L'intelligence artificielle surpasse-t-elle, au rang des ingrédients majeurs, la lavande, le patchouli ou la violette ? Dans le monde du parfum et des arômes - ceux notamment qui servent l'alimentation - la technologie porte la promesse de trouver la formule magique. Et ça marche ! C'est en s'appuyant sur des algorithmes que Paco Rabanne donne vie à Phantom en 2021. Le jus comprend notamment un ingrédient que l'IA conseille d'intégrer en quantité bien plus importante que ne l'aurait fait un « nez ». Une petite révolution dans la pratique, que le groupe d'origine allemande Symrise a également intégrée assez tôt, privilégiant la solution Watson d'IBM pour créer Philyra, dont la mission n'est pas de créer des fragrances plus puissantes ou commercialement plus efficaces, mais d'augmenter la créativité, explique le groupe.
L'IA fait aussi partie du processus de création de Robertet. C'est avec la docteure en sciences et spécialiste des algorithmes, Aurélie Jean, que le leader mondial du naturel, qui réalisait un chiffre d'affaires de 700 millions d'euros en 2022, pose sa stratégie il y a trois ans. « Une odeur possède différentes significations, très personnelles. La mémoire olfactive est liée aux parcours, aux émotions. Nous avons voulu un algorithme qui valorise la perception personnelle de l'odeur. C'est une IA « personnelle », explique Jérémy Carles, en charge de NaturIA, le programme IA de Robertet. Pour créer cette IA individualisée, l'entreprise est allée puiser dans l'énorme quantité de données du groupe. « Beaucoup de ces données étaient inexploitées et ne se connectaient pas entre elles. L'IA nous a permis d'accélérer la création », ajoute le dirigeant, qui rappelle que la mémoire humaine a tendance à oublier ce qui a déjà été créé, et que l'IA est donc un moyen de piocher plus rapidement dans le patrimoine existant.
Garder « part de sensibilité »
« L'algorithme est, de toute façon, un miroir à la création », assure-t-il. Car les ingrédients demeurent la colonne vertébrale, à même de corriger les biais, ce travers dont il faut tenir compte. Robertet n'en a certainement pas fini avec l'intelligence artificielle, mais le groupe basé à Grasse revendique aussi privilégier une IA supervisée [une tache d'apprentissage automatique à partir d'exemples choisis, Ndlr] à une IA générative. « Aujourd'hui, nous travaillons à 95% sur un algorithme supervisé. Nous pourrions intégrer davantage d'IA générative, mais ne nous le souhaitons pas », indique Jérémy Carles. La raison est le désir de conserver cette « part de sensibilité » qui participe à l'élaboration de chaque formule. C'est aussi une façon de sortir des chemins battus, « de la dichotomie odeur florale ou boisée ». D'y intégrer un côté artisanal et émotionnel qui peine encore à se retranscrire dans l'IA générative.
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