Sport : A 25 ans, la nantaise Aglaé Ribon a embarqué son entreprise dans la Mini Transat

Piquée par le virus de la navigation alors qu'elle était tout petite, Aglaé Ribon fait partie des 14 femmes à avoir pris le départ de la Mini Transat 2023. La skippeuse semi-professionnelle revient sur cette expérience de transatlantique, en solitaire sans escale et sans assistance. Une première vécue tout en conservant son poste de consultante dans une entreprise nantaise.
Aglaé Ribon, skippeuse semi-professionnelle de 25 ans, a participé à la Mini Transat 2023 à bord d'un voilier aux couleurs de Quaternaire, entreprise nantaise où elle est consultante.
Aglaé Ribon, skippeuse semi-professionnelle de 25 ans, a participé à la Mini Transat 2023 à bord d'un voilier aux couleurs de Quaternaire, entreprise nantaise où elle est consultante. (Crédits : William JEZEQUEL)

Dès l'âge de 4 ans, Aglaé Ribon a connu ses premières expériences de navigation en Bretagne. Un terrain de jeu idéal pour la voile et une passion héritée de ses parents. « J'ai grandi en région parisienne et passé beaucoup de temps sur la côte Atlantique où j'ai commencé à naviguer sur des optimistes, avant de grimper à bord de catamarans et de planches à voile. Ensuite, pendant mes études d'ingénieur en agroalimentaire et biotechnologie à Nantes, j'ai commencé à faire de la voile en compétition sur des J80 (monotype de 8m50 de longueur, ndlr) », se souvient-elle.

Dotée d'une énergie et d'un mental de compétiteur, la jeune femme s'est alors lancée un défi une vingtaine d'années plus tard :  se mesurer à une traversée de l'Atlantique. Une aventure dans laquelle elle a embarqué son frère cadet Blaise également mordu de voile. Leur projet ? Être sur le départ de la Mini-Transat. Mais ne participe pas à cet événement bisannuel qui le veut. En effet, avant de pouvoir traverser l'Atlantique, Aglaé qui a pris la barre a dû tout d'abord s'adonner à un long processus de qualification, à travers deux épreuves : une qualification en course de 1.500 milles et une qualification hors course de 1.000 milles. « Nous avions deux ans pour nous préparer entre les entrainements, les phases de préparations techniques et théoriques, les qualifications... et être sur le départ », se souvient-elle. Ce sera chose faite le 24 septembre 2023 au moment de s'élancer des Sables-d'Olonne (Vendée).

Concilier course et vie professionnelle

Une préparation de deux ans qu'Aglaé Ribon a souhaité mener de front avec son activité de consultante chez Quaternaire, une entreprise de conseil et de formation en management implantée à Nantes. « Je venais d'être recrutée en CDI après un stage de six mois. Tout en ayant cette passion pour la voile, j'avais à cœur de démarrer dans la vie professionnelle. J'ai alors présenté mon projet au comité de direction. Très vite, ses membres ont donné leur accord en sachant que ce projet allait s'étaler sur un an cumulé. Restait à trouver l'organisation à mettre en place. », explique-t-elle.

Une situation qui semble rare dans le milieu de la voile, d'après la jeune skippeuse. « Généralement, beaucoup arrête de travailler. Pendant la Mini Transat, nous étions seulement deux à être dans ce cas-là. »

Tout en étant concentrée sur sa course, elle a donc adapté ses conditions de travail... naviguant entre son métier de consultante et sa casquette de skippeuse semi-professionnelle. « Concilier les deux a été assez simple. J'échangeais beaucoup avec l'entreprise. Il a fallu alterner période de courses pendant un mois et demi et trois semaines de creux. Une pause dans la préparation qui me permettait de retourner sur le terrain chez les clients et de poursuivre mes missions, avant de repartir en course », explique Aglaé Ribon.

Être une femme : un avantage

Côté budget, elle a déboursé 40.000 euros pour son bateau, un mini 6,50 qui comme son nom l'indique mesure 6,50 mètres de long. Une somme à laquelle s'est ajouté le budget de fonctionnement de 100.000 euros. Pour financer son projet, elle a pu compter sur le soutien de Quaternaire qui a sponsorisé la course. « Nous avions l'envie que son projet réussisse et de vivre l'aventure avec elle », embraye son directeur Alexandre Letenneur qui ne souhaite pas divulguer la somme exacte déboursée par son entreprise. Quaternaire emploie 70 salariés et va réaliser 12 millions d'euros de chiffre d'affaires (prévisionnel) en 2023.

D'après Aglaé, ce partenariat a permis d'ajouter de la crédibilité à son projet. Dans la foulée, six autres entreprises (partenaires financiers et techniques) ont investi dans le sponsoring, comme Saccof Packaging, une PME familiale positionnée sur le marché de l'emballage, et la société angevine Le Bon Bag (plats cuisinés appertisés destinés au voyage).

« Être une femme n'a pas été un handicap pour trouver des sponsors mais plutôt un avantage. Ce projet que j'ai porté avec mon frère était axé sur les valeurs familiales et non sur le fait que je sois une femme qui allait traverser l'Atlantique. »

« Il y a toujours une solution peu importe l'obstacle »

Puis vient le jour J. Le 24 septembre dernier, Aglaé Ribon a pris le large à bord de son bateau à voile au départ des Sables-d'Olonne. Dans sa ligne de mire : la ville de Saint-François en Guadeloupe. « La course s'est déroulée en deux étapes avec une escale aux Canaries. La première, le long des côtes, a été plus dure techniquement mais la moins dure mentalement. La seconde étape, en revanche, c'était le saut dans le grand bain », décrit-elle précisant avoir profité d'une météo clémente. 51 jours plus tard, elle coupait la ligne d'arrivée de sa première expédition transatlantique en solitaire sans escale et sans assistance. Une course qu'elle a terminée à la quarantième place sur le podium des bateaux de série (59 au départ) après 28 jours, 22 heures et 58 minutes passés en mer, après 4.500 milles nautiques parcourus (7.200 kilomètres) et après avoir essuyé quelques déboires techniques. « J'ai toujours trouvé une solution pour finir la course. »

« Cette expérience a été très enrichissante car elle m'a prouvé que j'étais capable de repousser encore une fois mes limites et m'a permis de gagner en confiance. Le message que je retiens : il y a toujours une solution peu importe l'obstacle. »

Désormais sur la terre ferme, elle nous confie ses impressions. « J'avais préparé mentalement cette course : la solitude et la peur. Mais je n'avais pas anticipé la tristesse. Je me suis retrouvée au milieu de l'Atlantique très triste de ne pas pouvoir partager ce moment en direct. C'était dur à vivre. » Et d'ajouter : « J'ai été coupée du monde, sans internet ni téléphone, permettant une totale déconnexion. C'était un privilège de pouvoir vivre ça. »

Jusqu'à l'ultime étape. « Quand je coupe la ligne d'arrivée, je me souviens d'un sentiment d'accomplissement, difficile à décrire, et de partage retrouvé. Collègues, famille et amis m'attendaient à l'arrivée. C'était un mélange d'émotions très intense. Ce moment, j'avais essayé de l'imaginer pendant mes deux années de préparation mais je n'y suis jamais arrivée. »

Après avoir remis le pied sur la terre ferme, Aglaé Ribon n'a pas tardé à reprendre le chemin du travail début décembre, après quatre mois d'absence. « Les premiers jours ont été assez particuliers mais c'était des moments très heureux. J'étais contente de retrouver mes collègues, leur raconter cette aventure et essayer de leur transmettre ne serait-ce qu'une infime partie de mes émotions pour leur donner l'envie de réaliser leurs rêves », poursuit la jeune skippeuse, un brin nostalgique.

Un nouveau défi en vue

Une nostalgie de courte durée. Car Aglaé Ribon se tourne déjà vers 2025. Cette année-là aura lieu à nouveau la Mini Transat. Cette fois-ci ce n'est pas elle mais son frère Blaise (24 ans) qui va démarrer une intense préparation pour s'aligner sur le départ. « Mon frère et moi allons profiter de l'expérience de ces deux dernières années pour progresser et être meilleurs, à la fois à la navigation et dans la gestion du projet. »

Si la jeune femme se donne pour objectif de progresser en tant que consultante, elle n'en oublie pas moins ses envies de grand large. D'ailleurs, par esprit d'aventure, elle n'exclut pas de participer à d'autres grands événements. Parmi eux : la fameuse Transat Jacques Vabre, une course courue en double.

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Commentaire 1
à écrit le 16/01/2024 à 8:50
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