L'UE mobilise 3,5 milliards d'euros pour faire émerger 10 super géants de la tech d'ici à 2030

En clôture d'un événement de deux jours sur la souveraineté numérique de l'Europe, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé la mobilisation de 3,5 milliards d'euros d'argent public, dont 1,5 milliard par la France. Cet argent sera dépensé "en fonds de fonds" dans des fonds d'investissements européens, pour leur permettre d'atteindre une taille critique et financer de tours de table de plusieurs centaines de millions d'euros chacun. En ligne de mire : générer dix super-géants de la tech à l'horizon 2030, chacun valorisés plus de 100 milliards d'euros.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

Pour que l'Europe gagne sa souveraineté numérique, Bruno Le Maire n'a qu'une solution : "amorcer la pompe du financement". En conclusion de l'événement de deux jours organisé à Bercy sur la souveraineté numérique européenne, le ministre français de l'Economie et des Finances a annoncé un investissement massif de 3,5 milliards d'euros dans les startups européennes dans le cadre de l'initiative Scale-Up Europe, lancée l'an dernier par la France et l'Allemagne. L'argent va alimenter, "en fonds de fonds", les fonds de capital-investissement européens, aujourd'hui sous-dimensionnés pour financer eux-mêmes les méga-levées de fonds de plusieurs centaines de millions d'euros qui font les décacornes (startups valorisés plus de dix milliards d'euros, Ndlr).

"Il nous faut passer de 2 à 10, voire 20, fonds européens capables d'investir 1 milliard d'euros chacun dans les entreprises de la tech européenne, qui créeront grâce à cet argent la prospérité et les emplois dont nous avons besoin", a expliqué Bruno Le Maire.

Et de poursuivre : "Ces fonds nous permettront d'avoir dix super-géants de la tech valorisés 100 milliards d'euros d'ici à 2030", veut-il croire. Autrement dit, pour atteindre cet objectif fixé par Emmanuel Macron en septembre dernier, Bruno Le Maire actionne le levier européen, "seul véritable échelon pour rivaliser et dépasser les Etats-Unis et la Chine". Pour le ministre de l'Economie, "il n'y a pas de souveraineté politique sans souveraineté économique". Alors, il faut "investir massivement dans les startups et notamment dans les technologies de rupture" pour espérer créer en Europe des géants du niveau des Gafam américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et des Batx chinois (Baidu,Alibaba,Tencent, Xiaomi).

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Ruissellement de l'argent public

Dans le détail, l'Union européenne va investir 3,5 milliards d'euros d'argent public "en fonds de fonds". Cet argent vient en grande partie du Fonds européen d'investissement (FEI), lui-même abondé par les Etats. La France contribuera ainsi à hauteur d'1 milliard d'euros via le FEI et de 500 millions d'euros via Bpifrance. L'Allemagne mettra également 1 milliard d'euros via le FEI. La Banque européenne d'investissement (BEI) et le Danemark via sa banque publique nationale, ajoutent chacun 500 millions d'euros.

D'ici à la fin de l'année, Bruno Le Maire espère que les autres pays européens auront permis de porter cet investissement à 10 milliards d'euros. La Grèce a déjà promis une somme "inférieure ou équivalente" à celle du Danemark, et des pays comme l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal, l'Estonie, la Suède, la Finlande ou encore les Pays-Bas, "préciseront les montants de leur engagement dans les prochaines semaines".

Inonder le secteur privé d'argent public pour combler les failles du marché du financement de l'innovation : cette méthode a déjà fait ses preuves, notamment en France. Cette sorte de "ruissellement" public/privé est le fond de commerce de Bpifrance, qui a pu ainsi, depuis 2011, combler un à un tous les trous dans la raquette du secteur privé : l'amorçage tout d'abord, puis les étapes de croissance, jusqu'au "late stage" c'est-à-dire le financement des plus grosses levées de fonds.

Les résultats sont probants : l'argent public a permis de "dérisquer" l'investissement du privé et donc de démultiplier les sommes mobilisées pour les startups en structurant l'écosystème du capital-risque. Ainsi, partie de quasiment rien, la French Tech a décollé sous le mandat de François Hollande et atteint des sommets sous celui d'Emmanuel Macron, jusqu'à faire éclore six licornes au seul mois de janvier 2022, 26 en tout, contre 3 fin 2018. Le "plan Tibi", qui a mobilisé 6 milliards d'euros d'investisseurs institutionnels, a également contribué à cette explosion depuis un an et est clairement une influence de Scale-Up Europe.

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L'Europe part de loin

L'initiative Scale-Up Europe se conçoit comme une "impulsion politique et financière forte" qui vise à aider les startups du Vieux Continent à passer un cap. Mais la route paraît longue avant de rattraper, et encore plus dépasser, les maîtres américains et chinois du monde de la tech.

"La malédiction numérique de l''Europe c'est le retard accumulé depuis 30 ans en matière d'innovation. Sur les dix plus grandes entreprises mondiales, huit sont de la tech, six n'existaient pas il y a 25 ans, toutes sont américaines et chinoises. Pourtant, l'Europe est une terre de brevets et de recherche. Pour réussir, il faut le financement, les talents et la taille de marché. Les Etats-Unis et la Chine ont la combinaison des trois, nous pas encore", a ajouté Cédric O, en ouverture de l'après-midi de conférences.

Si le volet financement est le plus important, Scale-Up Europe vise aussi à créer les autres briques indispensables à l'éclosion d'un startup-continent. Mais les initiatives annoncées sont encore timides.

Sur les talents, Business France est à la manœuvre pour faire signer aux pays européens une Déclaration qui les engagerait à "partager les bonnes pratiques sur divers visas technologiques" et "lancer un guichet-unique" baptisé European Tech Talents, "avec une équipe dédiée en place d'ici fin 2022, visant à faciliter l'attraction des talents de la technologie en Europe en complémentarité des dispositifs nationaux".

Enfin, pour développer les innovations de rupture ou deeptech, pilier de la souveraineté européenne des prochaines décennies, rien de probant. Bruno Le Maire a simplement rappelé l'existence de l'EIC (European innovation council) et sa dotation de 10 milliards d'euros sur la période 2021-2027 pour soutenir les projets technologiques les plus risqués. Seule nouveauté : le plafond de 15 millions d'euros a été abattu pour permettre à l'EIC d'investir plus massivement dans des deeptech stratégiques.

Sylvain Rolland

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Commentaires 12
à écrit le 09/02/2022 à 17:15
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he, vous oubliez dailymotion? qui veut fonder une boite a succes en france pour voir des politiciens de gauche confisquer ca pour l'envoyer au tas? personne! la france n'interesse personne, demandez a l'ultragauche de faire tout ca avec son temps et ...

à écrit le 09/02/2022 à 12:58
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Le grand emprunt européen pour enrichir les coquins de l'UERSS...

à écrit le 09/02/2022 à 12:00
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L'Europe est devenue clairement un état communiste, où les budgets sont alloués selon le bon vouloir des dirigeants. On n'est même plus dans le néo-libéralisme

à écrit le 09/02/2022 à 10:02
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Mais plus tard, sera toujours trop tard! Ne faites pas comme les autres mais autrement, sinon ce n'est que du suivisme et de plus n'en parler pas "trop fort": C'est comme les promesses!

à écrit le 09/02/2022 à 9:46
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Le numérique est un puits sans fond, une nouvelle religion sans évangile.. Ce qui manque c'est une architecture sur un trentaine d'années comme les Chinois, le numérique est un outil au service d'une chose à définir..

à écrit le 09/02/2022 à 9:44
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Avec Mme VESTAGER qui essaie de réguler le metaverse avant même qu'il soit créé, c'est sûr, on est sur le bon chemin.

à écrit le 09/02/2022 à 8:42
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Il était temps que l’Europe décide d arrêter d’as soumission… elle en a vu les dégâts : désindustrialisation ingérences étrangère dans des élections , lobbys en tout genre gafam ne respectant pas les règles du marché ni les commerçants ou consommat...

à écrit le 09/02/2022 à 8:16
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Et toujours aucune cours des comptes européennes pour savoir où partent tout ces milliards distribués à je ne sais qui pour je ne sais quoi vu que l'UE est sans cesse à la traine perdant du terrain chaque jour. Le déclin c'est trop long vers la fin.

le 09/02/2022 à 11:47
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Cet argent n'existe pas, c'est l'astuce du fond de fonds qui n'est qu'une garantie qui sera activée en cash que si les projets font défaut et se plantent, projets financés par de l'argent d'investisseurs ainsi "garanti"... C'est le nouveau tour de pa...

le 09/02/2022 à 12:06
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"que si les projets font défaut et se plantent, " Mais si les projets à la base ne sont pas financés comment peuvent ils fonctionner ? Mais sinon une astuce comptable je le crois sans problème quand on voit qu'ils en sont à faire du fric avec les det...

à écrit le 09/02/2022 à 3:04
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Eh oui ,c'était si simple ! Depuis 30 ans, il suffisait avec l'argent des Français d'arroser un peu partout sur la pelouse pour voir pousser des licornes , des farfadets et même des dicacornes . Si cela fonctionne ,le jardinier de Washington viend...

à écrit le 09/02/2022 à 0:50
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