Alors que la France vit une crise économique et sociale depuis la pandémie de Covid-19, le gouvernement mise sur le numérique pour accélérer la relance. Jeudi 20 mai, le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O, et la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, Elisabeth Borne, ont annoncé la nouvelle feuille de route de la Grande Ecole du Numérique (GEN).
Créée en 2016 et constitué de l'Etat, de Pôle Emploi, de l'association Régions de France, d'entreprises privées et de nombreux acteurs de l'emploi et de la formation professionnelle sur tout le territoire, la Grande Ecole du Numérique est un groupement d'intérêt public (GIP), dont la mission est de labelliser et de financer des formations aux métiers du numérique. L'objectif : répondre aux besoins énormes d'un secteur en pleine croissance malgré la crise, en intégrant dans cette dynamique des personnes éloignées de l'emploi, soit parce qu'elles sont peu diplômées, soit parce qu'elles sont en reconversion professionnelle. La GEN cible aussi plus particulièrement les catégories de populations sous-représentées dans le secteur du numérique, c'est-à-dire les femmes, les habitants des quartiers prioritaires de la ville, et les habitants vivant dans les zones rurales.
33.000 personnes formées depuis 2016, 10.000 de plus à partir de septembre
Depuis 2016, plus de 500 formations ont été labellisées et plus de 33.000 personnes éloignées de l'emploi en ont bénéficié. Mais c'est une goutte d'eau par rapport aux besoins du secteur, qui prévoit 190.000 recrutements à l'horizon 2022, d'autant plus que « 80 000 postes soumis à candidature n'étaient pas pourvus en 2019 », d'après Cédric O, citant des chiffres de Pôle Emploi.
"Aujourd'hui, 500.000 personnes travaillent dans le numérique en France, c'est davantage que dans l'aéronautique, rappelle le secrétaire d'Etat. Les besoins sont énormes, tant du côté développement que UX [design, expérience utilisateur, ndlr], dans le cloud, dans l'intelligence artificielle ou encore la cybersécurité", liste-t-il.
Pour donner au dispositif une "nouvelle impulsion", le gouvernement mise sur deux piliers. D'abord, multiplier significativement le nombre de formations : l'Etat va mobiliser 45 millions d'euros pour financer intégralement 10.000 formations supplémentaires, ouvertes dès le mois de septembre. Le deuxième est le lancement d'un nouvel appel à labellisation, "qui priorisera les formations implantées dans les quartiers prioritaires de la ville ou dans les zones de revitalisation rurale, ainsi que celles qui accueillent une part importante de femmes", précise Elisabeth Borne.
La nouvelle feuille de route prévoit également d'améliorer les formations existantes, notamment en intégrant les "soft skills", c'est-à-dire les compétences humaines et sociales, indispensables pour réussir un entretien de motivation et surtout s'intégrer et progresser dans une entreprise. Enfin, un "observatoire national de l'offre de formation et des compétences numériques" devrait voir le jour. Sa mission, plutôt vague, sera "d'identifier les besoins dans les territoires pour mieux les anticiper et y apporter une réponse adaptée".
Attirer les sans-emploi, les femmes, les ruraux et les habitants les plus pauvres, un défi pour le secteur du numérique
Initiative complémentaire des formations privées, la Grande Ecole du Numérique s'attaque depuis 2016 à un problème qui reste entier : casser l'image "élitiste" du numérique en attirant toute la diversité de la population active française, et non plus surtout les "mâles blancs urbains diplômés d'HEC", pour reprendre la formule de Mounir Mahjoubi reprise par Cédric O pour désigner l'entre-soi de l'écosystème de la tech.
"C'est un enjeu sociétal car il y a aujourd'hui une remise en cause de la notion de progrès et des bienfaits du progrès pour la société. Si on veut renouer avec l'acceptation sociale du progrès, on a besoin qu'il soit davantage partagé, avec toutes les catégories de la population. Le numérique sera meilleur et plus accepté s'il est plus divers", estime Cédric O.
Problème : les secteurs qui recrutent le plus -cloud, intelligence artificielle, cybersécurité- et les métiers les plus en vogue -ingénieur, data scientist, UX designer, développeur web et mobile- riment, dans l'inconscient collectif, avec des métiers très techniques, qui nécessitent des hautes études et qui ne sont donc accessibles qu'à une certaine catégorie de la population -et qui sont aujourd'hui prisés par les fameux "mâles blancs urbains surdiplômés".
"Il faut absolument casser cette image, d'autant plus qu'elle est fausse car les métiers du numérique sont accessibles à tous, rapidement, et c'est pour ça que nous développons l'offre de formations", ajoute le secrétaire d'Etat. C'est d'ailleurs le modèle économique de dizaines d'entreprises de formation comme Ironhack ou l'Ecole 42 de Xavier Niel, qui proposent d'acquérir ces compétences en quelques mois, et qui forment des armées d'ingénieurs.
Les chiffres de la Grande Ecole du Numérique tendent d'ailleurs à confirmer la réussite de ce modèle. "Les 33.000 personnes qui ont bénéficié des formations labellisées Grande Ecole du Numérique étaient toutes éloignées de l'emploi. 60% avaient moins de 30 ans et presque 55% un niveau inférieur à bac +2", décline Elisabeth Borne.
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