, bien au-delà des 80 000 euros de référence récoltés par le Paris Basketball. Un simple échauffement commercial pour « Wemby », désormais troisième vendeur mondial de maillots siglés NBA. Celui de son premier match avec les Spurs de San Antonio, le 25 octobre, a été adjugé 762 000 dollars (695 000 euros) chez Sotheby's.

Dans les Hauts-de-Seine, la parenthèse enchantée vécue avec la liane de 2,24 mètres semble déjà loin. Fini les matchs relayés dans le monde entier par la NBA, fini la hype. Retour à l'ordinaire et aux quiches décongelées de la réception d'après match. « L'an passé, on refusait du monde en VIP et on devait gérer les frustrations, retrace Alain Bouvard. Cette saison, personne n'est revenu. » Sur le terrain aussi, personne n'est revenu, sauf l'unique joueur sous contrat. Et le contraste n'est pas moins saisissant : le finaliste 2023 pointe au 18e et dernier rang de Betclic Elite.

Successeur sur le banc de Vincent Collet, dont il fut l'adjoint en équipe de France, Laurent Foirest n'a pas survécu au marasme. Sa page blanche, il avait dû la griffonner dans l'urgence au milieu de l'été. Après que la mairie de Boulogne-Billancourt, actionnaire majoritaire, a laissé planer le doute sur la poursuite de l'activité, faute d'avoir intégré les investisseurs espérés. La Ligue (LNB) y était allée de son coup de pression.

Fini la hype. Retour à l'ordinaire et aux quiches décongelées de la réception d'après-match

Déringardisation

Le budget a été resserré à 6 millions d'euros, quand celui de 2022-2023 était monté à 11 avec les matchs de gala délocalisés. L'opération Wembanyama aura permis de l'équilibrer. Menée à bien avec la place de numéro un de la draft NBA, elle a occasionné une transaction de 2 millions d'euros, dont un tiers environ (700 000) a fini dans les caisses du club, au titre du buyout (rachat de contrat). Le reste du gâteau, selon des accords validés en amont par le joueur, s'est réparti entre commissions et indemnités clubs. Indemnités de formation pour Nanterre, règlement de transfert pour l'Asvel (250 000 euros), sa précédente équipe. Pour la comptabilité des Mets, la vraie belle surprise est venue de Bilal Coulibaly, produit maison drafté en 7e position, pour un gain net de 500 000 euros. Si l'avenir est encore flou, des contacts subsistent avec des repreneurs américains. Mais une relégation pourrait tout émietter.

Et pour la Ligue, que reste-t-il de la Wembamania ? Plus que des bons souvenirs, à écouter son président. Philippe Ausseur l'admet, il avait « peur que le soufflé retombe », que les curieux et les flashs repartent aussi vite qu'ils avaient surgi. Or, le sentiment dominant est que « de nombreux spectateurs ont été convertis ». Il s'appuie notamment sur le taux de remplissage des salles : 84 %, soit le même que sous Wemby, machine à fermer les guichets. En parallèle, une nouvelle exposition télévisuelle a permis de consolider les acquis. Un contrat de sept ans a été signé avec la chaîne L'Équipe, ouvrant une fenêtre en clair le dimanche à 19 heures. Quelque 300 000 téléspectateurs sont au rendez-vous. Associée au deal, avec cette fois une couverture exhaustive des matchs, la plateforme Skweek aurait triplé ses abonnements, sans préciser sa base initiale.

La vitrine Wembanyama, même éphémère, a apporté un éclairage nouveau sur l'enseigne LNB et a affiné les regards. Les clubs font ainsi remonter le constat d'un rajeunissement du public. « Les jeunes pensent souvent que seule la NBA, avec son côté show, mérite l'attention, rappelle Philippe Ausseur. Mais en regardant les matchs de Victor avec les Mets sur l'application NBA, ils ont pu voir que ce qui se passe dans les salles ici valait le coup. De ce point de vue, Wembanyama a déringardisé le basket français. »

Et puisque la grande ligue américaine, par son biais, est devenue un interlocuteur, l'idée est de tirer profit de cette relation privilégiée. Un nouvel accord de diffusion, axé sur les jeunes talents du championnat de France, a été officialisé cette semaine en marge du NBA Paris Game 2024 opposant les Cavaliers de Cleveland aux Nets de Brooklyn (111-102), comme annoncé dans La Tribune Dimanche. Le but, désormais, est de trouver les leviers pour garder ces prospects un peu plus longtemps. Et d'éviter, comme cela arrive régulièrement, qu'ils migrent dans un autre championnat pour préparer le grand saut vers le rêve américain.

Challengé pour le trophée de meilleur rookie

Victor Wembanyama peut déjà songer au planning d'avant-JO. Sa première saison NBA se terminera le 14 avril, sans playoffs en dessert. Aussi productif (19,4 points, 10,2 rebonds, 3,1 contres) et générateur de highlights soit-il, le numéro un des Spurs, encore brillant contre les Charlotte Hornets vendredi (26 points et 11 rebonds en 19 minutes), ne les a pas sortis du dernier rang de la Conférence Ouest (7 victoires, 30 défaites). Une question demeure : sera-t-il sacré meilleur rookie de la saison ? Avec Chet Holmgren, l'intérieur d'Oklahoma City, il a un sacré concurrent. Bien identifié puisque les deux jouaient déjà des épaules en finale du Mondial U19 (2021). La rivalité est sur les rails, comme le pressent Gregg Popovich, le timonier de San Antonio : « Ça va être amusant de les voir s'affronter tout au long de leur carrière. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.