Elon Musk attaqué en justice par des actionnaires de Twitter : la guerre est déclarée

Après dix jours de tensions entre Twitter et l'entrepreneur milliardaire Elon Musk qui semble vouloir en prendre le contrôle, certains actionnaires ripostent. Dans une plainte commune adressée au régulateur des marchés financiers, ils accusent le tout-puissant patron de Tesla et Space-X d'avoir artificiellement entretenu la faiblesse du cours de l'entreprise pour monter de manière moins coûteuse au capital.
Sylvain Rolland
Elon Musk.
Elon Musk. (Crédits : POOL)

Décidément, il y a davantage de rebondissements spectaculaires chez Twitter depuis dix jours que dans une saison entière des Feux de l'Amour. Le dernier épisode en date, ce mardi 13 avril, lance la riposte de certains actionnaires du réseau social contre Elon Musk, le milliardaire fantasque qui semble décidé à jouer les trublions.

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L'un d'entre eux, Marc Bain Rasella, a fédéré des actionnaires pour déposer une plainte collective pour "fraude" auprès du régulateur des marchés boursiers américains, la Securities Echanges Commision (SEC). Ils reprochent à Elon Musk d'avoir artificiellement maintenu le cours de l'action Twitter à la baisse, en ne divulguant pas à temps sa montée au capital du réseau social.

Elon Musk a-t-il sciemment oublié de se déclarer pour profiter de la faiblesse du cours de Twitter ?

Effectivement, à partir du moment où Elon Musk dépassait 5% du capital, ce qui est arrivé le 14 mars, il était légalement obligé de déclarer ce franchissement de seuil auprès de la SEC dans les dix jours, soit le 24 mars au plus tard. Mais il a attendu de monter jusqu'à 9,2% du capital pour remplir le fameux dossier, intitulé "Schedule 13". Elon Musk s'y est plié le 4 avril, soit avec dix jours de retard. Et pendant ce temps, le patron de Tesla et de Space-X est monté de 5% à 9,2% du capital de l'oiseau bleu.

D'où la colère des actionnaires, dont certains ont vendu tout ou partie de leurs parts pendant cette période courant du 24 mars au 4 avril. Etant donné que l'annonce de la montée d'Elon Musk au capital de l'entreprise a entraîné un fort rebond de la valeur de son action (+27% en un jour), ces actionnaires estiment que "l'oubli" du milliardaire les a empêchés de profiter de la hausse des cours, et qu'il aurait permis à l'entrepreneur de continuer à acquérir des actions à un prix artificiellement bas. Toutefois, la hausse du cours aurait certainement été moins forte avec un Musk à 5% plutôt qu'à 9,2%.

Dix jours de grande tension chez Twitter

Cette offensive de certains actionnaires - leur nombre n'est pas encore connu - fait monter encore d'un cran la pression au sein de Twitter depuis qu'Elon Musk est devenu son premier actionnaire. De provocations en provocations, les relations entre la direction de Twitter et l'homme le plus riche du monde se dégradent à grande vitesse, au point où on peut se demander si la guerre n'est pas enfin officiellement déclarée.

Le premier épisode date du lundi 4 avril. Ce jour-là, Elon Musk annonçait à la surprise générale avoir acquis 9,2% du capital du réseau socialpour près de 2,9 milliards de dollars, devenant de fait son premier actionnaire. Dans son courrier à la SEC, il précisait qu'il n'avait aucune intention de devenir un actionnaire activiste. Mais impossible d'ignorer que depuis janvier, ce qui correspond à l'achat de ses premières actions Twitter, l'entrepreneur fantasque multipliait les critiques à l'encontre du réseau social, l'accusant de museler la liberté d'expression et critiquant ouvertement sa gestion par Parag Agrawal, le CEO depuis novembre dernier et la mise à l'écart de son fondateur et PDG emblématique, Jack Dorsey.

La Tribune s'interrogeait alors : "Elon Musk préfère-t-il investir dans un réseau social reconnu, en dépit des problèmes de croissance et ainsi "influencer" la direction d'une entreprise et d'une plateforme établie, plutôt que d'en créer une à partir de zéro ?"

Elon Musk n'a pas attendu très longtemps pour confirmer sa volonté interventionniste. Dès le soir-même, il lançait sa première offensiveun sondage pour savoir si les utilisateurs souhaitent pouvoir modifier leurs tweets a posteriori. Anodin ? Pas vraiment. Car s'il s'agit d'une demande ancienne et populaire parmi les utilisateurs de Twitter qui souhaitent pouvoir corriger leurs erreurs quand ils écrivent à la va-vite. L'ancienne direction de Jack Dorsey y était farouchement opposée en raison des potentielles dérives liées au harcèlement en ligne ou à la désinformation. Le fondateur avait ainsi déclaré en 2020 que le bouton "éditer" ne verrait "probablement jamais" le jour.

La nouvelle direction, elle, se montrait moins fermée. Twitter avait ainsi embauché dès 2021 une chef de projet pour développer et tester cette fonctionnalité, qui a été annoncée le 1er avril 2022, comme une blague. Par la suite, Parag Agrawal a précisé que les discussions les semaines précédentes avec Elon Musk avaient joué sur cette décision qui pourrait drastiquement changer l'expérience utilisateur.

Offensive du conseil d'administration

Mardi 5 avril, soit le lendemain de l'annonce de la montée au capital d'Elon Musk, Twitter proposait carrément à son nouveau premier actionnaire - par ailleurs accusé de possibles manipulations de cours par le gendarme des marchés financiers pour des propos tenus sur le réseau social - une place au conseil d'administration de l'entreprise.

Le CEO, Parag Agrawal, en faisait l'annonce dans un tweet : "Je suis ravi de partager que nous nommons Elon Musk au sein du conseil d'administration ! A travers les conversations avec Elon ces dernières semaines, il était devenu clair qu'il apporterait une grande valeur à notre Conseil d'administration", expliquait-ilElon Musk lui répondait alors, toujours en public : "J'ai hâte de travailler avec Parag & le conseil d'administration de Twitter pour amener des améliorations majeures à Twitter dans les prochains mois!"

Mais s'agissait-il d'une victoire d'Elon Musk et d'une soumission de Parag Agrawal, ou alors d'un cadeau empoisonné visant à contenir l'agressivité du nouveau premier actionnaire ? Car en acceptant un poste au conseil d'administration jusqu'en 2024, Elon Musk s'empêchait ainsi de monter à plus de 14,9% du capital de l'entreprise. Il aurait certes pu tenter d'influer sur la stratégie de l'entreprise via le conseil d'administration - et sa force de frappe, grâce à ses 80 millions de followers, est réelle - mais il aurait encore fallu que la majorité de celui-ci valide ses demandes.

Un week-end de messages provocateurs

Pendant quelques jours, Elon Musk a semblé choisir l'option de faire pression sur le conseil d'administration en "trollant" massivement le réseau social. Jeudi, il publiait un "meme" reprenant une célèbre photo où on le voit tenir un joint dans un halo de fumée, avec la légende : "le prochain conseil d'administration de Twitter va déchirer". Il acceptait également de rencontrer les employés de Twitter pour une séance de questions/réponses, comme s'il était le nouveau dirigeant de la société.

Samedi, il allait encore plus loin dans la pression. "Est-ce que Twitter est en train de mourir ?" demandait-il, illustrant son propos par le fait que la plupart des "super comptes" du réseau social - ceux qui comptent le plus d'abonnés comme Barack Obama, Justin Bieber, Taylor Swift, Rihanna, Lady Gaga...- postent rarement des contenus.

Encore plus "troll", Elon Musk publiait deux autres tweets dans le week-end, qui ont dû rester au travers de la gorge de Parag Agrawal. Le premier était un sondage, avec comme options"oui" ou "bien sûr" à la question "faut-il supprimer le 'w' de Twitter ?". Dans le second, il suggérait de "convertir le siège de Twitter à San Francisco en refuge pour les sans-abris", car "personne ne s'y déplace de toutes façons" [sic].

Guerre ouverte

Et puis finalement, Elon Musk a - encore - changé d'avis. Lundi 11 avril, il refusait son siège au conseil d'administration. Et pas de la plus élégante des manières : d'après un message du CEO Parag Agrawal, l'homme le plus riche du monde d'après Forbes a tout bonnement posé un lapin aux dirigeants, alors qu'il avait laissé entendre publiquement qu'il siégerait.

"La nomination d'Elon au conseil d'administration devait entrer en vigueur le 9 avril, mais Elon nous a annoncé le même jour qu'il ne le rejoindrait pas", a écrit Agrawal, avant d'ajouter : "Elon est notre plus gros actionnaire et nous resterons ouverts à ses idées". Une heure après le message du CEO, le principal concerné se contentait de répondre en publiant l'emoji "pouffe de rire"... sans autre commentaire.

Désormais, place à la riposte de certains actionnaires en justice auprès du régulateur des marchés financiers. Ni Elon Musk ni Parag Agrawal n'ont réagi, le premier n'ayant pas posté sur le réseau social depuis le 11 avril. Quel sera son prochain coup ?

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2022 à 10:25
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Elon Musk est un manipulateur hors pair ... Il se sert de Twitter et ses 80 millions de followers pour trouver des financements à bon compte pour ses sociétés... et faire des AK à des cours de plus en plus stratosphériques ... C'est le nouveau gourou...

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