Trois ans après, le legs olympique de Tokyo

Dans la capitale japonaise, l’héritage des Jeux décalés à 2021 reste contrasté. Mais le pays est fier d’avoir su les organiser malgré la pandémie.
L’allée de ginkgos reliant le Tokyo Metropolitan Gymnasium, utilisé pour les JO de 1964, au stade Kokuritsu, construit pour ceux de 2021, reste l’empreinte la plus visible des Jeux 2021.
L’allée de ginkgos reliant le Tokyo Metropolitan Gymnasium, utilisé pour les JO de 1964, au stade Kokuritsu, construit pour ceux de 2021, reste l’empreinte la plus visible des Jeux 2021. (Crédits : LTD / JULIETTE PAVY)

À la sortie du métro Sendagaya, une allée de ginkgos forme comme une main courante végétale qui conduit de l'ancien Tokyo Metropolitan Gymnasium, utilisé pour les Jeux olympiques de 1964 et ceux de 2021, jusqu'au stade Kokuritsu, construit pour ces derniers. Un trait d'union, mais surtout l'empreinte la plus visible des changements dans la ville. La capitale japonaise garde moins de traces physiques de l'édition 2021, bien qu'elle ait été disputée dix ans après le séisme ayant provoqué la catastrophe de Fukushima, que celle post-Seconde Guerre mondiale, quand le pays achevait une reconstruction express.

Lire aussiJeux Olympiques : la France pourra-t-elle effacer le mauvais bilan de Tokyo à Paris en 2024 ?

La nouvelle enceinte est à moitié couverte de végétation. Elle héberge quelques affiches du Football Club Tokyo, dont les fans préfèrent le vieux stade Ajinomoto. Tout autour, des plaques métalliques célèbrent les champions olympiques et paralympiques de 2021, une façon de montrer que ces Jeux n'étaient pas qu'un songe. En face, la statue en bronze de Pierre de Coubertin garde l'entrée du musée olympique - presque exotique, vu de France où les références au baron sont minimales. Des espaces ludiques pour tester son habileté au saut ou au tir permettent de se prendre aux Jeux : un rattrapage pour le public, privé d'un événement disputé à huis clos douze mois après avoir été reporté en raison de la pandémie de Covid-19.

Trois ans plus tard, les rapports officiels se félicitent d'avoir pu tenir les JO dans des conditions fortement dégradées par cette situation inédite, sans se vanter du dérapage budgétaire, qui a atteint 6 milliards d'euros. Pour quel héritage ? Alors que Paris 2024 insiste depuis les premières heures sur ce que les Jeux légueront de profitable aux territoires, Tokyo continue de se poser la question.

« J'ai même gardé le survêtement »

Quelques mois avant la cérémonie d'ouverture, une enquête du grand quotidien national Asahi Shimbun indiquait que 80 % des Japonais n'étaient pas enthousiastes, un score qui ferait passer la défiance des Français pour un blanc-seing. « Ce n'était pas une opposition franche, mais plutôt l'expression de craintes, compréhensibles au moment du Covid, resitue le journaliste Kosuke Inagaki. Et pendant l'événement, les Japonais n'ont pas pu en profiter. Les étrangers étaient interdits, beaucoup de lieux étaient fermés au public ou ne donnaient pas la possibilité d'encourager les athlètes afin d'éviter les postillons. » Restait la télévision pour vibrer devant des performances enthousiasmantes, le pays se plaçant troisième au classement des médailles.

Se souvenir des belles choses, certes, mais cela n'a pas duré très longtemps : les émotions sportives vécues lors de la Coupe du monde de football fin 2022 et surtout le triomphe à la World Baseball Classic en mars 2023 ont estompé l'effet olympique. Oubliés, les Jeux ? Interprète durant les trois semaines, Sonoko tente de garder la flamme : « Ça aurait pu être épuisant et, au contraire, ça m'a donné une grande énergie. Mais les Jeux ont aussi déçu beaucoup de personnes. Nous devions être 35 000 bénévoles et nous n'avons été que 5 000. Malgré tout, je reste fière que mon pays ait réussi à les accueillir. J'ai même gardé le survêtement. » À l'été 2021, des volontaires cachaient leurs tenues officielles dans les transports de peur de passer pour possiblement contaminés. Malgré quelques cas au village des athlètes, aucun foyer infectieux n'avait pourtant été signalé. Un exploit au regard du contexte.

« Cette réputation de sérieux, c'est ce qui rend encore fier les Japonais », estime Masakuni Hosobuchi, directeur exécutif de la fédération d'aviron, pour qui son pays « a beaucoup appris » de ces JO : « Ils ont été l'occasion d'évoquer des thèmes comme les droits humains, l'égalité des genres, la diversité, l'équité ou encore l'inclusion. » Avec des avancées concrètes : les trottoirs ainsi que les transports ont été adaptés aux personnes à mobilité réduite. À Tokyo, 90 % des stations de métro leur sont accessibles, contre 10 % seulement à Paris, où l'héritage se profile déjà en dessous des espérances initiales.

Chercheur au département santé et éducation physique de l'université Kokugakuin de Tokyo et de Yokohama, Hideyuki Aoyagi dresse un bilan positif de l'impact des Jeux sur le développement de la pratique sportive : « Plusieurs programmes comme Yoi Don ["Prêts, partez !"] ont permis aux enfants de 19 000 écoles de découvrir le sport, ainsi que les idéaux et les valeurs olympiques, comme l'excellence, l'amitié et le respect. » Des idéaux que le comité d'organisation a eu bien du mal à incarner, admet l'universitaire en pointant la démission de son président, Yoshiro Mori, pour des propos sexistes, cinq mois avant le rendez-vous. Sans compter les scandales de corruption qui ont suivi (pots-de-vin pour obtenir le statut de partenaire officiel, appels d'offres truqués pour des contrats de préparatifs). Une autre facette de l'héritage...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 01/05/2024 à 8:19
Signaler
Ne pensez pas, distrayez vous.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.