Comment l'UE va encadrer les plateformes en ligne, après son accord historique contre la jungle numérique

Campagnes de désinformation, appels aux meurtres, vente de produits défectueux... Adopté ce samedi après un an et demi de discussions, le règlement "historique" de l'UE sur les services numériques vise à éliminer les zones de non-droit sur Internet. Et ce, en imposant aux plateformes en ligne de respecter les lois européennes, en particulier les réseaux sociaux, les places de marché et les moteurs de recherche. Explications.
(Crédits : Reuters)

Assassinat du professeur d'histoire Samuel Paty en France, après une campagne de haine en ligne en octobre 2020, assaut de manifestants sur le Capitole aux Etats-Unis en janvier 2021, en partie planifié grâce à Facebook et Twitter... Les dérives des réseaux sociaux ont souvent défrayé la chronique, et fait naître des interrogations sur la régulation des contenus dans le domaine. Sans compter celles de certaines e-plateformes de ventes envahies de produits contrefaits ou défectueux, qui ont pu s'avérer dangereuses, à l'instar des jouets d'enfants ne respectant pas les normes de sécurité.

Pour lutter contre cette face sombre d'Internet, ponctuée d'appels au meurtre, d'images pédophiles, de désinformation ou encore de produits contrefaits, l'Union européenne a conclu samedi sa première législation en matière de régulation du numérique, le règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA). Discuté depuis près d'un an et demi, celui-ci doit doit "consacrer le principe que ce qui est illégal hors ligne doit également être illégal en ligne", a souligné le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton. Et ce, en responsabilisant les très grandes plateformes, comme Facebook (Meta) ou Amazon, qui seront contraintes de supprimer les contenus illégaux et coopérer avec les autorités.

"Cet accord est historique", s'est félicitée dans la foulée la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen sur Twitter. "Nos nouvelles règles vont protéger les utilisateurs en ligne, assurer la liberté d'expression et des opportunités pour les entreprises".

Pour mémoire, le DSA constitue l'un des deux volets d'un plan d'envergure présenté en décembre 2020 par la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, et Thierry Breton. Le premier volet, le règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA), qui s'attaque aux pratiques anticoncurrentielles, avait lui été conclu fin mars.

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Informer "promptement" les autorités judiciaires

Concrètement, avec ce nouveau volet, toutes les plateformes en ligne (réseaux sociaux, places de marché...) devront se doter d'un système gratuit de réclamations permettant de contester des décisions de retrait d'information, de suspension ou de résiliation de compte. Elles n'auront d'autre choix que de suspendre les utilisateurs fournissant « fréquemment » des contenus illégaux (discours de haine, annonces frauduleuses...) et informer « promptement » les autorités judiciaires quand elles soupçonnent une « infraction pénale grave » menaçant « la vie ou la sécurité des personnes ».

Elles devront également publier une fois par an un rapport détaillant les actions entreprises pour la modération de contenus et leurs délais de réaction après notification de contenus illégaux. Et devront rendre compte des litiges avec leurs utilisateurs et des décisions prises.

Le DSA obligera en outre les sites de vente en ligne à contrôler l'identité de leurs fournisseurs avant de proposer leurs produits, et ils devront réaliser des contrôles aléatoires sur leurs annonces. Et il sera désormais illégal d'exploiter les données "sensibles" des utilisateurs (genre, tendance politique, appartenance religieuse...) pour de la publicité ciblée, afin notamment d'empêcher les manipulations de l'opinion. Enfin, le texte interdit les interfaces trompeuses ("dark pattern") qui poussent les internautes vers certains paramétrages de compte ou certains services payants.

Des obligations spécifiques aux géants du web

Par ailleurs, des obligations complémentaires seront imposées aux "très grandes plateformes", c'est-à-dire celles comptant "plus de 45 millions d'utilisateurs actifs" dans l'UE, soit autour d'une vingtaine d'entreprises, dont la liste reste à déterminer mais qui incluront les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ainsi que Twitter, et peut-être TikTok ou Booking.

Selon le texte adopté, ces acteurs devront ainsi évaluer eux-mêmes les risques liés à l'utilisation de leurs services et mettre en place les moyens appropriés pour retirer des contenus problématiques. Le DSA interdit notamment l'utilisation des données sur les opinions politiques à des fins de ciblage publicitaire, et introduit l'obligation de lutter contre le "revenge porn".

En outre, les géants du numérique se verront imposer une transparence accrue sur leurs données et algorithmes de recommandation. Et devront analyser les risques liés à leurs services en matière de diffusion de contenus illégaux, d'atteinte à la vie privée ou à la liberté d'expression, de santé ou de sécurité publique, et mettre en place les moyens pour les atténuer, notamment via la modération des contenus.

Les plus grandes plateformes auditées chaque année

Ce n'est pas tout : afin de s'assurer qu'ils respectent bien ces nouvelles règles, ils seront audités une fois par an à leurs propres frais par des organismes indépendants et placés sous la surveillance de la Commission européenne. En cas d'infractions répétées, celle-ci pourra infliger des amendes atteignant 6% de leurs ventes annuelles.

Enfin, dans le contexte de la guerre en Ukraine et des campagnes de désinformation qu'elle favorise, les législateurs ont décidé d'ajouter "un mécanisme de réaction en cas de crise", a indiqué le Conseil. Activé sur décision de la Commission, il permettra de prendre des mesures "proportionnées et efficaces" à l'égard des très grandes plateformes qui contribueraient à répandre de fausses nouvelles.

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Commentaires 3
à écrit le 23/04/2022 à 22:41
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Tout sera aligné a la propagande mainstream et donc "la vérité ne luttera plus contre le mensonge"!

à écrit le 23/04/2022 à 16:00
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Il est où le libéralisme ? Hypocrites.

à écrit le 23/04/2022 à 12:31
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Bonne nouvelle on avance … prochaine étape : socle social , fiscal européen identique pour tous les gafam tiktok et market place ..

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