IA : le Royaume-Uni investit pour développer sa propre version de ChatGPT

Un milliard de livres au total vont être investis dans la création d’un groupe de travail et d’un superordinateur visant à produire un logiciel d’intelligence artificielle générative de l'envergure de ChatGPT, ainsi qu’à convertir l’économie britannique à l’ère de l’intelligence artificielle omniprésente.
(Crédits : POOL)

100 millions de livres : c'est la somme que le gouvernement britannique va investir afin de mettre sur pied un groupe de travail chargé de rendre le pays compétitif sur l'intelligence artificielle et de permettre la création d'une version locale de ChatGPT, d'ores et déjà surnommée « BritGPT ».

Cette équipe rassemblera des experts du gouvernement et de l'industrie. Elle rendra directement des comptes au Premier ministre britannique, Rishi Sunak.

Un superordinateur à 900 millions de livres

« Exploiter le potentiel de l'intelligence artificielle constitue une formidable opportunité pour la croissance de notre économie, la création d'emplois mieux rémunérés, et pour la construction d'un avenir meilleur à travers des avancées dans la santé et la sécurité », a affirmé celui-ci dans une déclaration officielle accompagnant l'annonce.

« En investissant dans les technologies de pointe à travers ce nouveau groupe de travail, nous pourrons continuer de tracer la voie pour le développement d'une intelligence artificielle sûre et fiable, au service d'une économie britannique plus innovante. »

Ces 100 millions de livres viennent s'ajouter aux 900 millions que le gouvernement a prévu d'investir dans la construction d'un superordinateur qui permettra d'entraîner des modèles d'intelligence artificielle générative et donc d'obtenir une version britannique de ChatGPT. Annoncé en mars lors du dévoilement du budget de printemps (le « Spring Budget »), cet investissement vise à doter le Royaume-Uni des capacités de calcul nécessaires pour avancer sur cette technologie de pointe sans être dépendant des sociétés américaines et chinoises.

La facture salée de ChatGPT

Depuis l'émergence du chatbot d'OpenAI, des initiatives visant à le reproduire ont émané d'un peu partout, de la Chine à Hong Kong, en passant par les rangs de la droite américaine. Plus facile à dire qu'à faire.

Rappelons en effet que l'entraînement d'algorithmes d'intelligence artificielle du type de ceux utilisés par ChatGPT requiert une puissance informatique considérable. Pour concevoir le modèle de langage qui alimente ChatGPT, plus de 10.000 cartes graphiques A100 de Nvidia ont ainsi dû être utilisées. Pour commercialiser son chatbot, OpenAI pourrait avoir besoin de 30.000 d'entre elles, selon certaines estimations. Or, une telle puissance informatique coûte cher, très cher : certains experts estiment ainsi que le simple fait de laisser tourner ChatGPT coûte environ 700.000 dollars par jour à OpenAI.

« Les grands modèles de langage vont constituer la nouvelle plateforme de l'économie, et la capacité de développer ses propres modèles va donc devenir un enjeu important en matière de souveraineté. Il est par conséquent capital que le Royaume-Uni investisse dans la recherche pour ne pas être entièrement dépendant des algorithmes chinois et américains », affirme Ashley Ramrachia, dirigeant d'Academy, une société qui forme des talents pour l'industrie des nouvelles technologies.

« Or, le coût que représente la puissance informatique nécessaire pour entraîner ces algorithmes dépasse largement ce que les entreprises britanniques peuvent se permettre d'investir, ce qui représente actuellement le principal goulet d'étranglement pour l'industrie locale. Il est donc important que le gouvernement finance la mise en place d'une infrastructure informatique susceptible de permettre aux entreprises et aux universités de déployer leurs recherches. Le seul bémol étant que la somme investie pour le moment fait pâle figure face aux 10 milliards de dollars que Microsoft a investis dans OpenAI. »

L'ordinateur en question sera un supercalculateur exaflopique, dont la puissance de calcul dépasse 1018 flops, une machine surpuissante dont il n'existe pour l'heure qu'un seul avatar connu, l'ordinateur Frontier, hébergé au sein de l'Oak Ridge National Laboratory, dans le Tennessee.

« Il existe un risque que le Royaume-Uni se laisse distancer par les géants technologiques et la Chine, et se trouve ainsi à la traîne dans des secteurs clefs comme la cybersécurité et la santé. Il s'agit d'une course aux armements qui se déroule depuis quelque temps déjà, mais qui s'est définitivement accélérée récemment », confiait encore Adrian Joseph, un cadre de British Telecom, au Science, Innovation and technology committee du parlement britannique en mars dernier.

Le Royaume-Uni manque de travailleurs familiers avec l'IA

S'il ne possède aucune société de l'envergure de Google, Facebook ou Microsoft susceptibles d'investir des fortunes dans le développement de l'intelligence artificielle, le Royaume-Uni concentre en revanche un important vivier de talents autour de cette technologie, avec des formations universitaires de classe mondiale.

L'University College London (UCL) compte ainsi un département d'intelligence artificielle et un département de robotique qui comptent tous deux parmi les meilleurs de la planète. Les universités d'Oxford et Cambridge sont elles aussi toutes deux en pointe sur l'intelligence artificielle.

Rappelons que la jeune pousse Deepmind, rachetée par Google, qui a permis au groupe californien de réaliser la prouesse AlphaGo et est aujourd'hui l'une des sociétés les plus avancées au monde sur l'intelligence artificielle, a été fondée à Londres, où ses bureaux principaux se trouvent toujours, par des diplômés de l'UCL. Des sociétés britanniques comme le spécialiste de la cybersécurité Darktrace, le fabricant de puces Graphcore et la jeune pousse des biotechs BenevolentAI possèdent toutes une expertise de pointe sur l'intelligence artificielle.

Pour Ashley Ramrachia, l'enjeu n'est toutefois pas seulement de se situer à la pointe de la recherche, mais aussi et surtout de former suffisamment de talents capables de travailler avec l'intelligence artificielle. « Nous avons définitivement besoin de chercheurs qui créent de nouveaux modèles depuis les meilleures universités, mais à l'heure où l'intelligence artificielle est en train de s'insérer dans chaque secteur de l'économie, les entreprises font face à un manque de talents. Elles n'ont cependant pas besoin des meilleurs cerveaux au monde pour exploiter cette technologie, simplement d'un grand nombre de travailleurs qui soient à l'aise avec l'intelligence artificielle et sachent l'utiliser au quotidien. »

Son entreprise, Academy, collabore ainsi avec des sociétés en quête de talents pour former des individus, notamment issus des minorités et de milieux défavorisés, à la maîtrise de l'intelligence artificielle. Un récent rapport de Salesforce montre que seul un travailleur britannique sur dix possède des compétences en intelligence artificielle actuellement recherchées sur le marché du travail. Un déficit que le système éducatif britannique pourra difficilement combler à court terme : les dispositifs de formation professionnelle sont dans ce contexte voués à se multiplier.

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Commentaires 2
à écrit le 07/05/2023 à 21:07
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Les faits sont têtus, l' AI américaine à été développée par des ingénieurs chinois ( 2/3 des ingénieurs chinois vont bosser aux Etats-Unis). Comment ils vont faire les anglais avec leur brexit ? Leurs copains américains vont peut être leur montrer ?

à écrit le 05/05/2023 à 20:59
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Il est loin le temps où l''Angleterre utilisait toute sa puissance de lobbying en Europe pour expliquer que seules comptaient la concurrence libre et non faussée et la main invisible du marché, rejetant en celà toutes les tentatives de faire un peu d...

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