Bruxelles se prépare à réagir face à la pénurie de semi-conducteurs, qui contrarie la reprise dans plusieurs secteurs depuis le début de l'année, en particulier dans le secteur automobile. Annoncé en septembre dernier par la Commission européenne, l'European Chips Act doit permettre à l'UE de retrouver une souveraineté technologique et industrielle en la matière après trente ans de désintérêt de la part des pays occidentaux. Bruxelles se prépare à réinvestir fortement dans le secteur, et imposera en contrepartie la mise en place d'un mécanisme de préférence européenne en cas de crise. Le projet de loi sera présenté début 2022.
Soutien public fort pour le secteur
Avec l'European Chips Act, Thierry Breton entend reconstruire massivement des capacités de production sur le Vieux Continent et réduire sa dépendance à l'Asie. Dans une interview accordée à plusieurs médias européens et publiée le 27 novembre, il déclare : « Dans le cadre du "chips act" que je présenterai début 2022, l'Europe supportera les investissements, notamment de rupture, et plus largement l'ensemble du secteur en assouplissant les règles de concurrence relatives aux aides d'Etats. »
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en avait annoncé le principe mi-septembre. « Nous sommes dépendants des microprocesseurs les plus avancés fabriqués en Asie. Il ne s'agit donc pas seulement de notre compétitivité. L'enjeu est aussi notre souveraineté technologique », ainsi que la conquête de « nouveaux marchés pour des technologies européennes novatrices », avait-elle souligné.
Doubler la production européenne
L'objectif de l'UE est de doubler les capacités de production de puces en Europe d'ici à 2030 pour parvenir à produire 20 % des semi-conducteurs dans le monde, selon la feuille de route de l'UE présentée en mars, alors que le marché mondial est estimé à 440 milliards d'euros.
Aujourd'hui, l'Europe et les Etats-Unis ne représentent plus à eux deux que 18 % de la production mondiale de semi-conducteurs, contre environ 60 % il y a 30 ans. La production étant désormais concentrée en Asie - 50 % de l'offre mondiale pour la seule île de Taïwan - il est difficile pour les unités de fabrication situées à l'autre bout du monde de répondre immédiatement à la demande forte occidentale actuelle, impulsée par la rapidité de la reprise économique mondiale qui s'ajoute à la demande structurelle de l'électronique grand public (smartphone, électroménagers).
La préférence européenne en contrepartie
Ce soutien promis par Bruxelles et en particulier Thierry Breton tranche quelque peu avec la position affichée par le commissaire européen en septembre. Il avait estimé que, pour résoudre la pénurie des semi-conducteurs les fabricants devaient accroître leur production, et que cet accroissement était de leur responsabilité : « c'est leur travail de le faire, de combler les besoins de leurs clients. C'est leur responsabilité d'accroître la production. » Il avait alors parlé d'un effort de plusieurs mois pour endiguer la pénurie.
Thierry Breton n'entend pas pour autant signer un chèque en blanc. Toujours dans son entretien du 27 novembre, il a annoncé que : « En contrepartie de ce soutien public, nous instaurerons un mécanisme de préférence européenne en cas de crise ». Les détails de ce mécanisme n'ont pas été dévoilés pour le moment, mais il s'agit vraisemblablement de la possibilité pour l'Europe de limiter les exportations de semi-conducteurs en cas de pénurie pour privilégier l'approvisionnement des industries locales.
Le commissaire européen a ainsi fait le parallèle avec la politique américaine sur les vaccins contre la Covid-19 : « C'est, je le rappelle, ce que les Américains ont fait à propos des vaccins produits sur leur sol. Nous devons retenir la leçon. Les semi-conducteurs sont aussi un enjeu d'équilibre des pouvoirs. Ce n'est pas du protectionnisme mais de la souveraineté géopolitique. »
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