La startup de la semaine : les robots d'Exotec défient ceux d'Amazon

Toutes les semaines, La Tribune met en lumière une pépite méconnue de la French Tech. Cette semaine, Exotec et ses robots logistiques, les Skypods, qui équipent les entrepôts de Cdiscount et Showroomprivé. Ces machines uniques sont capables de se déplacer en hauteur et amener les bacs de produits jusqu'aux opérateurs.
François Manens
L'installation de Exotec dans l'entrepôt Cdiscount de Réau s'étend sur près de dix mètres de hauteurs, dans lesquelles circulent 44 robots Skypods.
L'installation de Exotec dans l'entrepôt Cdiscount de Réau s'étend sur près de dix mètres de hauteurs, dans lesquelles circulent 44 robots Skypods. (Crédits : La Tribune)

Comme une ruche géante. Au sein de l'entrepôt de Cdiscount à Réau (Seine-et-Marne), impossible de manquer cette installation de dix mètres de haut composée de 50.000 bacs en plastique remplis de produits. Des dizaines de petits robots sur roues s'activent autour de la construction. Ils montent les étages via un système d'ascenseur, récupèrent le bac qui contient l'objet commandé par l'opérateur et l'amènent jusqu'à son poste de travail.

Ces robots, ce sont les Skypods. Grâce à eux, la startup Exotec a connu en moins de quatre ans une croissance impressionnante. D'un projet encore embryonnaire en mai 2016, elle a grossi pour devenir une entreprise à 7 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2018. Aujourd'hui, la jeune pousse continue de voir ses ambitions à la hausse. De 273 robots déployés à l'heure actuelle, elle prévoit d'atteindre 2.000 unités fin 2020.

Moins de pénibilité, plus de productivité

A son poste de travail, l'opératrice dispose d'un écran pour visualiser les commandes et d'un bac dans lequel elle range les produits à livrer aux clients de Cdiscount. Les robots Skypods acheminent les bacs de produits depuis les étagères jusqu'à son niveau. Elle n'a qu'à récupérer le produit recherché dans le bac, sans se pencher, ni lever les bras, puis le petit robot s'en va, affecté à une autre tâche.

Avec moins de gestes à effectuer, le travail est moins pénible que sans les robots. "Les opérateurs peuvent faire entre douze et quinze kilomètres par jour dans un système normal. Dans cette installation ce sont les biens qui viennent aux opérateurs", relève Pierre-Yves Escarpit, directeur général adjoint en charge des achats, de la supply chain et des systèmes d'information chez Cdiscount.

Selon le dirigeant, les Skypods multiplient par cinq la productivité de la chaîne. Grâce aux robots, quatre opérateurs suffisent pour accomplir le travail de vingt employés dans un système classique. La productivité s'en ressent : l'installation d'Exotec occupe une des neuf cellules de l'entrepôt de Réau, mais sort 20% des commandes. A la fin de l'année, Pierre-Yves Escarpit prévoit que 50% des quatre millions de produits sortis de l'entrepôts passeront par les Skypods. Si le coût de l'opération est gardé secret, Cdiscount espère rentabiliser son investissement en moins de quatre ans, contre huit ans en robotique classique.

Lire aussi : La startup de la semaine : Mirakl veut s'imposer comme "l'arme anti-Amazon"

Le robot qui grimpe au plafond

Baptisés "Hercule", les robots de Amazon Robotics débarqueront en France dans le futur entrepôt de Brétigny-sur-Orge (Essonne). Ils déplacent les étagères, d'environ un mètre quatre-vingt de hauteur, jusqu'aux opérateurs, qui n'ont plus qu'a se servir. Les Skypods, eux, peuvent se déplacer en hauteur, et donc en trois dimensions. Plutôt que de déplacer l'ensemble de l'étagère, ils peuvent ainsi se saisir d'un seul bac.

"Au lieu de porter 300 kilos, ils n'en portent que cinq", s'amuse Romain Moulin, co-fondateur d'Exotec. Mieux, puisqu'ils peuvent monter jusqu'à dix mètres de haut, les Skypods permettent de mieux utiliser l'espace de stockage. "Sur la cellule, on est passé d'une capacité de stockage de 70.000 produits à plus de 300.000", précise Pierre-Yves Escarpit. L'innovation allant toujours plus vite que la réglementation, des filets de sécurité ont été ajoutés autour de l'installation, par précaution, et parce qu'aucune régulation pour ce type de structure n'existe encore.

Skypods

[Les robots Skypods vont se recharger aux bornes de façon autonome, en continu.]

Pour s'orienter, les robots disposent d'un laser Lidar et embarquent une cartographie très précise de l'installation. Ils fonctionnent ainsi en autonomie, et ont comme seul obstacle les autres Skypods, qu'ils mettent à peine deux secondes à éviter. Pour pallier aux éventuelles pannes, Exotec dispose de deux opérateurs sur site. Pas besoin de se poser la question de l'autonomie électrique des petits modules. Ils vont eux-mêmes aux bornes de recharge, en fonction de leur pourcentage de batterie et de l'activité des autres modules. En tout, l'installation du module de Réau a pris six mois, un délai plus de deux fois inférieur aux systèmes actuels. Surtout, elle est modulable : si Cdiscount le souhaite, Exotec pourra ajouter des bacs et des robots à l'avenir.

Un départ éclair grâce à l'open innovation

Si Exotec a grossi aussi rapidement, c'est en partie grâce à l'appui de Cdiscount. Leur collaboration a été récompensée de nombreux prix. Dès 2016, le géant français de l'e-commerce leur a commandé des robots... alors même que la startup n'avait pas de proof of concept. Fort de ce partenariat, la startup a alors levé 3,3 millions d'euros auprès de 360 Capital Partners et Breega dès décembre. "Avec une commande, c'est bien plus facile de lever de l'argent", confirme Romain Moulin. En 2017, les premiers Skypods ont été livrés à l'entrepôt de Cestas.

Les huit unités opèrent sur 2.000 emplacements et ont permis à Exotec de prouver l'efficacité de son système. En juin 2018, la jeune pousse a levé cette fois 15 millions d'euros, dans un tour mené par Iris Capital, accompagné par les investisseurs historiques. Les objectifs sont ambitieux : s'étendre à l'étranger, notamment au Royaume-Uni et en Espagne, puis au Japon et aux Etats-Unis. A l'heure actuelle, tous les clients de la jeune pousse sont français, mais sa réputation grandit : en février, le Skypods a remporté le "best product" en intralogistique au prestigieux salon Logimat de Stuttgart.

La production de Skypods sur les deux - bientôt trois - lignes de leur usine de 1.500 mètres carrés à Croix ne cesse aussi d'augmenter : trois robots en 2016, une quinzaine en 2017, 120 en 2018, sûrement 500 à la fin de l'année et plus de 2.000 en 2020. Cela tombe bien, il faudra être assez grand pour résister à l'ogre Amazon et son armée d'ingénieurs.

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 15/07/2019 à 9:03
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Les robots d'amazone donnent des ordres aux humains devenant de ce fait robots eux aussi. Espérons que ceux-ci leur sont véritablement aux ordres et n'imposent pas une cadence de plus en plus dure à tenir. Le problème n'étant pas la machine mais ...

à écrit le 13/07/2019 à 15:03
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Je sais bien qu'utiliser des simili-anglicismes à tout bout de champ fait moderne pour certains. Pour moi, en ces temps de trumpisme et brexiture cela fait diablement ringard! J'apprécie quand les articles ne donnent pas l'impression d'avoir été é...

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