Rugby : la France a peur

La claque irlandaise en ouverture du Tournoi des Six Nations réveille des fantômes et soulève des interrogations. Réponses souhaitées en Écosse.
L'équipe de France avant-hier, au stade Vélodrome de Marseille.
L'équipe de France avant-hier, au stade Vélodrome de Marseille. (Crédits : © NICOLAS TUCAT/AFP)

C'est pénible une gueule de bois qui n'en finit pas. Trois mois et demi après l'élimination par l'Afrique du Sud (28-29) en quart de finale de sa Coupe du monde, le XV de France titube encore. Les têtes ont tourné vendredi contre l'Irlande à Marseille (17-38). C'est une mauvaise surprise, tant le commando de Fabien Galthié avait habitué à la constance depuis quatre ans avec ses 80 % de victoires. « C'est rare de voir cette équipe secouée comme ça, s'étonne l'ancien sélectionneur Jean-Claude Skrela. On a eu le sentiment qu'elle ne savait plus jouer au rugby. » Comme son prédécesseur, Guy Novès a trouvé qu'il y avait « deux écarts de niveau » avec le XV du Trèfl e, pourtant lui aussi ratiboisé au Mondial. Le déplacement samedi en Écosse, terre de fantômes, pourrait réveiller ceux du XV de France, qui sera privé de Romain Taofifenua, Reda Wardi (blessés) et Paul Willemse (suspendu). Un troisième revers consécutif renverrait le sentiment d'un déclassement. Et inviterait à s'interroger.

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La continuité quoi qu'il en coûte ?

Fabien Galthié entend s'appuyer sur 80 % de l'effectif présent à la Coupe du monde cet
automne pour tenter de remporter l'édition 2027 en Australie. Son choix est guidé par le
constat qu'en moyenne le lauréat compte 50 sélections pour 28 ans d'âge. Contre l'Irlande, sa volonté a été contrariée par des blessures (Thibaud Flament, Anthony Jelonch, Romain Ntamack...) et s'est heurtée à la méforme de cadres, tels Gaël Fickou et Jonathan Danty. L'ancien technicien Jean-Pierre Élissalde met les pieds dans le plat : « Pourquoi vouloir cette continuité quoi qu'il en coûte ? S'il faut lancer Nicolas Depoortère, Émilien Gailleton ou Nolann Le Garrec, il ne faut pas se priver. » La continuité, c'est aussi celle avec l'an I de l'ère Galthié. « C'est une erreur majeure de vivre dans ce souvenir, poursuit Élissalde. Pourquoi avoir présenté ce France-Irlande comme une chance de rédemption ? La Coupe du monde, c'est fini ! Place à un nouveau cycle ! » Jean-Claude Skrela estime que la compétition n'a pas été digérée : « Psychologiquement, elle pèse encore. On n'a pas eu cette capacité à évacuer un énorme échec. Les joueurs ne sont pas devenus moins bons, on l'a vu en Coupe d'Europe. Tout est dans la tête. »

Le staff renouvelé est-il au point ?

« Le problème n'est pas physique », assure Guy Novès. Même l'exclusion précoce de Willemse ne revient pas dans les discours comme une clé de la défaite. Alors quel est le problème ? Après le match, le troisième ligne François Cros a donné une piste : « Il y a un nouveau système de touche et des modifications, du changement dans le staff. Être vite menés ne nous a pas permis de prendre confi ance dans ce système. » Patrick
Arlettaz (arrières), Laurent Sempéré (avants) et Nicolas Jeanjean (physique) ont remplacé Laurent Labit, Karim Ghezal et Thibault Giroud. Dans un média de son pays, l'ex-international Gordon D'Arcy a noté que le XV irlandais était « mieux entraîné » sur ce match. De toute évidence, certaines options de jeu n'étaient pas les bonnes. Une pierre dans le jardin de Fabien Galthié et de ce staff renouvelé. « J'ai la sensation qu'en matière d'organisation l'écart avec l'Irlande ne date pas d'hier, juge Novès. Comme on a beaucoup gagné, on a fermé les yeux sur un certain nombre de choses. Mais quand on est spécialiste, on voit bien que la France gagne aussi grâce à des fulgurances de ses individualités, comme Damian Penaud, Grégory Alldritt, Charles Ollivon et surtout Antoine Dupont. »

La France peut-elle faire rêver sans sa star ?

Antoine Dupont ne volera pas au secours de la patrie dans ce Tournoi. Le génie toulousain se consacre à son rêve olympique et à l'équipe de France de rugby à 7, avec qui il devrait débuter dans moins de trois semaines. Or, sans faire offense à son remplaçant Maxime Lucu, défaillant contre l'Irlande mais le plus souvent à son aise avec les Bleus, le XV de France ne peut pas être aussi performant sans lui. Le demi de mêlée renverse des situations, rassure ses partenaires, défend avec férocité, inspire des craintes à ses adversaires. « C'est le meilleur joueur du monde, de toute l'ère professionnelle », s'enflamme Jean-Pierre Élissalde. « Il a une influence sur tout : le jeu, l'environnement, les médias, admire Jean-Claude Skrela. On n'aurait peut-être pas gagné avec lui mais il aurait secoué le cocotier. » L'Irlande était, elle, privée de Jonathan Sexton, maître à jouer et à scorer depuis quinze ans, parti à la retraite. « L'absence de Dupont a plus pesé, estime Novès. Lui est capable de mettre des essais tout seul. Il est unique. C'est dur de dire qu'un joueur peut à lui seul changer la trajectoire d'une équipe. Mais c'est le cas avec lui. »

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