Le gouvernement déploie 2,3 milliards d'euros pour que la French Tech devienne plus industrielle

En déplacement dans les locaux de la nouvelle licorne industrielle Exotec, les ministres Cedric O et Agnès Pannier-Runacher ont livré le détail de leur plan de 2,3 milliards d'euros pour faire émerger et accompagner le développement d'autres startups industrielles.
Exotec fait office de pionnière des startups industrielles.
Exotec fait office de pionnière des startups industrielles. (Crédits : Exotec)

Depuis 2014, la French Tech a démontré sa remarquable capacité à faire émerger des champions du logiciel, mais elle peine encore à faire de même dans les secteurs industriels. Signe de ce décalage : la startup de robotique logistique Exotec, qui a atteint la semaine dernière les deux milliards d'euros de valorisation, est seulement la première licorne industrielle française... sur les 25 que compte l'écosystème français !

Le gouvernement a conscience de ce déséquilibre, et il prépare depuis un an un plan pour rattraper le retard, tandis qu'en parallèle le président Emmanuel Macron martèle dans ses discours son objectif de réindustrialisation du pays. "Aujourd'hui, les PME innovantes ne s'industrialisent pas en France. Soit elles sous-traitent leur production ailleurs, soit elles se font racheter leur R&D", constate le cabinet de Pannier-Runacher. La levée de fonds d'Exotec, qui assemble ses robots dans les Hauts-de-France, fait donc office de porte-étendard et tombe à pic dans le calendrier du gouvernement.

Exotec, symbole des ambitions du gouvernement pour la French Tech

Dans les locaux d'Exotec à Croix, près de Roubaix dans le Nord, un petit ballon licorne, gonflé à l'hélium, flotte dans l'air. Clin d'œil au nouveau statut de la startup... Dans cet entrepôt, on est loin des clichés industriels : tout est propre, tout est clair, il n'y pas vraiment de bruit. Au fond de l'espace d'assemblage, trône fièrement un système Exotec, pour stocker les différents composants. Comme chez tous ses clients, c'est le Skypod, le petit robot sur roulette qui fait le succès de l'entreprise, qui apporte les éléments à un premier poste où un opérateur prépare des kits de production. Les sous-ensembles sont alors montés avant de devenir des robots complets, testés 400 fois et devant impérativement afficher zéro erreur avant de sortir de l'usine. A l'étage, se trouve le cerveau d'Exotec, avec toute l'activité de programmation et surtout de supervisation de tous les robots à travers le monde, sur un écran géant...

C'est cet environnement qu'ont choisi le secrétaire d'Etat chargé de la transition numérique Cédric O et la ministre déléguée chargée de l'industrie Agnès Pannier-Runacher pour faire leurs annonces ce 19 janvier. « Nous voulons accompagner les start-ups dans le continuum pour aller de l'idée en laboratoire jusqu'à l'industrialisation », résume Cédric O. « Grâce à ce nouveau plan consacré à la deeptech avec la BPI, nous souhaitons accompagner 500 entreprises, avec l'ambition de faire naître 100 sites industriels par an » (contre 84 sur l'année 2021). Il souhaite ainsi « dupliquer le modèle French Fab qui marche » en « répondant aux questions des industriels et en internalisant les contraintes ». Pour lui, la France « a les capacités de faire grandir les futurs champions, encore faut-il qu'on puisse leur donner le carburant ».

Concrètement, ce carburant prend la forme de plusieurs leviers financiers déclinés par Agnès Pannier-Runacher. « Premièrement, des avances remboursables (550 millions d'euros) pour démarrer les usines, très utiles pour des startups avec un chiffre d'affaires relativement modeste au départ. Deuxièmement, des prêts de dix à quinze ans avec un différé de remboursement de trois ans (150 millions d'euros) pour financer par exemple des démonstrateurs industriels ou des usines pilotes. Troisièmement, des financements en fonds propres, avec une très grande flexibilité et en tirant enseignements de nos erreurs mais aussi un fonds national de venture industrielle ». 

Soit au total, 2,3 milliards d'euros, pour faire émerger plus de deeptech (des startups porteuses d'une innovation de rupture) tout en créant de l'activité économique.

Lire aussi 9 mnAprès Exotec, qui sera la prochaine licorne industrielle de la French Tech ?

La Mission French Tech mobilisée pour accompagner les startups industrielles

Non seulement les startups industrielles françaises peinent à grossir, mais elles sont aussi peu nombreuses. Le gouvernement en recense environ 1.500, ce qui représente 10 à 12% du réservoir de la French Tech. Pour atteindre ses objectifs, l'Etat a donc deux chantiers à mener :

  • Faire émerger plus de startups industrielles ;
  • Aider les startups existantes à créer un démonstrateur industriel, puis à lancer leur production.

"L'objectif est de soutenir les acteurs dès le stade de la recherche, jusqu'à l'industrialisation", résume le cabinet de Cédric O. "Le but, c'est que 40% des startups deeptech deviennent des startups industrielles."

En ligne de front de cette transformation, le gouvernement va créer un "guichet unique" pour accompagner entre 200 et 500 startups industrielles par an. Son objectif : "rationaliser l'accompagnement de l'Etat", c'est-à-dire aiguiller les jeunes pousses vers tous les dispositifs qui pourraient les faire grandir rapidement, et les accompagner dans la "contrainte administrative" particulièrement lourde dans les secteurs industriels.

Ce guichet sera testé dès le premier semestre de 2022 puis généralisé dans le courant de l'année. A sa tête, le gouvernement place la Mission French Tech, qui a fait ses preuves avec le reste de l'écosystème. Pour le volet financier de l'accompagnement, elle va mettre les startups en relation avec Bpifrance et la banque des territoires.

L'Etat sort de nouveau le chéquier pour activer l'effet de levier

Les startups industrielles rencontrent deux principaux freins quand ils s'agit d'accélérer. D'abord, elles peuvent apparaître comme des placements particulièrement risqués pour les investisseurs. Et pour cause : elles doivent récolter beaucoup de capitaux avant même de lancer leurs produits. A titre d'exemple, le grenoblois Aledia a déjà levé 120 millions d'euros en 10 ans, alors que sa nouvelle technologie d'écran ne sera pas en production avant 2023, et qu'il fait face à des géants industriels comme Samsung. Ensuite, le retour sur investissement de ces startups est plus flou, contrairement à celui des jeunes pousses logicielles, pour lesquelles il existe déjà de nombreux indicateurs.

Comme pour le secteur logiciel à ses débuts, le gouvernement va donc appuyer la structuration d'un nouvelle écosystème de financement grâce à la finance publique et via son bras-armé Bpifrance. Avec pour objectif d'entraîner des acteurs privés dans son sillage, et de créer le fameux effet de levier.

Concrètement, les 2,3 milliards d'euros d'investissement annoncés proviennent du Plan investissements d'avenir et du plan France 2030, et ils n'avaient pas été attribués jusqu'ici. Dans le détail, ces mécanismes doivent couvrir le financement, du laboratoire à la création d'usine, de plus de 200 startups par an.

  • Un appel à projet "première usine" sur 4 an doté de 550 millions d'euros.
  • 150 millions d'euros de prêts sur 10 à 15 ans, divisés en ticket de 3 à 15 millions d'euros.
  • Un fonds d'1 milliard d'euros pour financer la construction de démonstrateurs (avec un ticket entre 1 million et 5 millions d'euros) et d'usine (avec un ticket entre 5 millions et 200 millions d'euros).
  • Un fonds national de venture industrielle, piloté par Bpifrance, qui sera doté de 350 millions d'euros au second semestre de 2022. L'objectif est de faire effet de levier auprès du secteur privé.

Avec ces leviers de financement, le gouvernement espère créer des emplois dans des filières en difficultés et dans des territoires sinistrés par la désindustrialisation. D'après une étude d'impact réalisée par le gouvernement en 2021, les 15 principales startups industrielles pourraient créer 3.000 emplois à l'horizon 2025 et jusqu'à 10.000 en 2030.

A LIRE AUSSI | Startups : « La dimension industrielle est devenue un élément de différenciation important en 2021 »

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Commentaires 4
à écrit le 21/01/2022 à 1:18
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Quand l'État apprendra-t-il que ce n'est pas faute d'argent public que la France a raté le coche sur le numérique ? La France a toujours été accro à l'idée que l'Etat a la solution à la plupart des problèmes. Remarquez, ce n'est pas l'État qui a créé...

à écrit le 20/01/2022 à 7:35
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Un grand pas sera franchi quand on arrêtera de parler de licornes et de Bisounours.

à écrit le 19/01/2022 à 21:32
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La distribution d'argent public pour les copains ?

à écrit le 19/01/2022 à 20:04
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Vous devriez plutôt écrire "le gouvernement déploie 2,3 milliards d'euros pour que la french tech devienne plus américaine ou chinoise ..."

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