Elon Musk sera-t-il vraiment un actionnaire "passif" de Twitter, comme il l'a affirmé au régulateur boursier américain ? On peut sérieusement en douter. Moins d'un jour après sa montée surprise au capital du réseau social au point d'en devenir le premier actionnaire avec 9,2% des parts, le patron de Tesla et de Space-X met déjà la pression sur son nouveau jouet.
"Voulez vous un bouton pour modifier les tweets ?"
Mardi 5 avril, le fantasque milliardaire a mis le feu aux poudres avec un sondage sur le réseau social. Le nouvel actionnaire veut savoir si les utilisateurs souhaitent un bouton pour modifier les tweets après publication. La question est anodine en apparence, sauf qu'il s'agit d'un point de crispation chez Twitter, fermement opposé depuis des années à cette demande réclamée par de nombreux utilisateurs, mais qu'elle juge dangereuse en raison des dérives qu'elle pourrait engendrer.
Comme le montre le tweet d'Elon Musk, cette demande est très populaire parmi les utilisateurs de l'oiseau bleu : à 11h10 heure française, plus de 2,4 millions de personnes avaient répondu au sondage, dont 73,6% pour voter "oui". A priori, un bouton "éditer" est une excellente idée : il arrive fréquemment de faire une faute ou d'oublier un lien dans un tweet, alors offrir la possibilité de modifier permettrait de facilement corriger ces petites erreurs sans devoir supprimer carrément le tweet et le refaire, comme c'est le cas actuellement.
Sauf que Twitter craint que si l'utilisateur peut modifier a posteriori son tweet, certains mauvais esprits en profitent pour lancer des polémiques virales qui peuvent enflammer la toile en quelques minutes, ou laisser libre cours à la haine et au harcèlement tout en sachant qu'ils pourront modifier leur tweet ensuite. Une précaution qui semble pertinente alors que les fausses informations, les propos haineux et le harcèlement en ligne sont un véritable fléau sur les réseaux sociaux, et aussi sur Twitter.
Jack Dorsey, le fondateur et CEO emblématique de l'entreprise jusqu'à novembre dernier, avait même indiqué en 2020 que Twitter n'ajoutera "probablement jamais" de bouton "éditer". Pour lui, cette fonctionnalité est opposée à l'état d'esprit du réseau social. L'entreprise en a même fait une blague de 1er avril il y a quelques jours, tant le sujet revient régulièrement dans les demandes des utilisateurs sans changer outre-mesure l'avis de la direction.
[Poisson d'avril ! .... mais plus pour longtemps ?]
Elon Musk va-t-il partir en croisade contre la modération de Twitter ?
Cette initiative en apparence légère donne-t-elle le ton de l'attitude du nouveau premier actionnaire de Twitter ? Dans les commentaires suite à son sondage, Elon Musk répond comme s'il se prenait déjà pour le PDG de l'entreprise. Un utilisateur répond ainsi : "Sous deux conditions. Si c'est disponible pour quelques minutes [...] et s'il y a un petit lien qui montre qu'il y a eu un changement". Et Elon Musk de valider : "Cela semble raisonnable". A un autre utilisateur qui lui demande d'améliorer le système de vérification d'identité pour lutter contre les "crypto spam bots" - ces robots qui postent automatiquement des tweets promotionnels -, l'actionnaire répond "Ouais, c'est le problème le plus ennuyeux de Twitter à mon avis".
Pour l'heure, le niveau de la prise de participation d'Elon Musk au capital de Twitter ne lui permet pas d'influer sur des décisions exécutives. Mais ce ne serait pas la première fois qu'un actionnaire entre doucement au capital pour finir par renverser la table. La méthode est bien connue : cibler une entreprise en difficultés ou qui ne réussit pas assez bien aux yeux du marché, monter progressivement au capital en attisant la colère des petits actionnaires via des critiques de plus en plus ciblées contre la direction, pour finir par demander sa tête.
Twitter n'en est pas encore là bien sûr, mais l'entreprise paraît une bonne cible pour un actionnaire activiste : son potentiel est réel mais ses choix stratégiques sont contestés et elle ne réussit pas à trouver la recette miracle de sa monétisation. Et Elon Musk est l'une des personnalités les plus critiques sur le fonctionnement actuel de Twitter, l'accusant de brider la liberté d'expression avec sa politique de modération qui vise en fait à lutter -de manière très insatisfaisante aux yeux des régulateurs- contre les fake news, la haine et le harcèlement en ligne.
La réponse -ironique ?- du nouveau CEO à Elon Musk
Parag Agrawal, le nouveau CEO depuis novembre 2021, a cité le sondage d'Elon Musk avec une réponse dont il est difficile d'affirmer si elle est sérieuse ou ironique.
L'intention du CEO de Twitter est-elle vraiment de tenir compte du sondage pour éventuellement adapter la politique du réseau social, ou s'agit-il d'une manière ironique de remettre le premier actionnaire de Twitter à sa place ?
Quoi qu'il en soit, les hostilités semblent ouvertes. Ce sondage montre qu'Elon Musk ne compte pas arrêter de critiquer le réseau social malgré le fait qu'il en soit devenu le premier actionnaire. Juste avant de révéler sa prise de participation, le patron de Tesla et de Space-X avait publié une série de messages remettant en question l'engagement de Twitter pour la liberté d'expression et demandant à ses 80 millions de followers s'ils souhaitaient un "autre réseau social".
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