Rugby : « Comment s’en remettre ? »

La désillusion du XV de France a été à la hauteur de ses capacités et des attentes. Il faut désormais vivre avec et rebondir. Un long processus.
Antoine Dupont (à gauche) Cameron Woki (à droite) et Sekou Macalou (en haut) après la défaite contre l’Afrique du Sud.
Antoine Dupont (à gauche) Cameron Woki (à droite) et Sekou Macalou (en haut) après la défaite contre l’Afrique du Sud. (Crédits : latribune.fr)

Pour que les planètes soient aussi bien alignées, il faudra être patient. Le XV de France n'avait jamais eu une équipe aussi forte, autant de moyens et d'intérêts communs mobilisés, une telle approche scientifique, elle recevait la planète ovale à la maison et le pays l'adorait autant qu'il croyait en elle. Pourtant, la pointe de la flèche du temps, concept développé par le sélectionneur Fabien Galthié pendant quatre ans avec 82 % de victoires en stock, s'est abîmée à côté de la cible. D'un rien qui fait tout. Qui troque un sacre programmé en échec sans qu'il y ait des kilomètres de reproches à dérouler. Mais il y a ce constat clinique : éliminés par l'Afrique du Sud en quart de finale de la Coupe du monde dimanche dernier (28-29), les Bleus n'ont pas fait mieux qu'en 2015 et 2019, soit deux éditions au cœur de la pire période du rugby français.

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« La performance, c'est comme un diamant : c'est précieux et fragile, souligne la psychologue Meriem Salmi, trente ans dans la tête des athlètes de haut niveau, du judoka Teddy Riner au pilote Romain Grosjean. L'équipe de France a perdu d'un point, à un détail donc. Mais l'excellence est dans le détail. À quoi ça tient ? » Pour rebondir, dit-elle, « il y a une analyse très fine à faire, il s'agit de chercher partout ces millimètres de détails qui font la différence ». Un élément non détecté dans le système de jeu, une mauvaise appréciation dans la préparation... « Parfois, image-t-elle, un athlète ne se rend pas compte qu'il est fatigué parce qu'il a une capacité d'endurance à la souffrance hors norme. Et il suffit qu'il soit un peu en dessous quand l'adversaire est un peu au-dessus pour que ça bascule. »

Sortir de l'émotion pour objectiver la chose, c'est ce que Fabien Galthié a commencé à faire, et va continuer à faire, avec la Fédération, qui l'a immédiatement conforté à son poste. « Il faut chercher tout ce qui a atteint la performance, le grain de sable invisible de l'extérieur », étaie ce membre du staff de Didier Deschamps qui a connu la désillusion en finale de l'Euro 2016 de football au Stade de France contre le Portugal. « À l'époque, poursuit-il, notre problématique était d'avoir joué notre finale avant, en demi-finale contre l'Allemagne alors championne du monde. Peut-être que là, le fait de commencer par un adversaire fort [la Nouvelle-Zélande] et d'enchaîner avec des adversaires beaucoup moins forts est une bonne piste de réflexion. »

« Grande brutalité »

Reste que, pour la plupart, l'heure est à la sidération plus qu'à l'analyse. Dans sa chronique pour le Daily Mail, l'entraîneur anglais de la défense française, Shaun Edwards, a raconté « l'état de choc total » dans lequel il s'est retrouvé le lendemain. Cette sensation de vide. « Ce passage d'une période d'une intensité phénoménale à plus rien est d'une grande brutalité, resitue Meriem Salmi. Malgré le relâchement physiologique, ils ne récupèrent pas correctement. Ils sont perdus, ne savent plus ce qu'ils doivent faire le matin. Le travail consiste à se déshabituer. » À faire le deuil, aussi. Chacun à sa façon. Certains envisagent un retour rapide aux affaires - le Top 14 redémarre au lendemain de la finale. D'autres se tournent vers la famille et les proches.

Peato Mauvaka, un des deux Bleus à avoir pris la parole depuis dimanche, a raconté à Midi Olympique qu'il était resté à Paris avec ses amis néoretraités Romain Taofifenua et Uini Atonio, et qu'ils avaient refait le match. Pour eux comme pour les autres, la tristesse et la douleur d'avoir déçu sont d'autant plus aiguës qu'ils se sentaient en capacité de remplir la mission. « Comme quelque chose nous a échappé, on est démunis, dans le déni, en colère, explique le préparateur mental Denis Troch, qui officie auprès de certains clubs de Top 14. Ces émotions sont là pour aider, non pour mettre en difficulté. La colère doit sortir, c'est un mécanisme de défense. » Comme celle, mesurée, du capitaine Antoine Dupont contre l'arbitrage au soir du quart.

Il y a deux saisons, après un revers avec le Stade toulousain, le demi de mêlée avait paraphrasé Nelson Mandela : on ne perd jamais, on gagne ou on apprend. L'expérience des Bleus du foot colle à cet aphorisme. « Sans 2016, il n'y aurait pas eu 2018, assure ce membre du staff d'alors. En Russie, après la qualification pour la finale, Pogba n'arrêtait pas de dire : "Ce n'est pas fini, les gars, on n'a rien gagné." Deux ans avant, ça s'était joué à rien, à un poteau de Gignac. Comme là, à une transformation contrée de Ramos. Ceux qui ont vécu ce traumatisme contre l'Afrique du Sud vont relayer cette expérience pour qu'elle serve. » La prochaine Coupe du monde, en Australie en 2027, reste un horizon très lointain. Mais le prochain Tournoi arrive très vite, sans doute sans Dupont qui, lui, rêve de rebondir à Paris 2024. ■

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Commentaires 4
à écrit le 30/10/2023 à 19:46
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On peut s'en remettre en faisant savoir au monde entier que c'est l'EDF qui avait gagné. Confer le rapport de Goodgame si contre https://patrickbayeux.com/actualites/france-afrique-du-sud-un-rapport-independant-preconise-des-enquetes-plus-approfondie...

à écrit le 24/10/2023 à 1:48
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Après nous avoir énervé pendant 40 ans avec leurs arbitrages, ils viennent pourrir notre coupe du monde à la maison avec leurs poules mal faites, leurs consignes pourries aux arbitres. On aura bientôt un concert à la mi temps comme en NFL? Ou sont pa...

à écrit le 22/10/2023 à 16:08
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En France c'est diddicili de se remettre d'échecs sportifs à répétition: le Rugby s'est ajouté à la liste déjà longue des désillusions: en foot d'abord la finale ratée du mondial contre l'Argentine, comme le rugby la faute à l'arbitrage c'est évident...

à écrit le 22/10/2023 à 9:23
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Victime du Spectacle d'abord et avant tout, les médias se sont excités tout seuls tandis que les équipes du sud restent solides même si les européennes ont progressé. Les médias ont fait de la victoire contre eux en novembre 2022 une vérité alors que...

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