
C'est une première - à plus d'un titre. Startups, grands groupes, éditeurs d'applications et de services numériques, opérateurs de transport, autorités organisatrices des mobilités, bureaux d'études, chercheurs... tous se sont donnés rendez-vous, les 7 et 8 février derniers, à la Cité des sciences et de l'industrie, à la Villette, à Paris, pour prendre part au premier Forum national de l'innovation dans les transports, organisé par l'Agence de l'Innovation pour les transports (AIT), au sein du ministère chargé des Transports. Au programme de ces deux journées riches en événements : conférences, tables rondes, stands, ateliers interactifs... mais aussi une compétition qui a marqué le démarrage de la quête de solutions pour un futur ticket de transport unique sur le territoire national, prévu à horizon de deux ans. Elle a rassemblé dix équipes, composées de représentants de l'ensemble de l'écosystème. « Le titre unique n'est pas un gadget, c'est une révolution dans la vie quotidienne, une vraie transformation et l'incarnation du changement de culture et de regard », a lancé Clément Beaune, ministre délégué, chargé des Transports, en saluant les deux solutions lauréates - « France Moov' » et « Carte LEM » - qui seront accompagnées par l'AIT en vue d'un déploiement.
Ecologie, performance, cohésion : les enjeux clés
En parallèle de cet hackathon, c'est un horizon beaucoup plus vaste qui a été embrassé durant ces deux journées, auxquelles ont assisté quelque 2 500 visiteurs. Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère des Transports, a donné le ton. « Nous avons trois grands enjeux : l'écologie, la performance et la cohésion territoriale et sociale », a-t-il prévenu. Pour relever ces défis, « nous avons besoin d'aller vers de nouveaux systèmes intégrés entre terre, air et mer », a souligné de son côté Damien Cazé, directeur général de l'aviation civile. Autrement dit, « de prendre conscience que les enjeux sont à la jointure des différents modes de transport. »
Dans cette course à l'innovation, la France a des atouts de poids. « Nous sommes aujourd'hui leaders sur la décarbonation. Nous nous fixons des trajectoires et des normes nouvelles qui sont en passe de structurer l'ensemble des innovations dans le maritime », a ainsi assuré Eric Banel, directeur général des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture. Reste à attirer les jeunes talents, « en faisant rêver et en montrant le visage d'un monde du transport qui évolue, se transforme et est en phase avec la société », a-t-il ajouté.
L'industrie à la pointe de l'innovation
Et de fait, sur le terrain, les filières industrielles accélèrent leurs efforts d'innovation face à la nécessité de décarboner, le transport pesant pour un tiers dans les émissions de gaz à effet de serre en France. « La filière se fédère autour d'un vrai projet. Le but est d'innover ensemble », indique ainsi Stéphane Torrez, président de l'IRT Railenium et du pôle de compétitivité i-Trans. Frugalité, nouvelles manières d'électrifier, mais aussi ferroviaire en tant que point de liaison - avec la possibilité, par exemple, d'embarquer des marchandises et des camions sur les trains - sont autant de voies explorées par le secteur. « Nous travaillons sur les technologies d'électrification, de connectivité et d'automatisation », indique Tony Jaux, président de l'Institut français de transition énergétique dédié aux mobilités de demain Vedecom qui fait la passerelle entre le monde de la recherche et de l'industrie. Et de rappeler que l'industrie automobile vit de profondes transformations - dont le passage du moteur thermique à l'électrique, notamment, ce qui exige de revoir intégralement la conception des véhicules - de même que la connectivité en 4G ou en 5G, qui, à l'avenir, donnera naissance à de nouveaux services. Et si la voiture reste bien ancrée dans le paysage, « nous devons améliorer la manière dont se fait la connexion », a -t-il ajouté. Exemple de service étudié par l'institut, le robot taxi, qui pourrait aider à rabattre les usagers des voitures individuelles vers les grands axes de transport en commun.
Le secteur aérien, qui s'est engagé au niveau mondial à atteindre la neutralité carbone en 2050, multiplie lui aussi les efforts. C'est vrai de la part de grandes entreprises comme Airbus, Safran, Dassault ou Thalès et d'une myriade de PME qui innovent, ainsi que des pôles de compétitivité, des instituts de recherche et des partenariats public-privé. Parmi les leviers de décarbonation, la réduction de la consommation du carburant, tout comme l'arrivée progressive des nouveaux carburants durables. Et surtout, l'hydrogène, « capable de décarboner complètement l'aviation », avance Marc Hamy, vice-président corporate affairs d'Airbus. De quoi ambitionner de mettre en service un avion à hydrogène à l'horizon 2035.
Les défis de l'hydrogène
Mais si l'hydrogène offre beaucoup d'espoirs, son avènement dans le transport n'est pas sans défis à relever. Dans l'aéronautique, par exemple, celui de « la distribution de plusieurs centaines de tonnes (d'hydrogène) par jour », relève Eric Delobel, directeur technique de Vinci Airports et référent hydrogène de Vinci Concessions. Autre point, « nous allons devoir vivre pendant plusieurs dizaines années avec différentes familles d'avions - ceux qui voleront avec du kérosène aérien, d'autres avec du 'sustainable aviation fuel' et puis ceux à l'hydrogène. Le défi est de pouvoir, sur nos infrastructures aéroportuaires, accueillir tous les types d'avions et pouvoir servir toutes les formes d'énergie avec chacune ses spécificités », explique-t-il.
L'approvisionnement et le stockage de l'hydrogène posent d'ailleurs question pour tous les secteurs du transport. La clé est d'« avoir une approche systémique et de travailler ensemble pour changer d'échelle », assure Philippe Boucly, président de France Hydrogène. Reste aussi à réinventer les comportements et les modèles d'affaires, à l'instar des trucks as a service. Sans oublier que la production d'hydrogène vert exigera de grandes quantités d'énergie propre... Et qu'il faudra avoir les experts nécessaires et donc les former.
Disruption
Mais déjà, l'innovation, fondement du Forum de l'AIT, marque des points sur le terrain. Ainsi, à la RATP, qui travaille aussi bien sur la maintenance prédictive que sur des applications permettant aux agents de communiquer en langue étrangère... en attendant le transport collectif autonome, notamment le bus. « Nous avons besoin que les acteurs français et européens se mobilisent sur ce sujet », alerte d'ailleurs Frédéric Tran Kiem, directeur en charge du digital, des systèmes d'information et d'innovation à la RATP.
Plus encore, la mobilité est aussi un champ d'exploration qui fait rêver avec des innovations de rupture telle celle d'Urbanloop - une capsule sans batterie ni moteur, portée par l'intelligence artificielle, qui révolutionne le transport urbain. Un projet né sur le campus de l'Ecole nationale supérieure d'électricité et mécanique de Nancy, imaginé par les élèves et par l'enseignant-chercheur et PDG d'Urbanloop Jean-Philippe Mangeot. Une disruption rendue possible grâce à l'intervention publique avec entre autres le soutien de l'AIT.
Dix-huit lauréats Propulse
D'autres pépites repoussent les frontières des mobilités au quotidien. Au terme des deux journées de Forum, les 18 lauréats de la deuxième édition du programme d'accélération Propulse, qui soutient le passage à l'échelle des projets, ont été dévoilés. Ils entrent dans quatre catégories : « transports durables », « partage des données », « aménagement des espaces pour un usage multiple : multimodalité et intermodalité » et intrapreneuriat ». Ainsi, 1km à pied (impact des trajets domicile-travail), Ynstant (covoiturage dernière minute), Gazelle Tech (véhicules électriques légers) ou Hylight (dirigeable à l'hydrogène)... ont vu leurs projets récompensés. Autant d'avancées qui bénéficieront d'un accompagnement de neuf mois pour faciliter leur mise en œuvre... et déployer les mobilités de demain.
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