La fameuse "loi Avia" reste décidément très controversée. Adoptée mi-mai par le Parlement, cette loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet avait enduré une navette parlementaire houleuse. Dans une décision rendue ce jeudi, le Conseil constitutionnel a censuré le cœur du texte, jugé incompatible avec la liberté d'expression et de communication.
En cause : l'obligation pour les plateformes et les réseaux sociaux de supprimer dans les 24 heures les contenus "manifestement illicites", qui leur ont été signalés par les utilisateurs ou la police. Cette mesure phare, au cœur de la loi, était directement inspirée d'un texte allemand similaire, entré en vigueur en janvier 2018.
Pour le Conseil constitutionnel, cette disposition n'est pas compatible avec la liberté d'expression. Elle pourrait "inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites", en qualifiant de "particulièrement bref" le délai de 24 heures imposé à certains opérateurs. Le Conseil constitutionnel a donc considéré que "le législateur a porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi."
Il donne ainsi raison aux opposants du texte, qui craignaient une censure excessive des plateformes au regard du montant des sanctions financières, avec des amendes pouvant grimper jusqu'à 1,25 million d'euros. Cette disposition "encouragera mécaniquement les plateformes à retirer - par excès de prudence - des contenus pourtant licites", déplorait au début de l'année le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, Christophe-André Frassa (LR).
L'absence de contrôle du juge dénoncée par le Conseil constitutionnel
Au-delà du simple délai, le Conseil constitutionnel regrette également l'absence d'intervention effective d'un juge pour qualifier les contenus illicites. "Les éléments constitutifs de certaines [infractions] peuvent présenter une technicité juridique ou, s'agissant notamment de délits de presse, appeler une appréciation au regard du contexte d'énonciation ou de diffusion des contenus en cause", souligne la décision.
Dans le détail, la "loi Avia" instaurait notamment un délai d'une heure seulement pour que les sites retirent les contenus désignés comme "terroristes" et pédopornographiques, signalés par la police. Le Conseil constitutionnel a pointé du doigt un délai trop court, ne permettant "pas d'obtenir une décision du juge avant d'être contraint de le retirer".
Sujets les + commentés