Football : les légendes bleues de Denis Podalydès

De Marius Trésor à Kylian Mbappé, le sociétaire de la Comédie-Française raconte avec gourmandise un demi-siècle d’émotions procurées par l’équipe de France.
Michel Platini, une des idoles de l’acteur, en 1978 contre l’Italie.
Michel Platini, une des idoles de l’acteur, en 1978 contre l’Italie. (Crédits : LTD / PRESSE SPORTS)

Denis Podalydès a tout de suite prévenu : ses légendes bleues ne répondent à aucune considération technique mais à des choix « affectifs ». Comme chaque grande compétition, l'Euro 2024 « replonge en enfance » l'acteur et scénariste de 61 ans. Dans les années 1970, le premier international tricolore qui l'a émerveillé s'appelait Marius Trésor, « un défenseur fiable, qui ne baissait jamais les bras ». Et dont le patronyme « inspirait encore plus confiance ». Dans sa mémoire, deux buts du Guadeloupéen se confondent : son égalisation de la tête au Maracanã contre le Brésil en 1977 et sa reprise de volée à Séville lors de la dramatique demi-finale de la Coupe du monde 1982 contre la RFA.

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Michel Platini a disputé ces deux matchs, mais c'est un autre, en 1978 contre l'Italie, qui a marqué le grand supporter des Bleus. À Naples, l'arbitre refuse au numéro 10 lorrain un but inscrit sur coup franc. Entêté, « Platoche » récidive à dix minutes de la fin, sur la gauche du gardien transalpin, Dino Zoff. À l'époque, Denis Podalydès aime regarder le futur triple Ballon d'or répéter ses gammes « face à des mannequins ». Une véritable madeleine de Proust. Plus tard, il y eut un déjeuner complet avec Platini, Pierre Lescure et l'acteur Éric Elmosnino. « Je me souviens d'un homme très intelligent, très ouvert et assez clair dans le fond », confie le comédien, actuellement à l'affiche de La Petite Vadrouille, une comédie réalisée par son frère Bruno.

Zidane chez Dostoïevski

En revanche, il n'a jamais rencontré l'autre numéro 10 de son panthéon : Zinédine Zidane. Le Ballon d'or 1998 « intimide » le Molière de la révélation théâtrale 1999. « Le Zidane que l'on connaît m'apparaît comme la partie émergée d'un iceberg de complexité et de secret, tel un personnage de Dostoïevski ; il faudrait l'interroger pendant des heures pour atteindre les sous-couches, et je ne saurais pas faire », capitule le Versaillais, qui conserve un instantané de la finale du Mondial 2006 : la panenka réussie plutôt que le coup de tête.

Le 22 avril, jour de son anniversaire, Denis Podalydès a partagé la scène du Théâtre du Vieux-Colombier avec Éric Cantona, autre personnage complexe. Un dialogue autour du jeu, organisé dans le cadre de l'olympiade culturelle de Paris 2024. Le sociétaire de la Comédie-Française a été « fasciné » par cet artiste - on prend son souffle - « pluriel, libre, sympathique, simple, attentif, curieux de tout, rieur, mystérieux et lumineux ». « Il est et sera toujours à part », résume celui pour qui « le jeu en mouvement, en pleine course » du numéro 7 au col relevé de Manchester United était « un plaisir équivalent à la dégustation d'un verre de romanée-conti pour un œnologue » ; ou pour un ancien président de la Fédération française de football...

En observant dernièrement des matchs de Marcus et Khéphren Thuram, Denis Podalydès s'est remémoré « le doigt sur la bouche » de leur père, Lilian, double buteur venu d'ailleurs en demi-finale de la Coupe du monde 1998 contre la Croatie. Le défenseur, alors à Parme, était « une combinaison d'intelligence et de puissance ». Quelques années plus tard, les deux hommes se sont retrouvés dans La Boîte à questions sur Canal+, « lui immense, moi tout petit », en rit encore le comédien, qui garde un souvenir « éblouissant » de deux passes échangées et d'une remise réussie vers l'ancien recordman des sélections.

« Gaga » de Kyky

L'acteur de Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) avait assisté au quart de finale du Mondial 1998 contre l'Italie. En tournage en région parisienne, il avait fait l'école buissonnière et rejoint le Stade de France en RER, incognito. « J'avais convenu avec les régisseurs qu'ils me récupèrent à la sortie du train, se souvient le fugitif. Mais le match s'est étiré jusqu'aux tirs au but. J'ai quitté l'enceinte presque le premier, en laissant derrière moi un énorme vacarme de liesse, et j'ai couru comme un fou, le cœur joyeux mais anxieux. Par chance, je suis arrivé comme une fleur auprès du réalisateur qui venait juste de réclamer ma présence sur le plateau, comme si j'avais attendu tout l'après-midi dans ma loge. »

Vingt-quatre ans plus tard, la déception liée à la défaite des Bleus contre l'Argentine, en finale de la Coupe du monde au Qatar, l'a particulièrement affecté mais elle est passée « comme un chagrin d'enfant ». De ce drôle de match, longtemps « à sens unique », Denis Podalydès garde dans son cœur le souvenir du triplé lumineux de Kylian Mbappé. « Je ne peux même pas décrire ce que j'éprouve quand il prend le ballon. C'est un soulèvement viscéral, très profond. Je ne sais jamais si les grandes émotions nous rajeunissent ou nous font vieillir, mais avec lui, je passe de la petite enfance au très grand âge, et vice versa. Je suis gaga de Mbappé. »

Ce vrai supporter du PSG se dit « empli de gratitude » pour les sept années « de grand bonheur » offertes par le Bondynois, désormais passé sous les couleurs du Real Madrid. Un fil invisible le relie à Platini et à Zidane, « le fil des dieux », dit joliment Denis Podalydès, avant de conclure : « Ils sont les seuls dieux que je reconnaisse et ils éveillent en moi une sorte de piété religieuse très libre. »

À Bordeaux, dernière sortie avant l'Euro en Allemagne

Le onze de ce soir à Bordeaux (21 h 15, TF1) ressemblera-t-il à celui qui débutera l'Euro 2024 dans huit jours contre l'Autriche à Düsseldorf ? Il y a de grandes chances, à deux incertitudes physiques près (Rabiot, Upamecano). Après un premier match de préparation bien négocié (3-0 contre le Luxembourg), l'équipe de France affronte le Canada, qui vient d'être étrillé par les Pays-Bas (4-0). Ce sera un étalon, les Oranje étant présentés comme la principale menace dans le groupe D (complétée par la Pologne). Les Bleus, qui rejoindront mercredi leur camp de base à Paderborn, préfèrent historiquement le statut d'outsider mais ils ne peuvent se cacher : ils sont, juste derrière l'Angleterre, les favoris de cet Euro. Chez elle, l'Allemagne est aussi très attendue. Elle lance le tournoi vendredi à Munich contre l'Écosse. Le pays tremble : la Nationalmannschaft a perdu son premier match lors des trois derniers grands tournois.

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