Moins médiatisée que celle du gaz ou du pétrole russe, la pénurie d'informaticien, entraînant le renchérissement des services numériques, pourrait être aussi l'une des principales conséquences de l'offensive de l'armée de Vladimir Poutine en Ukraine. A elles seules, la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine concentrent 10% des capacités humaines dans le monde en termes de développement informatique R&D.
Sur 10 millions d'experts-développeurs spécialisés à l'échelle du globe, un million est originaire de ces trois pays. Cette proportion grimpe même entre 15 et 20% si l'on englobe la totalité de l'Europe de l'Est. Pour répondre à la demande américaine, la zone est devenue au début des années 90, avec l'Inde, le principal « cluster » mondial de compétences informatiques de haut niveau.
« L'invasion de l'Ukraine va d'une part raréfier les ressources humaines disponibles localement, désormais enrôlées dans l'armée, analyse Frédéric Lasnier, CIO de la société orléanaise Pentalog, spécialisée dans les services digitaux aux entreprises. Ce phénomène de rareté sera encore amplifié par le non renouvellement de visas pour les milliers d'informaticiens russes exerçant aux Etats-Unis ».
Exfiltration de Moldavie
Conséquence de cette pénurie d'informaticiens de l'est, un renchérissement prévisible des prestations des entreprises de développement informatique dans le monde. « Cette inflation à craindre des prix des services, au moins dans un premier temps, intervient sur un marché déjà en extrême tension, poursuit le dirigeant. Les deux ans de crise sanitaire a encore accéléré le mouvement de transition digitale des entreprises. Le Covid a mis en exergue la capacité de résistance et de croissance du numérique. Ses ressources sont devenues aussi vitales que l'électricité ».
Pentalog, qui emploie un millier de salariés en Roumanie et 250 autres collaborateurs locaux dans la petite république indépendante de Moldavie, jouxtant chacune l'Ukraine, a été confrontée aux conséquences immédiates du conflit entre Moscou et Kiev.
Dès le 28 février, quatre jours après le déclenchement des hostilités, la société orléanaise a proposé à ses ingénieurs ainsi qu'à leurs familles, basés dans la capitale de la Moldavie Chinisau, de les transférer vers la Roumanie. Contrairement à la Moldavie, ce pays est protégé par son adhésion à l'OTAN. A la clé, outre les solutions de transports, la mise à disposition de logements. Une soixantaine de familles, soit 20% des effectifs, ont ainsi été relocalisées, majoritairement dans la ville frontalière de Iasi, à Brasov et à Cluj.
Des grands comptes dans le portefeuille
Au-delà de l'aspect humanitaire, le groupe loirétain tente ainsi de préserver ses capacités d'ingénierie, basées majoritairement en Roumanie et en Moldavie. Objectif, maintenir son flux de production. Pentalog, spécialisée dans la technologie, le design et le marketing des produits digitaux, est présents sur quatre segments, les licences sur internet (SAAS), les objets connectés, les plates-formes de services numériques, enfin le e-commerce.
Parmi ses grands comptes clients figurent notamment l'éditeur de logiciels RH Talent Soft, la licorne britannique des mini-terminaux de paiement Sum up, l'opérateur de tourisme Tripadvisor, et le vendeur de meubles en ligne Made.com.
Pentalog, qui emploie 1.500 collaborateurs dans le monde, dont 70 collaborateurs dans l'Hexagone à Orléans, Paris et Lyon, dispose également de bureaux en Allemagne, au Vietnam et aux Etats-Unis. La société, qui a ouvert aussi une agence au Mexique en 2019, table sur ce pays émergent pour réaliser en partie ses fortes ambitions de développement. Après une croissance de 22% en 2021, avec 64 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé, Pentalog vise cette année des recettes de l'ordre de 80 millions d'euros.
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