Faut-il bannir Donald Trump de Twitter ?

Le prochain président des Etats-Unis est un “twitto” compulsif qui multiplie, même élu et malgré les mises en garde de ses conseillers, les réactions à l'emporte-pièce, les provocations à l’égard de la presse, des humoristes, et, encore plus problématique, des puissances étrangères comme la Chine. Le premier "président Twitter" bouscule la communication politique traditionnelle, quitte à embarrasser Twitter lui-même.
Sylvain Rolland
La liberté de parole de Donald Trump sur Twitter, ses prises de position polémiques, ses attaques contre ses opposants et les médias qui ne le soutiennent pas -y compris en apostrophant leurs journalistes-, bousculent la conception traditionnelle de la communication politique. Au point de provoquer des tensions géopolitiques.

Quelques jours avant le scrutin présidentiel du 8 novembre, l'équipe de campagne de Donald Trump avait coupé l'accès à Internet de son candidat pour l'obliger à ne plus tweeter. Il fallait éviter à tout prix une nouvelle bévue si proche du jour du vote. Cette décision surréaliste avait provoqué l'ironie de Barack Obama : « S'il ne peut maîtriser son compte Twitter, comment pourrait-il gérer l'arme nucléaire ? »

Après son élection, le président-élu avait promis d'utiliser Twitter de façon "plus modérée". C'était le minimum : pendant sa campagne, le milliardaire avait proféré pas moins de 289 insultes à l'encontre d'adversaires, de célébrités, de médias, de pays étrangers et même d'émissions de télévision, comme l'a compilé le New York Times.

Jack Dorsey, Pdg de Twitter, embarrassé par Donald Trump

Mais chassez le naturel, il revient au galop. Après l'élection, Donald Trump n'a résisté que quelques jours. Dès le 13 novembre, il repartait dans les déclarations enflammées et spontanées sur tous les sujets, des plus triviaux (comme une parodie du Saturday Night Live qui lui a déplu) aux plus sérieux (la politique monétaire de la Chine et ses projets militaires, voir plus bas). Il n'a pas non plus hésité à tweeter pour dénoncer une soi-disant « fraude massive » au bénéfice d'Hillary Clinton dans certains Etats lors de l'élection. De quoi alimenter la machine à rumeurs et les fausses informations, pour lesquelles Twitter et Facebook sont très critiqués depuis quelques mois.

Le Parti Vert vient de laisser tomber sa procédure de recomptage en Pennsylvanie et perd des votes dans le recomptage du Wisconsin. Encore une arnaque de Stein pour lever des fonds !

Cette attitude provoque la consternation des médias et même de la propre équipe de Donald Trump, qui aimerait, d'après la presse américaine, que le futur président (son intronisation aura lieu le 20 janvier prochain) soit moins impulsif. « Il provoque, il trolle. Il faut le dire et le redire. Ce n'est pas normal. Cela abaisse la présidence », s'inquiétait le New York Times, cible régulière de Trump, dans un éditorial, fin novembre.

Même Twitter ne sait pas comment réagir face à cet utilisateur forcément pas comme les autres -un troll certes, mais un troll président- qui flirte parfois avec ses règles de conduite. Le 30 novembre, le réseau social a indiqué qu'il n'hésiterait pas à supprimer tout compte qui verserait dans l'incitation à la haine, même celui du président des Etats-Unis. Interrogé à ce sujet mardi 6 décembre, lors d'un événement organisé par le site Re/code, Jack Dorsey, le Pdg de Twitter, a fait part de sa gêne. Pour lui, Donald Trump sur Twitter, « c'est compliqué... »

Je pensais que @CNN serait de meilleure qualité après avoir si misérablement failli dans son soutien à Hillary Clinton toutefois, depuis l'élection, ils sont pire !

Donald Trump, le premier « président Twitter », bouscule la communication traditionnelle

La liberté de parole du président-élu sur Twitter, ses prises de position polémiques, ses attaques contre ses opposants et les médias, bousculent la conception traditionnelle de la communication politique.

Fort de ses 16,9 millions d'abonnés (quel journal peut revendiquer une telle audience ?), le populiste Trump voit en Twitter un moyen de communication directe avec le peuple, sans fioritures de langage et sans passer par les médias traditionnels (qu'il n'aime pas, sauf ceux qui glorifient sa personne et son action). Contrairement à ses prédécesseurs, il n'a donné pour l'instant aucune conférence de presse, se contentant d'annoncer ses nominations à différents postes-clés... sur Twitter. Sa première conférence de presse aura lieu le 15 décembre, mais il en a déjà révélé la substance sur le réseau social : il s'agira d'expliquer comment il va se séparer de son empire immobilier pour éviter les conflits d'intérêts.

En ce sens, Donald Trump est le premier « président Twitter ». Si Obama a été le premier à déployer une véritable stratégie sur internet pour gagner l'élection présidentielle, en 2008, le magnat de l'immobilier est premier président qui utilise le réseau social de manière spontanée et comme outil de communication privilégié. Alors que Barack Obama dispose d'une équipe chargée d'alimenter son compte Twitter -il signe ses propres tweets pour les distinguer de la masse-, Donald Trump ne laisse son compte à personne et se montre sans filtre. Il utilise même parfois le réseau social pour expliquer sa politique, comme le montre cette série de tweets :

"Les Etats-Unis vont réduire substantiellement les impôts et la régulation sur les entreprises, mais celles qui quittent notre pays pour un autre pays, licencient leurs employés, construisent une nouvelle usine dans un autre pays, et puis pensent qu'elles vont vendre leurs produits aux Etats-Unis sans taxes ni conséquence, ONT TORT ! Il y aura sur nos frontières bientôt solides une taxe de 35% pour ces entreprises qui veulent vendre leurs produits, voitures etc. Cette taxe va rendre la délocalisation financièrement difficile, mais ces entreprises peuvent déménager dans les 50 Etats, sans taxes ou pénalités. Merci d'en tenir compte avant de faire une erreur très coûteuse ! LES ETATS-UNIS SONT PRÊTS A FAIRE DES AFFAIRES !

Quand quelques tweets provoquent un incident diplomatique avec la Chine

Cette méthode directe et sans fard, qui a contribué à l'asseoir à la Maison-Blanche, semble aussi être utilisée dans le domaine de la diplomatie. Vendredi dernier, Donald Trump a discuté par téléphone avec Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan. Mais cet échange, le premier entre présidents américain et taïwanais depuis la reconnaissance, en 1979 par Jimmy Carter, de la « Chine unique », a déplu à Pékin, qui considère Taïwan comme un territoire lui appartenant. Le président-élu n'a pas apprécié les reproches de l'ex-Empire du Milieu. Il a donc tenu à mettre les choses au clair sur Twitter :

"La présidente de Taïwan M'A APPELE aujourd'hui pour me féliciter d'avoir gagné la présidentielle. Merci ! »

Face aux réactions outrées en Chine, Donald Trump a ajouté de l'huile sur le feu dimanche:

"La Chine nous a-t-elle demandé si c'était OK de dévaluer sa monnaie (ce qui rend la concurrence plus difficile pour nos entreprises), pour taxer lourdement nos produits qui rentrent dans son pays (les USA ne les taxent pas) ou pour bâtir un vaste complexe militaire au milieu de la mer de Chine méridionale? Je ne crois pas!"

Evidemment, ces propos ont suscité une nouvelle vague d'indignation. Lundi soir, le Global Times (média chinois) a notamment publié un article intitulé « Donald Trump apprendra à ne pas se mettre en travers du chemin de la Chine ». De quoi refroidir encore plus des relations déjà fraîches entre les deux pays.

Reste à savoir si l'exercice du pouvoir et les conséquences -notamment diplomatiques- de telles envolées ne vont pas amener Donald Trump à tempérer sa nature... ou, si c'est impossible, à autoriser ses conseillers à le priver une nouvelle fois d'Internet.

Sylvain Rolland

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Commentaires 9
à écrit le 21/12/2016 à 10:33
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Pour ceux qui se souviennent de M. G. MARCHAIS, et de sa polémique avec le journaliste M. ELCABACHE, à qui il lui reprochait, comme aux autre radios (3 à cette époque, RTL, Europe et France Inter) de le défavoriser en temps d'antenne par rapport aux ...

à écrit le 08/12/2016 à 21:53
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Franchement qu'est-ce qu'il y a de choquant dans ses tweets à propos de la Chine ? Politiquement incorrect ? Ok mais c'est tout de même la vérité ! Et si on en finissait avec les hommes politiques mous qui nous gouvernent avec incompétence depuis 20 ...

à écrit le 08/12/2016 à 18:32
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Et si vous lui fichiez la paix, à ce futur président des Usa . Il n'est pas encore au pouvoir , et rengainez votre rancune, Clinton la guerrière, les américains n'en veulent pas . Il faut savoir s'adapter .

à écrit le 08/12/2016 à 16:30
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Plus il fera honte par son comportement à ceux qui l'ont élu, plus vite les américains corrigeront le tir, en espérant qu'il ne sera pas trop tard. Pou le moment, et vues les personnes qu'il a nommé dans son futur staff, ça promet d'être gratiné. ...

à écrit le 08/12/2016 à 15:50
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Trump est bel et bien le tendon d'achille des réseaux sociaux. Trump illustre par l'absurde que les réseaux donnent un public à ceux qui racontent n'importe quoi, et font du business sur l'audience sans se soucier du contenu. La presse "sérieuse" p...

à écrit le 08/12/2016 à 15:02
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Attention, je dis, attention avec la Chine. Les partenaires des USA en Asie ne veulent pas pour autant d'une Chine rabougrie, rabaissée, humiliée. Oui pour le dialogue, quitte à être un peu brusque, un peu fruste dans ses phrases. Non à la provocatio...

à écrit le 08/12/2016 à 11:23
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Une communication spontanée ? Non c'est une nouvelle forme de marketing tout simplement, Trump est un joueur de poker il agit à l'instinct, cette façon de faire l'a fait battre clinton pourquoi ne pas continuer ? Les médias qui nous parlaient d'u...

à écrit le 08/12/2016 à 10:57
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Non, c'est Twitter qu'il faut interdire puisqu'il permet toute les dérives possibles. Nous avons le Monde que nous méritons en choisissant en toute liberté d'y participer. Nous sommes les propres artisans de notre aliénation. Vous, pas moi qui ne p...

le 08/12/2016 à 14:13
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Twitter, la vox populiste.

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