Paris 2024 : comment le Quai d’Orsay orchestre le ballet diplomatique

La prise en charge des chefs d’État et de gouvernement pendant les Jeux nécessite une coordination millimétrée. Les agents du ministère des Affaires étrangères sont à pied d’œuvre.
(Crédits : © LTD / REUTERS/Michel Euler/Pool)

Pour les sprinteurs, les Jeux olympiques débuteront véritablement au coup de feu du starter. Pour les agents du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le coup d'envoi de Paris 2024 sera donné lorsque le premier chef d'État posera le pied sur le sol français, une poignée d'heures avant la cérémonie d'ouverture (26 juillet). Il faut imaginer près de 200 délégations étrangères, dont les plus puissantes du monde, surgissant presque simultanément d'avions présidentiels ou de vols commerciaux à Roissy, Orly, Villacoublay ou au Bourget, mais aussi d'Eurostar et de Thalys à la gare du Nord. Comment les accueillir si vite et sans fausse note ? Les guider vers leurs hôtels, leurs ambassades, les sites olympiques ? S'assurer que les accréditations sont en ordre ? À ces défis logistiques s'ajoutent les précautions à prendre dans un contexte international tendu par la guerre en Ukraine et dans la bande de Gaza.

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Cent quatre-vingt-cinq diplomates français ont déjà été recrutés et formés. Chacun d'entre eux tiendra le rôle clé d'agent de liaison auprès d'une délégation. Rompus aux usages du Quai d'Orsay, ils ont aussi été sélectionnés pour leur connaissance de la culture et, dans la mesure du possible, de la langue des dignitaires qu'ils seront chargés de chaperonner. En contact permanent et direct avec les délégations, ils échangeront dès que nécessaire avec le poste de commandement du protocole, installé au siège du comité d'organisation (Cojop), où prendront place d'autres agents du ministère et des membres de la direction du protocole du Cojop.

Entre deux et sept accréditations

De toutes les tâches incombant à ces agents de liaison, la plus délicate sera de rappeler à leurs invités que leur rang de chef d'État ou de gouvernement ne leur assure pas, pour une fois, un accès prioritaire à tout, à tous et en toutes occasions. « C'est la particularité des Jeuxformule le diplomate Samuel Ducroquet, placé au cœur du réacteur en sa qualité d'ambassadeur pour le sport du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Par moments, nous sommes au plus proche de nos processus habituels. Et en même temps, nous devons nous adapter à un dispositif où les chefs d'État et de gouvernement ne sont pas en haut de la pyramide protocolaire, qui est dominée par les membres du Comité international olympique [CIO]. »

Les diplomates étrangers en poste en France ont été prévenus ; et conviés à une première réunion d'information au ministère en janvier 2023. Deux autres ont suivi, en avril puis en novembre ; cette dernière regroupant 250 participants. La prochaine se tiendra dans onze jours à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Il sera rappelé au personnel diplomatique qu'une délégation accréditée pour se rendre à l'intérieur des sites de compétition est limitée à sept membres, strictement désignés : le chef d'État ou de gouvernement, un accompagnant, deux membres du staff, deux officiers de sécurité et l'ambassadeur.

Criblage de la flotte de voitures

Pour la cérémonie d'ouverture et les événements sportifs majeurs, comme la finale du 100 mètres d'athlétisme, le CIO n'accorde même que deux accréditations : une pour le chef d'État ou de gouvernement, l'autre pour un accompagnant. En théorie, même les personnalités de tout premier plan n'ont pas de place réservée dans la tribune officielle ou la tribune d'honneur. Premier arrivé, premier servi. La cérémonie d'ouverture, précédée d'une probable photo de famille à l'Élysée, promet d'être un autre morceau de bravoure : les chefs d'État et de gouvernement s'y rendront dans plusieurs bus affrétés par le Cojop, dans lesquels chacun devra prendre place sans ordre protocolaire. Pourtant, là encore, il semble difficile de ne pas tenir compte des tensions internationales au moment d'inviter les dirigeants à s'engouffrer dans les navettes.

La pyramide protocolaire est dominée par les membres du CIO

Samuel Ducroquet, ambassadeur pour le sport

Autre sujet potentiel de friction? La sécurité, évidemment. Les délégations doivent accepter le criblage de leur flotte de voitures, ainsi que la présence d'un officier de sécurité français dans le véhicule du chef d'État ou de gouvernement. On est loin des visites officielles, avec plusieurs dizaines de membres couvés par les autorités françaises. Ce traitement inhabituel pourrait inciter certains à contourner les règles. En se présentant plus nombreux que demandé, ou en réclamant des billets supplémentaires pour assister aux exploits d'un champion national. « Des pays suivent toutes ces recommandations à la lettre, d'autres pourraient tenter de négocier », soupèse Samuel Ducroquet.

Mais le pouvoir du Quai d'Orsay s'arrête à la porte des sites de compétition, où le protocole olympique, sur lequel veille le Cojop, est l'unique en vigueur. Les solutions peuvent alors se trouver entre les mains des comités olympiques nationaux, eux-mêmes détenteurs de billets.

L'enjeu est à la mesure des Jeux : un instrument de soft power considérable, à même de replacer un pays au centre de la scène internationale, mais capable d'affaiblir la confiance que ce dernier inspire si sa gestion de l'événement est défaillante.

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