Football : le racisme dans les tribunes à la loupe

Diffusée mardi sur France 5, l’enquête « Des cris dans le stade » plonge dans les méandres du fléau.
Solen Cherrier
Vinicius Jr., le footballeur du Real Madrid, a déjà été victime de racisme lors de matches en Espagne.
Vinicius Jr., le footballeur du Real Madrid, a déjà été victime de racisme lors de matches en Espagne. (Crédits : LTD / © Guillermo Martinez/AFLO via Reuters)

Il s'appelle Kerfalla Sissoko et il a failli mourir sur un terrain à cause de sa couleur de peau. Coursé et lynché par des joueurs et supporters adverses, ce footballeur amateur a ensuite été suspendu pour dix matchs par la Ligue d'Alsace pour « brutalité », tout comme deux de ses assaillants, puis a été relaxé par le tribunal correctionnel de Colmar, qui n'a en revanche pas retenu le caractère xénophobe de l'agression.

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Une histoire assez dingue, rapportée par Libération dès 2018, qui ouvre et conclut le documentaire Des cris dans le stade, diffusé mardi en prime time sur France 5. Chronique d'un racisme ordinaire longtemps nié au sommet de la Fédération (FFF).

Deux ans après cet épisode sordide, l'ancien président de la FFF Noël Le Graët avait déclaré que « le phénomène raciste [n'existait] pas, ou peu » dans le football. Ce qui, pour le Breton, était surtout une manière très maladroite de dire que son sport était vecteur d'intégration et qu'il n'y en avait pas plus que dans le reste de la société. De quoi remuer le couteau dans la plaie de Kerfalla Sissoko. Six ans plus tard, il ne veut plus entendre parler de football. L'émotion le submerge. Ni de son ex-président, ni de son fils qui avait été aux premières loges de la scène.

Si le journaliste Mohamed Bouhafsi a voulu enquêter sur le racisme dans le football, c'est pour montrer que « ça existe, mais comme dans la société », et qu'il ne faut pas « cacher les choses sous le tapis ». L'idée a germé après une de ses chroniques dans l'émission C à vous : il était question de l'attaquant brésilien du Real Madrid Vinicius Jr, victime d'insultes racistes et expulsé. « Il a beau être blindé, il pleure chez lui le soir », souffle l'ex-chasseur de scoops de RMC Sport. L'Espagne donc, mais aussi l'Italie, où Mike Maignan de l'AC Milan a quitté le terrain cet hiver après avoir été la cible de cris de singe. Et même l'Allemagne, où un récent sondage de la chaîne ARD indique que 21 % des personnes interrogées veulent plus de Blancs en sélection.

Vinicius a beau être blindé, il pleure chez lui le soir

Le journaliste Mohamed Bouhafsi

Il y a cinq ans, Olivier Dacourt avait traité le sujet dans Je ne suis pas un singe, sur Canal+. C'est en discutant avec un Bleu actuel, lui confiant qu'il était français quand il jouait bien et réduit à sa couleur de peau quand il jouait mal, que l'impulsion est venue pour Mohamed Bouhafsi. « Artus expliquait récemment que, depuis Le Huitième Jour, il n'y avait quasiment pas eu de films sur le handicap, note le journaliste. Il ne peut pas y avoir non plus qu'un film sur le racisme, il faut continuer à le traiter. » Là où le documentaire de l'ancien international s'appuyait sur les témoignages, Des cris dans le stade prend du recul sur quarante ans afin de montrer d'où vient le phénomène, son évolution et cette difficulté à faire bouger les lignes.

Du racisme beauf à l'idéologie. Des bananes au vomi des réseaux. Avec les contradictions que peut charrier le sujet. Lilian Thuram a ainsi fait remarquer à Mohamed Bouhafsi qu'il y avait un Noir parmi les supporters marseillais qui s'apprêtaient à jeter des bananes sur Joseph-Antoine Bell, comme si la victime participait parfois à sa propre humiliation. Un international lui a aussi expliqué que le racisme pouvait être reproduit « sans même le savoir » dans les vestiaires, évoquant ainsi le racisme antiblanc, dénoncé par la droite et l'extrême droite, que le doc n'aborde pas. Mohamed Bouhafsi, qui nie tout parti pris, ne conteste pas son existence et se dit prêt à approfondir le sujet.

Parmi les scènes marquantes, celle racontée par Luc Sonor qui a, un jour, découvert que le gars qui l'insultait au stade était celui avec qui il prenait le café le matin. « J'ai sous-estimé l'ampleur de l'émotion pour certains », souligne le journaliste en pensant à Basile Boli. Des joueurs contemporains, seuls Samuel Umtiti et Demba Ba ont le courage de prendre la parole, preuve que beaucoup ont « encore peur de faire des vagues ».

Solen Cherrier

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