Au lendemain de l'annonce d'un partenariat majeur entre Sanofi et la deeptech française Aqemia pour la découverte de nouveaux médicaments grâce à l'intelligence artificielle et au calcul d'inspiration quantique, c'est au tour de Qubit Pharmaceuticals, autre deeptech tricolore mêlant santé et quantique, d'annoncer ce qu'elle appelle une « percée scientifique majeure ».
Et pour cause : la pépite parisienne a présenté Hyperion-1, un émulateur capable de simuler des calculs quantiques à plus de 40 qubits exacts, sans erreurs ni bruit. Il s'agit d'un logiciel qui s'installe sur des ordinateurs classiques accélérés par les GPU [processeurs graphiques indispensables à l'entraînement des intelligences artificielles, Ndlr] du marché.
« Réussir une simulation exacte de 40 qubits logiques, c'est-à-dire sans les erreurs qui paralysent actuellement les calculs d'inspiration quantique, est un exploit en soi qui nous place à l'équivalent de Google ou d'IBM. Mais en plus, nous le faisons de manière extrêmement rapide. On fait en quelques heures des calculs qui pouvaient prendre des jours voire des semaines auparavant, ce qui est inédit dans le calcul quantique appliqué à la chimie », explique Jean-Philip Piquemal, cofondateur et directeur scientifique de la startup.
Cette prouesse a été réalisée avec l'université de la Sorbonne. L'entreprise elle-même est le fruit de l'essaimage des travaux de recherche de cinq scientifiques, dont Jean-Philip Piquemal qui dirige toujours le Laboratoire de chimie théorique de la Sorbonne, affilié au CNRS.
Briser les plafonds de verre de la médecine
Concrètement, Hyperion-1 va permettre à Qubit Pharmaceuticals d'accélérer le développement d'algorithmes quantiques à application réelle. Ceux-ci nourriront des modèles d'intelligence artificielle capables de découvrir de nouvelles molécules qui seront utilisées pour trouver de nouveaux médicaments. L'objectif : diviser par deux le temps nécessaire pour sélectionner un candidat médicament, et par dix les investissements nécessaires.
« Grâce au potentiel du calcul quantique qui repousse les limites actuelles, notre but est de résoudre des problèmes aujourd'hui insolubles, c'est-à-dire trouver des traitements pour des patients pour lesquels il n'existe aujourd'hui aucune solution. On travaille par exemple sur des récepteurs impliqués dans certaines maladies respiratoires. Avec d'autres centres de recherche, on travaille à de nouvelles cibles pour les cancers du sein résistants aux traitements actuels», ajoute Robert Marino, le Pdg de l'entreprise.
Contrairement à Aqemia, Qubit Pharmaceuticals ne souhaite pas signer des partenariats de recherche avec des big pharma comme Sanofi. Au contraire, la startup souhaite développer ses molécules en interne exclusivement, puis les commercialiser sous licence à des big pharma pour qu'elles développent des médicaments.
Une grosse levée de fonds en 2024
Mais cette perspective est encore lointaine. Créé en 2020, basée à Paris et à Boston, Qubit Pharmaceuticals a lancé six programmes dans l'espoir de se créer un portefeuille d'une dizaine de molécules. Aucune ne sera prête avant « au moins 12 à 18 mois », d'après Robert Marino. Une fourchette optimiste...
« Créer une molécule demande entre 50 et 100 millions d'euros, c'est énorme et ça prend du temps. Mais si on réussit, chaque molécule rapportera au moins 1 milliard en exploitation. On espère valoriser notre portefeuille 10 milliards d'euros », détaille le dirigeant.
Cette course de fond nécessite donc des financements conséquents. Depuis sa création, la startup a déjà récolté près de 18,6 millions d'euros lors de divers tours d'amorçage, dont 16 millions d'euros en 2022 auprès des fonds XAnge, Omnès Capital ou encore Quantonation. L'entrepreneur Octave Klaba, fondateur d'OVHCloud, et le Conseil européen de l'innovation ont également injecté de l'argent dans l'entreprise. Mais il faudra récolter beaucoup plus pour réussir à découvrir des molécules, d'où la perspective d'une nouvelle levée de fonds, conséquente, prévue pour 2024.
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