Face à la lassitude des utilisateurs, les applications de rencontre déploient des IA pour draguer à leur place

Les utilisateurs en ont marre de swiper ? Qu'ils envoient un avatar faire le travail à leur place ! C'est le futur imaginé par Whitney Wolfe Herd, fondatrice de l'app de rencontre Bumble. Cette vision est également partagée par d'autres acteurs de l'industrie du dating. Face à la lassitude des utilisateurs, en particulier des plus jeunes, les applications de rencontre cherchent un nouveau souffle grâce à l'IA générative.
Le secteur des applications de rencontre voit son modèle arriver à bout de souffle.
Le secteur des applications de rencontre voit son modèle arriver à bout de souffle. (Crédits : Image générée par IA avec DALL-E)

Un instant dystopique comme l'industrie de la tech sait parfois en créer s'est produit il y a quelques jours. Sur la scène de Bloomberg Tech, Whitney Wolfe Herd, fondatrice et présidente exécutive de l'application de rencontre Bumble, imagine à quoi pourrait ressembler le futur de ces applis dopées à l'intelligence artificielle générative.

Dans un avenir proche, explique-t-elle, les utilisateurs pourront parler de leurs problèmes, leurs insécurités... à une intelligence artificielle. Ce « concierge » leur donnera ensuite des conseils pour mieux communiquer avec les autres. Mieux : cette IA pourra les aider à trouver des partenaires en allant à des rendez-vous avec les IA d'autres utilisateurs. Et s'il s'avère que les robots passent un bon moment, leurs homologues humains seront eux aussi mis en relation. Gloussements dans la salle. « Non, non, vraiment insiste Whitney Wolfe Herd. Vous n'aurez pas à parler à 600 personnes. Ce concierge pourrait scanner tout San Francisco pour vous et vous dire voici les 3 personnes que vous devriez vraiment rencontrer. »

Pour la dirigeante, cette fonctionnalité serait un moyen de rendre les « plateformes plus sûres et bienveillantes pour des relations plus saines et équitables ».

Étrange ? L'idée n'est pourtant pas si futuriste que cela. Bumble n'est pas la seule à explorer cette voie. L'application canadienne Snack (indisponible en France) a lancé dès 2023 une fonctionnalité similaire. Elle propose aux utilisateurs de créer un avatar à leur image. Non seulement, il répond à leur place, mais fait une sorte de présélection des candidats pour eux.

Fin 2023, George Arison, le PDG de GrindR, l'application phare de la communauté LGBTQ+, fait une proposition analogue. Lui parle d'un « wingman » (un allié) dopé à l'IA générative. Son rôle n'est pas encore bien défini par le dirigeant, mais il pourrait par exemple suggérer à un utilisateur une réponse, ou une idée de restaurant. Pour concrétiser cette promesse, l'entreprise a annoncé un partenariat avec Ex Human, une startup spécialiste de la création de chatbot personnalisable. Sur son site Botify AI, la jeune entreprise californienne propose des interlocuteurs virtuels inspirés de héros et héroïnes de fiction, de Geisha, de vampires... Ces chatbots sont réputés pour être prompts au flirt et aux conversations dites « émotionnelles ». L'idée serait de proposer aux utilisateurs de Grindr de créer leur propre chatbot en l'entraînant sur leurs données (reste à savoir comment cela sera compatible avec le Règlement général sur la protection des données européen).

Mais le patron n'a pas le temps pour ces questions. « Si nous ne sommes pas les premiers sur le marché avec quelque chose en rapport avec l'intelligence artificielle, on rate le coche », dit-il à Bloomberg. Ces fonctionnalités devraient être déployées au cours de l'année.

Lire aussiDonnées personnelles : quelles leçons retenir des premiers déboires de ChatGPT ?

Tinder veut aussi intégrer l'IA générative

Sans aller aussi loin, Match Group (Tinder, OKCupid) envisage également de nouvelles fonctionnalités basées sur l'IA générative : des questions proposées par ChatGPT sur OKCupid ou une aide à la sélection de photos de profils des utilisateurs.

Ce positionnement n'a rien d'étonnant. D'une part parce que les applis de rencontre fonctionnent déjà de manière algorithmique, logique donc de les voir surfer sur la nouvelle vague de l'intelligence artificielle.

D'autre part, ce virage est particulièrement bienvenu pour un secteur dont le modèle arrive à bout de souffle. L'heure de gloire de Tinder et consorts est révolue. De plus en plus d'utilisateurs choisissent de les quitter, après des années de frustration, de sentiment d'addiction et de lassitude... Cette « dating fatigue » comme la nomme notamment la journaliste Judith Duportail presse donc les entreprises à inventer de nouveaux concepts et fonctionnalités. Pour que le dating soit de nouveau « fun », comme le confie un porte-parole de Bumble au média américain The Atlantic. C'est d'ailleurs pour cette raison que fin 2023 l'entreprise a nommé à sa tête Lidiane Jones, ex dirigeante de Slack, informaticienne de formation et passionnée par l'IA.

Un antidote contre la « dating fatigue » ?

Car cette technologie apparaît comme un moyen de « disrupter » à nouveau l'industrie, de la même manière que Tinder l'a fait il y a maintenant près de dix ans en introduisant le « swipe ».

Faute d'innovation aussi convaincante depuis, Match Group et Bumble (qui détient aussi Fruitz et Badoo) - ont aussi blasé les investisseurs. Ces deux entreprises qui représentent la quasi-totalité du secteur en termes de parts de marché ont perdu plus de 40 milliards de dollars de valeur marchande depuis 2021. Leurs chiffres d'affaires progressent, mais lentement. Pour Match, son augmentation dépend surtout de la hausse des tarifications des abonnements premium de ses applis plus que de la croissance du nombre d'utilisateurs, pointe le New York Times.

Lors de la dernière publication de ses résultats, le groupe a indiqué s'attendre à un ralentissement des dépenses des utilisateurs au prochain trimestre. Le nombre total de ses clients payants a déjà diminué de 5 % entre 2022 et 2023. Bumble, dont le nombre d'utilisateurs payants est en augmentation, tire davantage son épingle du jeu, notamment en multipliant les fonctionnalités innovantes, comme son « Deception Detector » dédié au ciblage des faux profils.

Les applications savent par ailleurs qu'elles ennuient une tranche d'âge en particulier (pourtant cruciale pour continuer à croître) : la génération Z (née à partir de 1995). Mais il n'est pas certain que plus de technologies les fassent revenir aux applis. Ce qu'ils leur reprochent en substance : le côté artificiel et transactionnel du swipe, mais aussi la quantité de faux profils qui pullulent... Pas sûr qu'un chatbot compagnon de drague rendra l'affaire plus naturelle et authentique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/05/2024 à 13:41
Signaler
"les applications de rencontre" elles veulent survivre et cherchent comment faire. Si jamais les gens arrivaient à se rencontrer, au hasard, sans application, ça serait 'fatal'. L'IA va révolutionner tout ça, ou pas. :-) Une vidéo montrait une fois ...

à écrit le 15/05/2024 à 10:47
Signaler
Grotesque. "Si vous ne trouvez plus rien, cherchez autre chose" Brigitte Fontaine. Mais comment faire comprendre cela à des investisseurs conservateurs ? Alors ils creusent toujours plus profond en quête de lutte contre leur pathologique ennui.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.