Apple provoque la ruée sur la montre connectée chez les cybermarchands

Tout comme Amazon, eBay ou Zara, les enseignes françaises Picard et Vente-Privée se précipitent sur la montre connectée d'Apple, avec chacune leur application dédiée. Avant même que le "m-commerce" n'ait eu le temps de décoller en France. Une façon de se positionner dans les starting-blocks dans la course au "w-commerce".

Le m-commerce est encore balbutiant. Mais déjà, des cybermarchands, flairant le succès de l'Apple Watch, veulent porter le "w-commerce" sur les fonds baptismaux. Certes, la montre connectée de la marque à la Pomme n'a pas attiré la foule des grands jours le 24 avril, date officielle du lancement. Ni au Japon, ni à Paris. Mais des augures laisseraient entrevoir une nouvelle réussite commerciale. Des analystes évaluent en effet à au moins 2 millions d'unités les achats en précommande, et jusqu'à 20 millions le nombre d'unités qui s'écouleraient dès cette année.

>> Lire aussi: Apple pourrait vendre 15 millions de sa Watch cette année

Quelques distributeurs ont fait plancher leurs développeurs pour sortir leur application dédiée dès le jour-j. Et se risquer dans nouvel écosystème hypothétique qui n'a pas encore de nom. Mais gageons que le w pour "wearable" - portable -, ou "watch" - montre - saura graver son initiale parmi les néologismes anglophones chers aux professionnels du marketing.

D'Amazon à Zara

Avec ou sans nom, le principe de la montre connectée - qui plus est siglée Apple - fait courir les grands (cyber)marchands. Outre-Atlantique, le géant Amazon a dégainé son application. Laquelle permet d'acheter des produits en un clic, via le service prévu à cet effet. Au Royaume-Uni, où les consommateurs ont modifié plus largement et plus tôt qu'en France leurs habitudes d'achat pour intégrer les nouvelles technologies, le supermarché en ligne Ocado a lui aussi créé sa propre application. Celle-ci consiste à... parler à sa montre afin de dicter une liste de courses qui s'inscrit ainsi sur le compte en ligne de l'utilisateur. Pour le cybermarchand, cela se traduit en une promesse : "faire ses courses en 15 secondes". Pendant ce temps, en Espagne, le géant Inditex, a adapté l'application de la marque Zara pour ce nouvel écran.

Des distributeurs français se sont également lancés aux trousses du lièvre du Cupertino. Alors même que les ventes réalisées par téléphones mobiles restent encore confidentielles en France, bien qu'elles progressent fortement (voir enrichissements plus bas).

Ruée vers la montre

"Nous voulions faire partie des précurseurs", justifie  Catherine Splinder, directrice marketing de Vente-Privée. " Cela nous permet d'être parmi les premiers à tester les usages" du nouvel appareil, ajoute-t-elle.  Essuyer les plâtres, donc, mais aussi profiter de la forte visibilité assurée par la commercialisation de la montre. "C'était une volonté de commencer avec l'Apple Watch afin de s'allier à leur lancement planétaire très suivi", explique ainsi la directrice marketing. Pour Android, il faudra donc un peu attendre, mais des applications seraient également en préparation.

"Nous avons mis les bouchées doubles pour être prêts" avant le lancement de l'Apple Watch, explique de son côté Matthias Berhahya-Lazarus,  président de Bonial, une filiale du groupe de presse allemand Axel Springer spécialisée dans la digitalisation des catalogues des distributeurs. "Apple donne le LA au marché. Ensuite tous les autres s'engouffrent dans la brèche", estime le dirigeant.

Les deux entreprises ont pu envoyer leurs développeurs tester leur nouveau service directement sur la montre, dans le laboratoire londonien d'Apple. D'autres n'ont pas eu ce privilège et ont dû se contenter du simulateur sur écran d'ordinateur. Sollicité, le groupe américain n'a pas précisé le nombre de développeurs autorisés à tester leur application sur la montre avant sa commercialisation.

Des applications pour faire quoi ?

Or, pour compléter ainsi leur offre, les marchands doivent tout de même prendre en compte quelques contraintes physiques. A commencer par un écran beaucoup plus petit et de nouveaux gestes. Les adeptes de la marque à la Pomme devront-ils ainsi apprendre à "appuyer intensément" sur le cadran, à naviguer en tournant une molette, ou à effleurer les icônes avec délicatesse afin d'atteindre l'application voulue. Car l'écran ne mesure que 38 ou 42 mm.

En pratique, cela implique donc de faire des choix. Chez Bonial, Matthias Berhahya-Lazarus détaille :

"Nous avons dû sélectionner de façon draconienne les fonctionnalités pour la montre. On ne verra pas tout le catalogue mais les horaires d'ouvertures des magasins à proximité. Les utilisateurs pourront choisir les notifications qu'ils souhaitent recevoir. Par exemple s'ils s'intéressent à la foire au vin, on pourra leur envoyer un message lorsqu'une nouveauté de Bourgogne est arrivée dans leur magasin de quartier."

Les limites de ce petit écran n'ont apparemment pas rebuté une autre enseigne française. Picard a ainsi confié à Ocito, une filiale de 1000Mercis, l'élaboration de son programme pour la montre d'Apple. Martin Jaglin, son directeur, reconnaît d'autres freins éventuels :

"Le mobile est déjà très intrusif, la montre l'est plus encore. Nous nous sommes demandés comment rendre son usage intéressant pour le client."

Recettes de cuisine

Pour le spécialiste des plats surgelés, son équipe a créé un programme qui propose des recettes de cuisines et un minuteur de cuisson. "Je peux regarder ma montre même avec de l'huile sur les doigts", argue-t-il. Tandis que sortir son smartphone et y revenir régulièrement pour en vérifier les étapes serait un peu plus complexe. Cela dit, tenter de naviguer sur un écran avec le bout de l'index gras ne paraît pas des plus évidents. Sauf à en garder quelques un propres, mais dans ce cas, autant utiliser directement un smartphone. Le développeur envisage une nouvelle fonctionnalité pour naviguer avec la voix. Seulement, une recette pour décongeler un plat, est-ce seulement nécessaire ? "Picard, ce n'est pas que du surgelé qu'il suffit de passer au micro-onde, il y a plus de 150 recettes disponibles", rétorque  Martin Jaglin.

Au-delà de l'anecdote, le but de ce type d'applications pour les commerçants semble de resserrer encore un peu plus le lien avec ses clients, en s'installant sur son poignet.  Les fonctionnalités de la montre répondent "tout à fait à notre modèle de vente événementielle, avec une durée très limitée dans le temps", indique ainsi Catherine Splinder chez Vente-Privée.

 Ce groupe propose en réalité deux applications sur la montre. La première, qui porte son nom, émet des notifications pour prévenir les clients de ventes à venir, puis permet d'ajouter des produits dans un panier d'achat virtuel et enfin de suivre la progression de sa commande. Principe similaire pour "Le Pass",qui lui, émet des notifications lorsqu'un client, smartphone en poche, passe à côté d'une borne bluetooth installée à cet effet dans un magasin physique.   "Cela répond tout à fait à notre modèle de vente événementielle, avec une durée très limitée dans le temps", détaille Catherine Splinder.

Pour autant, le paiement d'un produit directement sur sa montre n'est pas proposé. "La logique n'est pas de pousser à la transformation mais plutôt de coller à notre modèle économique en étant encore plus proche de l'utilisateur", souligne-t-elle. Pour régler la note, il faut conclure l'achat sur son smartphone.

Payer du poignet

Payer d'un simple geste du poignet fait pourtant bien partie des usages possibles de l'objet. Si ce n'est de chez soi après avoir consulté une liste de produit, au moins lors du passage en caisse dans un magasin. " Pour l'instant le paiement en magasin par smartphone reste peu convaincant en matière d'expérience puisqu'il faut sortir son téléphone, l'approcher de la borne. Avec la montre à son poignet, il n'y aura plus qu'un geste à faire", juge Matthias Berhahya-Lazarus à ce sujet. Mais cela nécessite l'installation d'un système de paiement mobile, encore très rare en France. Même le service ad hoc développé par le groupe américain, "Apple Pay  reste dans le domaine de l'expérimental en France. Il faudra observer de près le comportement des consommateurs aux Etats-Unis", admet-il.

 >> 2015, l'année du décollage du paiement mobile en magasin ?

Pour l'heure, outre-Atlantique, l'objet semble en tous cas n'attiser la curiosité que petite d'une partie des consommateurs. Moins de 15% se disent "intéressés" d'une manière ou d'une autre par l'Apple Watch, 8% très intéressés, tandis que 49% se déclaraient pas "pas du tout intéressés" et 21% pas vraiment intéressés d'après une enquête menée par Reuters au mois de mars (les chiffres auront peut-être changé depuis).

Peut-être parce que l'objet comporte un frein de taille : le prix. La montre est conçue pour compléter un smartphone...  fonctionnant avec le même système d'exploitation. En plus des quelques centaines d'euros - le prix varie aussi avec les forfaits - du téléphone, il faut ajouter entre 350 et 18.000 euros pour arborer le nouvel appareil à son poignet. Voilà qui peut constituer une barrière à l'entrée. "Nous avons été très surpris par les prix qui positionnent le produit très haut-de-gamme", reconnait ainsi Martin Jaglin chez Ocito.

L'etape d'après

Cela ne l'a pourtant pas arrêté.  "La montre, nous y croyons vraiment. Tout le monde porte une montre", pointe le directeur d'Ocito, "les objets connectés deviennent incontournables. Il y a des écrans à peu près partout. " Un peu trop peut-être ? Ce serait sans compter sur la force de persuasion de la marque. "En 2008, quand Apple a lancé le smartphone qui aurait cru qu'au bout de sept ans tout le monde aurait dans sa poche un objet qui permet de téléphoner, de consulter ses mails, de prendre des photos, d'écouter de la musique, de faire des achats ? Ensuite en 2010/2011, il y a eu l'iPad, beaucoup de gens n'y ont pas cru, en disant que ce n'était qu'un smartphone avec un écran plus grand. Manque de bol, aujourd'hui, il est en train de tuer l'ordinateur. La Watch c'est l'étape d'après", juge Martin Jaglin.

Et si, dans les Apple Stores, les foules habituelles ne semblent pas accompagner ce lancement-là, cela ne semble pas effrayer la directrice marketing de Vente-Privée :

" Nous ne sommes pas inquiets. C'est une stratégie très bien orchestrée par Apple. Il suffit d'observer le nombre de précommandes pour se convaincre du succès probable de l'Apple Watch."

Une journaliste du Wall Street Journal s'est filmée pendant 24 heures avec l'Apple Watch (vidéo en anglais).

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Commentaires 8
à écrit le 01/05/2015 à 1:22
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Combien coute la montre?

à écrit le 27/04/2015 à 15:13
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Autant le smartphone a tué l'ancien téléphone, vu que la fonction est même, autant je ne crois pas avoir vraiment de preuve que la tablette a tué l'ordinateur... En général, les gens qui n'ont qu'une tablette, n'avaient pas d'ordinateur avant, et ceu...

à écrit le 27/04/2015 à 12:22
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Je n'ai rien contre l'innovation informatique, mais je me demande s'il y a un véritable marché pour ces montres connectés très chère. A part les sportif qui veulent regarder le chronos ou leurs distance parcourus à leur poignet je ne vois pas trop l...

le 27/04/2015 à 15:15
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A mon avis, ça deviendra intéressant quand elles deviendront indépendantes. Une montre qui se porte au poignet, c'est quand même plus naturel qu'un téléphone dans la poche, et les interactions n'en seraient que plus rapides, donc moins dérangeantes.....

à écrit le 26/04/2015 à 17:55
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ou comment vendre très (très) cher à des gogos un truc (même pas capable de tenir 24h sans recharger) avec un écran de 4x4cm, qui ne sert absolument à rien, et qui sera obsolète dans 1an1/2 ....

à écrit le 26/04/2015 à 11:31
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Ca rale contre les lois liberticides, mais ça s'offre le "bracelet électronique" bon chic bon genre qui va faciliter les choses pour toutes les agences de renseignement.

le 26/04/2015 à 13:53
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Ceux qui achètent une montre Apple ne se sentent pas du tout concernés par la surveillance et autres rétrécissements des libertés individuelles. Ils se pensent au dessus de ces contingences. Après tout, ils sont du côté du bien. Apple c'est les genti...

le 26/04/2015 à 14:38
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Bien vu ! C'est tout un art que de savoir pousser les citoyens à renoncer à certaines de leurs libertés -de leur propre chef. Nos démocraties du vingt-et-unième siècle ne semblent pas très douées pour ça. Mais doit-on s'en plaindre quand on sait qu...

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