French Tech 120 : le Next40 renouvelé de moitié, bientôt victime de son succès ?

Reflet et vitrine du dynamisme de la French Tech depuis un an, le Next 40, qui regroupe les 40 pépites les plus performantes de l'écosystème tech français, se renouvelle quasiment de moitié en 2022, en grande partie grâce à l'afflux de nouvelles licornes. Si bien qu'il faudra forcément repenser les critères de sélection si l'hyper-croissance de la French Tech continue sur ce rythme. L'occasion, peut-être, d'inclure d'autres éléments afin de réduire le poids de l'Ile-de-France et de lutter contre le manque de mixité et de diversité.
François Manens
Cédric O regardant les lauréats de la promotion 2022 du Next40 et du French Tech 120.
Cédric O regardant les lauréats de la promotion 2022 du Next40 et du French Tech 120. (Crédits : FM pour La Tribune)

Une 3è édition aux allures de point d'orgue. Ce 1er février, le secrétaire d'Etat à la transition numérique Cédric O et la directrice de la Mission French Tech, Clara Chappaz, se déplaçaient dans les locaux parisiens de Back Market (la startup française la mieux valorisée) pour présenter la promotion 2022 du Next40, et sa version étendue le French Tech 120 (FT120). Pour entrer dans ces vitrines de l'écosystème startup français, les critères sont avant tout économiques : il faut lever de grands montants d'argent, prouver son hypercroissance et afficher un certain chiffre d'affaires.

Au-delà du prestige, le French Tech 120 est avant tout un programme géré par la Mission French Tech, qui donne accès à un accompagnement sur-mesure et notamment un accès simplifié aux administrations françaises (impôts, Urssaf, Inpi, Cnil, Bpifrance, Business France...), ce qui constitue un facilitateur non-négligeable pour des entreprises en pleine croissance.

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Le Next40 renouvelé quasiment de moitié

Grande nouveauté pour le Next40 : deux membres de la promotion 2021 sont sortis "par le haut", c'est-à-dire par une entrée en Bourse qui a mis fin à leur statut de startup : Believe en juin, puis OVHCloud en octobre. "Deux introductions à plus d'un milliard d'euros, c'est autant que depuis 1997 et Dassault Systèmes", se félicite Cédric O.

Etre capable de se tourner vers la Bourse fait partie des grands enjeux de la French Tech, et les deux entreprises font figures de pionnières. Clara Chappaz précisait d'ailleurs que OVHCloud a endossé un rôle de "militant", et réuni en décembre tous les dirigeants du Next40 pour faire un retour d'expérience sur son entrée en Bourse. "La Bourse de Paris n'est plus un 'no go' absolu comme à une époque, même si elle n'a pas la même puissance de frappe que les places boursières américaines", abonde Cédric O.

En plus de ces 2 startups sorties vers le haut, 8 autres jeunes pousses ont reculé du Next40 au French Tech 120 : Heetch, JobTeaser, Klaxoon, OpenClassrooms, Sendinblue, Skeepers, Yubo et Wynd. 6 autres ne font même plus partie de la liste étendue : AB Tasty, Akeneo, CybelAngel, CityScoot, Evaneos et Lendix (ex October). Et pour finir, Frichti, prochainement racheté par le géant du quick commerce Gorillaz, a aussi logiquement été écarté de la liste. En tout, 17 startups ont donc quitté le Next40 en un an.

Pour les remplacer, 9 startups se sont hissées depuis le French Tech 120 : Aledia, Alma, Ankorstore, DNA Script, Ledger, Ornikar, Spendesk, Swile et Vestiaire Collective. Les 8 autres ne faisaient même pas partie de la liste l'an dernier : 360 Learning, Dental Monitoring, Descartes Underwriting, IAD Infinity, Lifen, Loft Orbital Technologies, Malt et Sorare sont toutes passées de l'ombre aux projecteurs du Next40 en un an.

Bien qu'il reconnaisse que sortir du classement peut être un coup dur pour une startup, Cédric O se montre ravi des nombreux changements. "Cette dynamique de compétition est extrêmement saine, et j'ai la conviction que ce qui émerge est le renouveau du tissu industriel français". Par ailleurs, le ministre s'est félicité d'avoir conservé les mêmes critères pour les trois éditions du FT120.

19.000 créations d'emplois en 2022 pour le French Tech 120

Puisque la French Tech a explosé tous ses records en 2021, une place dans le FT120 est de plus en plus chère, d'autant plus que le Next40 est rempli à plus de la moitié par des licornes, ces startups non cotées et valorisées à plus d'un milliard de dollars. Les membres du Next40 ont ainsi tous réuni au minimum 49,6 millions d'investissements sur l'année, alors que le plancher de la promotion précédente ne s'élevait "qu'à" 22 millions. Reflet de l'explosion de la tech française, le chiffre d'affaires moyen passe de 14 millions d'euros à 19 millions d'euros.

La bonne santé de la French Tech se retrouve dans les ambitions des entrepreneurs pour 2022. Ainsi, les 120 membres de l'indice prévoient de créer 19.000 emplois sur l'année (contre 10.000 pour la promotion précédente). Mais tout en se félicitant de l'accélération de l'écosystème, Cédric O concède que le modèle du classement va bientôt toucher ses limites. Le nombre de sélectionnés -40 et 120- copié sur les valeurs boursières (CAC40 et SBF120), paraît désormais insuffisant par rapport au grossissement de l'écosystème et à la volonté de la Mission French Tech de soutenir jusqu'à 1.000 entreprises.

De plus, le French Tech 120 dans sa forme actuelle déçoit au niveau de la mixité, de la diversité des profils d'entrepreneurs, et de leur représentation régionale. Effectivement, la promotion 2022 ne compte que 14 femmes (contre 7 en 2021), dont 11 fondatrices, le plus souvent au sein d'une équipe mixte, et 3 dirigeantes.

Autre zone d'ombre : la Mission French Tech doit instaurer des quotas régionaux pour limiter la place d'Ile-de-France dans la sélection. Ainsi, chaque région métropolitaine doit être représentée par au moins 2 startups, et malgré tout, l'Ile-de-France pèse 70% du total des entreprises du French Tech 120 (82 sélectionnés), alors que son vrai poids dans l'écosystème se situe autour de 50%. Avec 6 startups, la région Aura se classe deuxième derrière la région parisienne, suivie par l'Occitanie (5).

Dernière édition avant de changer les critères ?

Pour autant, le ministre écarte pour l'instant les questions sur le futur du dispositif. "Le prochain Next40 se fera dans un autre quinquennat", rappelle-t-il. Cependant, le changement des critères devra fatalement être abordé, puisque les 25 licornes françaises occupent plus de la moitié du Next40. "Si la France finit 2022 avec plus de 40 licornes, il faudra d'autres critères de sélection", concède Cédric O.

Interrogée sur le manque de diversité et sur comment en imposer davantage dans la sélection, la directrice de la Mission French Tech, Clara Chappaz, elle-même ancienne dirigeante chez Vestiaire Collective, évoque une étude d'impact : "des initiatives ont été discutées mais elles ne sont pas encore lancées", indique-t-elle.

Cette ombre au tableau, reconnue par le gouvernement, ne suffit cependant pas à balayer le bilan globalement positif de la French Tech. Pour Cédric O, celui-ci est à la fois "le fruit de l'ambition des entrepreneurs" et le "résultat d'une politique systématique depuis 2017". Très satisfait de son bilan, et après un discours aux allures de campagne, le ministre a terminé son allocution par une drôle de formule : "les startups c'est notre assurance-vie, longue vie à la Startup Nation !".

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François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2022 à 19:08
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" hyper-croissance" j'adooore ! Cela faisait longtemps que cela n'arrivait plus en France ! " un accès simplifié aux administrations françaises ce qui constitue un facilitateur non-négligeable pour créer une entreprise en France " La messe est dit...

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