Plus massif encore que le plan de relance français de 100 milliards d'euros. Le géant sud-coréen Samsung, connu notamment pour ses téléviseurs, smartphones et ses puces électroniques, a annoncé mardi 24 août un plan d'investissement d'une ampleur historique : 205 milliards de dollars -environ 175 milliards d'euros- d'ici à 2023. Son objectif affiché : "renforcer sa position globale dans des secteurs industriels clefs tout en étant le fer de lance de l'innovation dans de nouveaux domaines", d'après le communiqué du groupe.
Rester dans la course mondiale dans les semi-conducteurs
Traduction : Samsung veut conforter sa position dans le secteur hautement stratégique des semi-conducteurs, déjà la spécialité de son vaisseau amiral Samsung Electronics, et se positionner sur des marchés stratégiques déjà attaqués par les géants du Net américains et chinois, notamment l'intelligence artificielle et la robotique.
Dans le domaine des semi-conducteurs, la société affirme qu'elle souhaite améliorer les technologies de pointe pour faire face à la "demande de long-terme plutôt qu'aux changements à court terme". Et pour cause : malgré la pénurie mondiale qui commence à paralyser certains secteurs comme l'automobile, le marché des semi-conducteurs est en forte croissance -il pèsera 429 milliards d'euros en 2021 contre 381 milliards d'euros en 2020 d'après une étude du cabinet IDC.
Surtout, ce marché est largement dominé par le taïwanais TSMC, qui pèse 28% du marché à lui seul en 2020, contre 10% pour Samsung d'après une étude du cabinet Counterpoints Research. Or, le champion de Taipei a annoncé en avril dernier un plan d'investissement colossal de 85 milliards d'euros en trois ans dans ses usines pour enfoncer le clou de sa domination mondiale. Et ce n'est pas le seul à avoir les yeux plus gros que le ventre : l'Américain Intel compte lui aussi investir 17 milliards d'euros pour construire des usines de semi-conducteurs aux Etats-Unis. Il prévoit aussi racheter, pour un montant qui pourrait atteindre 30 milliards d'euros, l'un des autres fondeurs de puces majeurs, l'américain GlobalFoundries. De quoi rebattre les cartes du marché et distancer Samsung, ce qui a poussé le géant sud-coréen à réagir.
La méthode privilégiée par Samsung sera celle de la recherche et développement (R&D), des investissements et des acquisitions. Le conglomérat entend également consacrer une part non négligeable de son enveloppe à progresser dans le secteur de la santé, via ses filiales Samsung Biologics et Samsung Bioepisit. A la fois pour développer son activité porteuse de distribution de vaccins, mais aussi pour diversifier ses activités dans les biotech.
La Corée du Sud veut rester à la table des grands innovateurs mondiaux
Même sans cet énorme plan -qui est en fait un relèvement d'un tiers de l'investissement prévu sur la période 2021-2023, Samsung est déjà l'une des entreprises les plus puissantes au monde. Fondé en 1938 à la sortie de la guerre de Corée, le chiffre d'affaires global du "chaebol" -conglomérat d'entreprises contrôlé par une famille- pèse un cinquième du produit national brut (PNB) du pays.
Sans surprise, le plan profitera donc surtout à la Corée du Sud. Sur les 240.000 milliards de wons (175 milliards d'euros) que Samsung projette de dépenser, la société en engagera les trois quarts en Corée du Sud. Ce qui devrait permettre de créer 10.000 emplois supplémentaires dans le pays, en plus des 30.000 déjà prévus. Deux nouvelles usines -en plus des trois déjà en fonctionnement- ouvriront pour fabriquer des vaccins. Samsung et le gouvernement sud-coréen espèrent également un déluge d'emplois indirects, estimés à 560.000 embauches dans des industries liées à celles de Samsung.
Samsung totalement incontournable en Corée du Sud
L'annonce du groupe intervient quelques jours après la sortie de prison du patron de facto du conglomérat, Lee Jae-yong, qui a accompli seulement la moitié de sa peine. Encore une fois, la Corée du Sud a laissé sortir de prison un patron sur des fondements économiques, après son emprisonnement pour corruption ou évasion fiscale.
Effectivement, Lee avait été condamné à une peine de deux ans et demi de prison pour détournement de fonds et autres délits, en lien avec un scandale de corruption qui a conduit au départ de l'ancien président sud-coréen, Park Geun-hye. Cette libération conditionnelle ne signe toutefois pas la fin de ses ennuis judiciaires. Il reste poursuivi pour des manipulations boursières qui lui auraient facilité la prise de contrôle du conglomérat familial.
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