Communication de Zuckerberg : "Il y a une volonté de se montrer dépassé"

Mark Zuckerberg, Pdg et co-fondateur de Facebook, était auditionné mardi et mercredi par le Congrès américain dans le cadre de l'affaire Cambridge Analytica. Pour l'occasion, il avait troqué ses traditionnels t-shirts pour des costumes sombres. Impassible ou presque, le jeune milliardaire a livré des réponses très convenues. Décryptage avec Anaïs Theviot, maîtresse de conférences en science politique à l'Université Catholique de l'Ouest (Angers).
Anaïs Cherif
Anaïs Theviot, maîtresse de conférences en science politique à l'Université Catholique de l'Ouest (Angers).
Anaïs Theviot, maîtresse de conférences en science politique à l'Université Catholique de l'Ouest (Angers). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Mark Zuckerberg, souvent décrit comme timide, limite ses prises de parole. À l'issue de ces 10 heures d'audition, est-ce qu'il a été convaincant ?

ANAÏS THEVIOT - Mark Zuckerberg a réussi ses auditions car il était dans le contrôle. Il était extrêmement bien préparé. Une photo de ses notes a d'ailleurs "fuité", il avait anticipé toutes les questions. Le patron de Facebook avait adopté une certaine posture pour rassurer à la fois les utilisateurs, et les investisseurs. Il a été fidèle à son discours habituel : il s'excuse, et ensuite, il endosse la responsabilité. D'ailleurs, lui qui est toujours en t-shirt, s'est présenté devant le Congrès en costume.

Son image de jeune geek, plutôt cool, devient très dure à préserver. Il a toujours voulu se présenter comme "Monsieur-tout-le-monde". Jusqu'ici, il était dans une stratégie de communication de normalisation. Mark Zuckerberg continue de le faire d'ailleurs - en niant posséder un monopole, il se présente comme modeste.

Le patron de Facebook a énormément botté en touche, en renvoyant souvent vers ses équipes.

C'est une manière de renvoyer les problèmes à plus tard. Cambridge Analytica a provoqué suffisamment de scandale. Mark Zuckerberg voulait à tout prix éviter le buzz, quitte à faire des réponses sans intérêt. Il mise sur une communication où il en dit le moins possible pour avoir le contrôle. En même temps, c'est une façon de montrer qu'il n'est pas tout seul à la tête de Facebook. Il met en avant un travail collectif.

Chaque sénateur avait environ 4 minutes pour échanger avec le Pdg de Facebook. Est-ce que ce format l'a avantagé ?

Je dirais plutôt que les profils des sénateurs l'ont aidé. Nombre d'entre eux ne maîtrisaient pas très bien les enjeux techniques de Facebook. Mais le format a pu l'aider aussi. C'était un entre-deux : chaque audition était très longue (5 heures), mais les questions des sénateurs passaient très vite. Cela lui a permis de repousser les réponses et de donner, au final, très peu d'infos.
Durant les auditions, Mark Zuckerberg n'a pas été déstabilisé. Seule exception : la question sur son hôtel, qui a été reprise par tous les médias (interrogé par un sénateur sur le nom de son hôtel, Mark Zuckerberg a refusé de le dévoiler, ndlr). Il a été un peu bousculé, et il a enfin montré un côté humain et moins figé. De manière générale, il contrôlait tous les signes de son visage pour qu'ils ne puissent pas être interprétés négativement.

Lors de sa première audition, Mark Zuckerberg a déclaré : « Nous n'avons pas pris une mesure assez large de nos responsabilités et c'était une grosse erreur ». Est-il dépassé par les événements ?

Nous le sommes tous ! Je pense qu'il y a une volonté de se montrer dépassé, de sorte à ne pas choquer l'opinion publique.

Certains médias et sénateurs américains se sont amusés à lister les excuses formulées par Mark Zuckerberg depuis 14 ans. Est-ce que cette accumulation rend son discours inaudible ?

C'est sa stratégie de communication depuis le début : on s'excuse, on améliore le dispositif. Mais cela peut décrédibiliser ses excuses car elles sont très récurrentes ! Reconnaître son erreur est généralement bien perçu, mais cela peut le desservir. Il risque de paraître hypocrite en affirmant ne pas avoir été au courant. Les excuses à répétition ne peuvent pas marcher, il faut changer de stratégie de communication.

Anaïs Cherif

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 13/04/2018 à 9:36
Signaler
C'est vrai que c'est étrange l'histoire de cette entreprise qui a émergé en 2004 alors qu'il existait déjà à l'époque 10000 réseaux sociaux sur internet, pourquoi celui-la a pris une telle ampleur ? Même sur minitel en France, on avait déjà des site...

à écrit le 13/04/2018 à 7:06
Signaler
Facebook est aussi un formidable outil pour les USA de connaitre tous les profils de ses usagers. Un immense chalut qui récolte des informations au profit des services de renseignement US sur une partie du monde. Croyez vous que le sénat aller démont...

à écrit le 12/04/2018 à 22:47
Signaler
Personellement j'admire beaucoup Zuckerberg d'avoir renvoyé calmement Elon Musk à ses chères études au sujet de l'intelligence artificielle.

à écrit le 12/04/2018 à 22:14
Signaler
Il fallait être quand même un peu naïf pour penser que Mark Zuckerberg allait se faire tailler en pièce par le sénat. Le concept Facebook ne casse pas trois pattes à un canard et pourtant Mark Zuckerberg a réussi à conquérir le monde avec. Il a su p...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.