Cyclisme : dans les Ardennes, une Doyenne assoupie

Liège-Bastogne-Liège conclut la séquence des Classiques ardennaises, courses passionnantes mais qui souffrent d’un déficit d’image face aux pavés des Monuments flandriens.
Benoît Cosnefroy, ici lors de sa victoire sur la Flèche brabançonne le 10 avril, fera partie des outsiders aujourd’hui à Liège.
Benoît Cosnefroy, ici lors de sa victoire sur la Flèche brabançonne le 10 avril, fera partie des outsiders aujourd’hui à Liège. (Crédits : LTD / DAVID PINTENS/BELGA VIA REUTERS)

Benoît Cosnefroy n'a pas séché les cours de géographie au collège. S'il se dit ardennais, alors qu'il est né à Cherbourg (Manche), c'est parce qu'il attend avec impatience, chaque année, la quinzaine en Wallonie, qui se termine en beauté cet après-midi par Liège-Bastogne-Liège. Le puncheur de l'équipe Decathlon-AG2R La Mondiale a remporté la Flèche brabançonne le 10 avril, puis s'est classé 4e de la Flèche wallonne, mercredi - il avait terminé à la 2e place en 2020. « Ces courses se déroulent dans une ambiance particulière, salive-t-il, devant un public nombreux et connaisseur. » Essentiellement italien, luxembourgeois et français, si l'on se fie aux drapeaux qui flottent au bord des routes mal entretenues. Un signe de l'attrait moindre de la population wallonne pour le cyclisme. La retraite du champion francophone Philippe Gilbert, vainqueur de quatre Monuments sur cinq, n'a pas encore été compensée par les promesses d'Arnaud De Lie, 22 ans.

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La séquence, à laquelle appartient aussi l'Amstel Gold Race, pâtit de la comparaison avec les épreuves pavées, le Tour de Flandres et Paris-Roubaix en tête, « que tous les Belges attendent », reconnaît Benoît Cosnefroy, qui a découvert le « Ronde » en 2023 (16e). Les Français sont pourtant de bons promoteurs des Ardennaises : mercredi, Kévin Vauquelin (Arkéa-B&B Hotels) a manqué d'un rien d'inscrire son nom au palmarès de la Flèche wallonne, où figure trois fois celui de Julian Alaphilippe (2018, 2019, 2021) ; sans compter les podiums de Romain Bardet, David Gaudu et « Alaf » à Liège depuis 2018. Sur les pavés, un seul tricolore, Christophe Laporte (Visma-Lease a bike), peut espérer de tels résultats.

Jadis la préférée des coureurs

Ce paradoxe fait dire au journaliste Laurent Galinon que les Ardennaises sont « méconnues et mal-aimées ». Pour l'auteur de Classiques - Lieux de culte et champions mythiques, « elles souffrent d'un manque d'identification face aux courses pavées, qui sont devenues synonymes de classiques, avec leurs monts, la poussière et la boue ». S'ils restent des points de repère marquants de la Flèche wallonne et de Liège, le mur de Huy et la côte de la Redoute ont reculé dans la mythologie cycliste derrière Quaremont, le carrefour de l'Arbre ou Arenberg, qui ont magnifié la rivalité entre le Belge Tom Boonen et le Suisse Fabian Cancellara dans les années 2000.

Dans le même temps, Liège-Bastogne-Liège, créée en 1892, a souffert d'un déficit d'image, devenant une interminable course d'attente où le peloton roulait à l'économie, proposant des scénarios soporifiques où Alejandro Valverde gagnait à la fin. L'Espagnol y a triomphé quatre fois, une de moins qu'à la Flèche wallonne, dont il détient le record de succès. Flanders Classics, propriétaire du Tour des Flandres, a alors songé à racheter la « Doyenne » à Amaury Sport Organisation (ASO). L'idée ? Dessiner un circuit autour de la côte de la Redoute, qui serait grimpée plusieurs fois. « Un Monument, on le dépoussière mais on n'y touche pas, estime Laurent Galinon. Liège serait devenue une course de motocross. » Mais le projet était bien le signe d'une crise d'identité de ce « Monument en péril », jadis le préféré des coureurs, d'après un sondage réalisé par Vélo Magazine en 1997, année d'un face-à-face mémorable entre Laurent Jalabert et l'Italien Michele Bartoli, qui avaient remis ça un an plus tard.

Pour Liège-Bastogne-Liège, l'espoir d'un renouveau passe peut-être par l'avènement d'une nouvelle rivalité, entre Tadej Pogacar et Remco Evenepoel. Le Slovène tout-terrain s'est imposé en 2021, le Belge les deux années suivantes. L'abandon du double vainqueur du Tour de France à 150 kilomètres de l'arrivée en 2023 avait éteint l'espoir d'un premier choc savoureux. Cette fois, « Pogi » est là, pas Evenepoel, sérieusement blessé au Tour du Pays basque il y a quinze jours. S'ils participent tous les deux aux prochaines éditions, Laurent Galinon pense que « tout le monde se remettra à attendre cette course, comme lorsqu'elle était la plus grande ».

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