L'attribution de trois chaînes TNT supplémentaires à TF1, M6 et Canal Plus est-elle légale? Telle est la question que vient de poser Bruxelles à Paris. La Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction sur ce point, envoyant à la France une mise en demeure, comme l'a révélé lundi "Satellifax".
Dans son collimateur: la loi française de 2007, qui prévoit que les trois chaînes privées diffusées en analogique bénéficieront automatiquement fin 2011 d'un canal TNT supplémentaire, indépendamment de ceux déjà attribués lors du lancement de la TNT. Officiellement, la loi voulait ainsi leur accorder une compensation en échange de la perte de leur diffusion en analogique.
Critiques des nouveaux entrants
Mais ces chaînes "bonus" avaient été vivement contestées par les nouveaux entrants de la TNT (NRJ, BFM, Bolloré, AB et Lagardère), qui avaient attiré l'attention de Bruxelles sur ce point, sans toutefois déposer de plainte formelle. Selon eux, il n'y avait aucune raison d'accorder une compensation aux chaînes historiques alors que leur licence en analogique expirait de toutes façons début 2012 -et même fin 2010 pour Canal Plus. La Commission, dans sa mise en demeure, se demande si l'attribution de ces trois chaînes respecte les principes de transparence et de non discrimination prévus par les directives, et garanties par des appels à candidatures. Elle se demande aussi pourquoi, si préjudice il y a, il n'a pas été évalué. "S'il s'avérait qu'il n'y a pas de préjudice, alors ces chaînes bonus pourraient être considérées comme une aide d'Etat", explique un expert.
Paris a maintenant deux mois pour répondre à la Commission, qui, si elle n'est pas convaincue par la réponse, enverra un avis motivé, puis saisira éventuellement la cour de justice européenne. En première analyse, Paris s'estimerait dans son bon droit, car les trois chaînes bonus seront soumises à d'importantes obligations d'investissement, et surtout car une large place a été faite à la concurrence lors du lancement de la TNT.
Précédent italien
A noter que la direction de la concurrence bruxelloise avait déjà engagée une procédure d'infraction à ce sujet contre Rome, envoyant une mise en demeure en 2006, puis un avis motivé en 2007. En effet, l'Italie prévoyait d'accorder aux chaînes analogiques une très large part des chaînes numériques, ce qui leur "conférait des avantages injustifiés", selon Bruxelles. En 2008, Rome a fait voter une nouvelle loi, accordant plus de place aux nouveaux entrants et aux petites chaînes, ce qui a apparemment satisfait Bruxelles.
Rappelons que TF1 veut utiliser sa chaîne bonus pour diffuser une chaîne inspirée de TV Breizh; M6 une nouvelle chaîne «généraliste»; et Canal Plus hésite entre une chaîne en clair et une payante.
Ces groupes feraient mieux d'investir dans des contenus de qualité. Ah, ca n'est pas compatible pour la lobotomisation du cerveau, c'est sûr.
Au vu de la qualité, la redevance n'est vraiment pas justifiée.
Ils auraient du profiter du numérique pour permettre aux internautes de voter en direct. Les patrons de chaînes seraient surpris de se rendre compte qu'au delà de l'audience, la qualité est un paramètre non négligeable.
Ceci dit, la ficelle utilisée par l'État et les bénéficiaires de ses largesses est quand même trop grosse. La notion de "préjudice" invoquée n'a aucun fondement. Un manque à gagner n'est pas un préjudice. Pour qu'il y ait préjudice, il faudrait considérer soit que les téléspectateurs appartiennent aux chaînes bénéficiaires ; soit que l'espace hertzien leur appartient. On ne doute pas un seul instant que les dirigeants de ces chaînes considèrent ainsi les téléspectateurs comme les biens publics ; comme c'est souvent le cas de toutes les entreprises "installées" dans un marché. Mais une disposition psychologique n'est pas un droit...
Il n'y a pas de préjudice, donc pas de compensation à donner. Quant aux cahiers des charges contraignants associés aux chaînes bonus, s'il répondent à un besoin collectif identifié, en logique de libre concurrence, ils devraient être non-discriminatoires et ouverts à tous les prétendants.
L'évidence de ces constats n'a pas échappé aux gouvernants qui ont accordé ces largesses. Il faut vraiment être rabat-joie, ne pas aimer offrir et recevoir des cadeaux pour s'offusquer de telles pratiques ;)