2017 : les Civic Tech à suivre pour la primaire et la présidentielle

Mieux informer sur les programmes, décrypter et comparer les propositions des candidats, encourager la participation des citoyens, créer des débats… Quelques mois avant la primaire de la droite et un an avant l’élection présidentielle, les « Civic Tech » éclosent partout pour donner une plus grande place aux citoyens.
Sylvain Rolland
A l'approche de 2017, de nombreuses Civic Tech ont vu le jour ou se sont renforcées ces derniers mois, pour redonner du pouvoir au peuple..

Il ne se passe pas une semaine sans qu'une nouvelle Civic Tech ne voit le jour. Une Civic Tech? Une startup, voire une association, désirant changer la pratique de la politique et le fonctionnement de la démocratie grâce aux nouvelles technologies.

Conséquences de la crise profonde du politique et de l'essor de la scène startup française, ces initiatives de citoyens engagés ou d'entrepreneurs en quête de sens entendent redonner du pouvoir aux citoyens. Casser la verticalité du rapport entre les élus et le peuple pour créer une démocratie 2.0, plus participative et éclairée. A l'approche de la primaire de la droite de novembre 2016, mais surtout des élections présidentielles et législatives de 2017, de nombreuses plateformes se sont renforcées ou ont vu le jour ces derniers mois. Et elles comptent bien peser sur le scrutin. Tour d'horizon.

     |Lire l'analyse. Comment les Civic Tech redonnent du pouvoir aux citoyens

Voxe, le comparateur de programmes en quelques clics

Pas facile de s'y retrouver dans la jungle des programmes et des propositions des candidats. D'où l'idée de créer un comparateur sur internet, qui permet en quelques clics d'évaluer ce que pensent et promettent deux candidats sur le même thème. Lancé en 2012, Voxe a déjà "couvert" 23 élections, dans 16 pays, et éclairé près de 4 millions de citoyens avant de glisser leur enveloppe dans l'urne.

En France, le site s'est impliqué dans tous les grands scrutins depuis 2012 (présidentielles, législatives, municipales, régionales). "Nous prenons les programmes officiels détaillés des candidats et nous les rendons simples et intelligibles", explique Charlotte Richard, l'une des cofondatrices. La startup est persuadée qu'une meilleure information, claire et facile à trouver, peut être une solution pour lutter contre l'abstention. "En France, on part du principe que la politique doit être complexe et ennuyante, alors que les nouvelles technologies donnent la possibilité de s'informer rapidement pour voter en toute connaissance de cause", ajoute Léonore de Roquefeuil, la présidente et cofondatrice. Voxe met aussi l'accent sur sa neutralité. "Les sources et la formulation des propositions des candidats sont vérifiées par notre équipe, y compris quand il s'agit d'ajouts de la communauté", précise Léonore de Roquefeuil.

Pour 2017, le site a décidé de prendre de l'ampleur. Un nouveau module permettra aux internautes de poser des questions aux candidats. Ceux-ci devront y répondre si la question est soutenue par 200 utilisateurs. Comment garantir qu'ils joueront le jeu? "Les politiques sont conscients de la nécessité de davantage de transparence et de dialogue direct avec les citoyens", estime Charlotte Richard. Sans compter que la pression populaire, notamment sur les réseaux sociaux, incitera sûrement les candidats à y répondre. La startup prépare aussi une newsletter, intitulée What the Voxe, dont le but est "d'avoir un impact sur l'actualité politique" en poussant les citoyens à réclamer des prises de position et des actions concrètes sur les sujets qui les concernent.

Vérité Politique, l'agrégateur de contradictions

C'est bien connu, le personnel politique n'est pas avare en promesses et déclarations sur tout et n'importe quoi. Quitte, parfois, à adopter des positions au mieux pas très cohérentes, au pire complètement contradictoires. Un comportement qui alimente la défiance des citoyens envers le monde politique.

Partant du constat qu'il est "difficile de s'y retrouver dans la jungle des promesses et la frénésie de l'actualité", le cofondateur Vérité Politique, Luc Vernhet, a mis au point un "agrégateur de contradictions, d'erreurs et de promesses non-tenues". L'objectif : faire ressortir les "vérités politiques", les personnalités les plus cohérentes, et pointer du doigt les autres. Autrement dit, exiger davantage de cohérence et de transparence.en plaçant les élus face à leurs contradictions.

Concrètement, les informations sont recensées par une équipe de bénévoles de manière fluide et synthétique, puis triées par parti, par personnalité ou par thème. L'utilisateur n'a qu'à naviguer pour se faire une idée plus précise du personnel politique, juger leur cohérence, repérer leur renoncements, pour voter, là encore, "en connaissance de cause".

Est-il utopique d'espérer qu'un agrégateur de contradictions change les pratiques des élus? Certainement. Mais ce site ne risque-t-il pas de produire les effets inverses? C'est un risque. En passant en revue les diverses personnalités, les contradictions de chacun sautent aux yeux, la cohérence moins. On y apprend par exemple qu'Alain Juppé n'assume pas d'avoir soutenu la guerre en Libye lorsqu'il était ministre des Affaires Etrangères, qui a alimenté le "chaos" secouant la région aujourd'hui. La lecture des déclarations de François Hollande sur les syndicats ou sur l'usage de 49.3 avant 2012 et aujourd'hui offre également un contraste saisissant.

Dans la même veine, le projet Content Check vise à utiliser le big data pour automatiser le "fact checking", c'est-à-dire la tâche consistant à vérifier les déclarations ou les faits. Mené par des journalistes du Monde avec des experts dans la gestion des données, la fouille de texte ou encore le raisonnement automatique, Content Check veut "développer des solutions capables de fournir automatiquement des faits, des chiffres, des données, selon un contexte et un propos précis".

Accropolis, la vie politique décryptée sur YouTube

Ceux qui souhaitent du décryptage de l'actualité politique en vidéo -plus ludique, plus rapide- peuvent se tourner vers Accropolis. Cette chaîne YouTube, la "première chaîne de streaming politique en France", est une initiative du jeune web-entrepreneur Jean Massiet, 28 ans. Son objectif ? "Désacraliser la politique" grâce à des émissions de décryptage des grands sujets d'actualité et des cessions parlementaires.

Un exemple avec une vidéo pédagogique expliquant le "49.3" (La Tribune aussi s'est fendu d'un article pédagogique ici)

Créer et participer à des débats avec Le Drenche et AgoraLabTY

Vérifier, s'informer, interpeller les politiques, c'est une chose. Participer en est une autre. Les Civic Tech regorgent aussi d'initiatives pour encourager les citoyens à faire entendre leur voix.

L'une d'entre elles est le journal citoyen Le Drenche. Partant du principe que « la politique est complexe et effraie une part importante de Français" et qu'il est "facile de trouver des petites phrases, moins de trouver des arguments de fond", son équipe composée de "citoyens indépendants et attachés à la neutralité" présente "le pour et le contre", sur chaque grand sujet d'actualité, de manière claire et concise.

Exemple : l'article "Supprimer l'ISF", revenu dans l'actualité suite aux propos d'Emmanuel Macron début mai, explique en trois points ce qu'est l'ISF, combien de personnes sont concernées et pourquoi on en parle. Un décryptage concis, qui sert de base aux utilisateurs pour se prononcer dans un sondage organisé par le site à la fin de chaque "débat". Une façon de prendre la température de l'opinion.

Le pendant télévisé du Drenche s'appelle AgoraLabTV. Il s'agit de "débats télévisés interactifs", "avec et pour les citoyens", pour "prendre le pouvoir sur la télé". Chaque citoyen peut proposer un sujet de débat, contribuer à sa préparation et y participer à la télévision, si le sujet suscite l'intérêt de la communauté. L'idée s'inspire du Média Social Plug, une offre à destination des télévisions locales qui veulent redonner la parole à leurs téléspectateurs. France 3 PACA et TVM Est Parisien ont déjà tenté l'aventure, respectivement sur les thèmes de l'emploi des jeunes et de l'après-Charlie.

Peser sur la vie publique grâce aux pétitions en ligne de Change.org

Pour s'impliquer dans la vie publique, la pétition peut aussi être une arme citoyenne redoutable. Demandez au gouvernement, qui a revu sa copie sur la Loi Travail en partie grâce (ou à cause) du succès d'une pétition en ligne sur Change.org, signée par 1,3 million de personnes.

Selon Benjamin des Gachons, le directeur France de la plateforme aux 140 millions d'utilisateurs dans le monde, "Change.org a contribué à donner un coup de neuf à la vieille pétition et à crédibiliser la pétition en ligne comme un moyen d'obtenir des réponses des décideurs". 7 millions de Français ont déjà fait entendre leur voix sur le site. La dernière victoire ? Grâce à une pétition signée par près de 20.000 personnes, Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education nationale, s'est engagée à donner plus de place aux grandes écrivaines dans les programmes de littérature en terminale L. Autre succès récent: 145.000 signataires ont contribué à la décision d'ouvrir une commission d'enquête sur les abattoirs français.

Toujours pas convaincu ? Présentez-vous sur laprimaire.org et Mavoix

Parmi les déçus de la politique figurent aussi ceux qui pensent que le « système » doit être changé en profondeur, et qui ne reconnaissent plus aux partis traditionnels la légitimité de gouverner. D'où la création récente de plusieurs plateformes qui proposent aux citoyens de s'engager, puis de représenter un mouvement citoyen aux prochaines élections.

La plus connue, laprimaire.org, affiche environ 50.000 inscrits, pour 162 candidats déclarés. Organisée par des "citoyens bénévoles et indépendants" et financée par une campagne de financement participatif et par des dons, la plateforme veut organiser une primaire ouverte destinée à "insuffler un nouvel élan démocratique en favorisant le renouvellement de la classe politique".

Considérée comme utopique en raison de la méconnaissance des candidats des complexités de l'exercice du pouvoir, laprimaire.org verra le jour si 100.000 citoyens sont inscrits au moment du vote. Pour se présenter, les candidats auront besoin de 500 soutiens citoyens.

De son côté, le site Mavoix se dote des mêmes ambitions, mais pour les élections législatives de juin 2017. "Nous ne voulons plus signer de chèque en blanc à des partis mais co-construire le monde dans lequel nous vivons de manière horizontale", explique le site, qui veut "hacker" l'Assemblée nationale en 2017 en proposant des candidats issus du peuple, hors des partis.

     | Pour aller plus loin, lire l'analyse. "Comment les Civic tech réinventent la démocratie à l'ère d'Internet".

Cities for life - Smart City

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 29/05/2016 à 22:27
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Candidat sur laprimaire.org, j'invite tout le monde à au moins s'y inscrire, pour insuffler le renouveau à notre système démocratique moribond. https://laprimaire.org/candidat/147395593663

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