Malgré le Brexit, Londres demeure la capitale européenne des startups

La métropole britannique bénéficie du poids historique de son industrie financière, d’un environnement réglementaire favorable et d’un solide écosystème qui vient épauler les jeunes têtes blondes de la tech. Mais lorsqu’il s’agit de se lancer en bourse, les jeunes pousses britanniques délaissent massivement Londres, au profit de New York.
Les startups londoniennes ont levé 16 milliards de livres sterling (18 milliards d'euros) l'an passé, soit deux fois plus que celles de Paris.
Les startups londoniennes ont levé 16 milliards de livres sterling (18 milliards d'euros) l'an passé, soit deux fois plus que celles de Paris. (Crédits : Wikimedia Commons)

Suite à la victoire du Brexit en 2016, de nombreux membres de l'écosystème technologique londonien ont exprimé leurs craintes de voir la capitale perdre son statut de plaque tournante européenne des startups au profit d'autres écosystèmes dynamiques, comme Paris, Amsterdam ou Berlin.

Pourtant, près de sept ans plus tard, la scène londonienne affiche une insolente bonne santé. La capitale britannique demeure l'un des écosystèmes les plus énergiques au monde, derrière San Francisco et New York. En Europe, son statut de numéro 1 reste incontesté.

Londres demeure numéro 1 en Europe

Les startups londoniennes ont levé 16 milliards de livres sterling (18 milliards d'euros) l'an passé, soit deux fois plus que celles de Paris, le second écosystème technologique européen, selon les chiffres de London & Partners, une organisation à but non-lucratif qui dépend de la mairie de Londres.

Les fonds d'investissement en capital-risque londoniens ont quant à eux levé 5,3 milliards de livres sterling (6 milliards d'euros) en capitaux frais, un chiffre inédit. La capitale britannique contribue ainsi à faire du pays le troisième au monde en matière d'investissement dans les nouvelles technologies, derrière les États-Unis et la Chine.

Northzone, Atomico et Phoenix Court ont tous établi de nouveaux fonds d'investissement à Londres l'an passé, tandis que Sequoia Capital, Lightspeed Ventures et General Catalyst ont accentué leur présence dans la capitale.

« Je faisais partie des sceptiques qui pensaient qu'après le Brexit, c'en était fait de Londres en tant que capitale technologique européenne, et force est de constater que la résilience de l'écosystème est remarquable », concède Gavin Poole, directeur général de Here East, le plus gros campus dédié aux nouvelles technologies de la capitale.

Un cadre réglementaire avantageux

Une résilience qu'il attribue notamment à un environnement réglementaire très favorable.

« Il est très facile de monter une startup au Royaume-Uni. La Financial Conduct Authority (FCA) est un régulateur très fiable et compétent, source de confiance pour les entrepreneurs du numérique. Les profils créatifs peuvent également compter sur de nombreuses incitations à monter des projets, comme les crédits d'impôt instaurés par le chancelier de l'Échiquier, George Osborne, en 2011. Initialement conçus pour l'industrie du cinéma, ils ont fortement contribué au développement de celle-ci, puis ont été étendus à celle du jeu vidéo. »

Ces crédits ont aussi bénéficié à tout un écosystème d'influenceurs et de créateurs de contenus. Citons également les dispositifs EIS et SEIS, qui donnent des avantages fiscaux aux créateurs de startups. Le constat semble partagé par les entrepreneurs, à l'instar d'Antoine Le Nel, Directeur Croissance Monde chez Revolut, une néobanque londonienne.

« Le Royaume-Uni a été pionnier dans l'usage des régulations pour promouvoir l'innovation, à travers des initiatives comme Open Banking (une initiative qui permet aux consommateurs de partager leurs données financières en toute sécurité avec les prestataires de services fintech, ndlr), Instant Payment (qui a permis dès 2008 aux clients des banques d'effectuer des paiements électroniques en temps réel, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ndlr) et la Regulatory Sandbox de la FCA (un programme de réglementation lancé par le régulateur britannique en 2016 pour encourager l'innovation dans le secteur des services financiers, ndlr). D'autres pays se sont depuis inspirés de cette approche, mais le Royaume-Uni répond en préparant la prochaine vague d'innovation avec des initiatives autour de l'open finance, l'identité numérique et une monnaie numérique de banque centrale. »

Une communauté aussi soudée que dynamique

Fruit de ce cadre favorable, Londres dispose d'un solide écosystème, qui ne s'est pas envolé avec le Brexit. « La communauté d'entrepreneurs est à la fois nombreuse et soudée, beaucoup d'accélérateurs sont là pour aider les jeunes pousses en phase d'amorçage, on compte également nombre de fonds d'investissement qui aident à passer à l'échelle... C'est un écosystème où l'on se sent en permanence aidé et où l'on peut facilement recevoir des conseils d'entrepreneurs plus expérimentés », affirme pour sa part Julia Salasky, créatrice et directrice générale de Legl, une jeune pousse locale qui aide les cabinets d'avocats à accomplir leur transformation numérique.

Parmi ces épicentres du milieu technologique londonien, citons notamment Level39. Cet espace de travail collaboratif et communauté d'entrepreneurs est installé au milieu des gratte-ciel qui peuplent la presqu'île de Canary Wharf, ancien quartier des docks entièrement rénové. Il est devenu l'une des places fortes de l'industrie financière locale. Depuis le 39e étage du bâtiment, les quelque 180 jeunes pousses hébergées sur place ont une vue panoramique sur la ville. La néobanque Revolut et la plateforme de courtage eToro y ont fait leurs armes.

« Lancé en 2013 pour accueillir les jeunes pousses des fintechs, l'espace s'est depuis diversifié pour accueillir des entreprises de la cybersécurité, de l'intelligence artificielle, de l'économie verte et des biotechnologies. En plus d'un lieu où travailler, ces sociétés trouvent chez nous de nombreuses opportunités d'échanger avec d'autres membres de l'écosystème et de rencontrer les bonnes personnes », souligne Anna Gilmer, responsable du marketing chez Level39.

Le plus grand laboratoire commercial d'Europe étant actuellement en construction à proximité, la zone est désormais en passe de devenir un havre pour les jeunes pousses du biomédical et de la santé connectée.

L'histoire de Level39 constitue un microcosme du secteur londonien des nouvelles technologies dans son ensemble. Héritage de la City et du statut de Londres comme place financière internationale, les fintechs ont été l'un des premiers secteurs de la tech à se développer à Londres. Depuis, l'écosystème s'est largement diversifié, selon Russ Shaw, fondateur de London Tech Advocates, un réseau local d'acteurs des nouvelles technologies.

Un écosystème solidement positionné sur l'intelligence artificielle

« On compte de plus en plus de jeunes pousses dans la santé connectée, les biotechnologies, la cybersécurité, l'informatique quantique, et bien sûr, l'intelligence artificielle. » Sur ce dernier point, l'écosystème britannique peut compter sur certaines des meilleures universités au monde, avec des formations de pointe dans ce domaine. L'University College London (UCL) compte ainsi un département d'intelligence artificielle et un département de robotique qui comptent tous deux parmi les meilleurs de la planète. L'Université d'Oxford est, elle aussi, en pointe sur l'intelligence artificielle.

Rappelons que la jeune pousse Deepmind, rachetée par Google, qui a permis au groupe californien de réaliser la prouesse AlphaGo et est aujourd'hui l'une des sociétés les plus avancées au monde sur l'intelligence artificielle, a été fondée à Londres par des diplômés de l'UCL. Le gouvernement britannique, bien conscient de cet atout, s'est doté d'une stratégie nationale autour de cette technologie, qui vise à faire du pays l'un des poids lourds mondiaux du domaine sur la prochaine décennie.

L'intelligence artificielle générative, dans laquelle tout le monde veut investir suite à la déferlante ChatGPT, constitue un autre point fort de la capitale, selon Russ Shaw.

« Londres compte de nombreuses jeunes pousses à la pointe de l'intelligence artificielle générative, parmi lesquelles Stability AI, un logiciel open source de génération d'images, Synthesia, qui permet de créer des présentations vidéo faites par des avatars, et Genei, un outil pour chercher et synthétiser l'information. »

Un écosystème en manque de talents

Le Brexit a en revanche affecté la tech londonienne sur un aspect bien précis : la possibilité de recruter des talents. « Nous avons vu de nombreux talents européens quitter le pays suite au Brexit, alors qu'on compte actuellement un million d'emplois vacants au Royaume-Uni, dont 150 000 dans la tech », déplore Russ Shaw. Certes, des mesures ont été mises en place par le gouvernement pour faciliter l'attribution de visas aux talents issus du monde entier, mais le Bureau de l'Intérieur ne dispose pas d'un personnel suffisant pour traiter l'abondance de requêtes dans des délais raisonnables.

En outre, Tech Nation, organisme qui aide notamment les talents des nouvelles technologies à obtenir un visa pour travailler au Royaume-Uni, vient d'être fermé par l'actuel gouvernement afin de faire des économies, ce qui n'est pas pour rassurer les acteurs locaux des nouvelles technologies.

Les jeunes pousses les plus matures finissent souvent par traverser l'Atlantique

L'autre faiblesse de la capitale britannique, qu'elle partage avec les autres écosystèmes européens, réside dans le manque d'investisseurs susceptibles de permettre aux jeunes pousses à un stade avancé de réaliser d'importantes levées de fonds. De même, les startups qui décident de se lancer en bourse tendent pour la plupart à partir aux États-Unis, faute de pouvoir le faire sur place.

Le fleuron britannique des semiconducteurs ARM a ainsi annoncé début mars sa volonté d'entrer en bourse... à New York. Un camouflet pour la bourse londonienne, qui illustre l'impuissance de la capitale britannique à offrir un débouché aux jeunes pousses les plus avancées.

« Pour les startups matures, qui ont besoin de lever de grosses sommes, voire d'effectuer une introduction en bourse ou de recourir à une SPAC, s'implanter aux États-Unis est souvent vu comme l'option la plus attractive. Cela devrait toutefois changer avec les récentes réformes de Lord Hill », constate Gavin Poole.

Jeremy Hunt, le chancelier de l'Échiquier, vient également de promettre pour cet automne de futures réformes visant à doper les investissements et à assouplir les règles pour réaliser une entrée en bourse afin d'inciter les jeunes pousses britanniques gagnées par l'appel du large à opter plutôt pour la bourse de Londres. Mais comme l'illustrent les difficultés similaires que connaissent les autres écosystèmes européennes, l'attractivité de la bourse de New York sera difficile à battre.

Commentaire 1
à écrit le 07/04/2023 à 15:52
Signaler
MALGRÉ LE BREXIT 🤣🤣🤣🤣 C'est tellement drôle cette histerie pro européen, pro tout d'ailleurs, bonne chance avec la tempête qui va arriver de l'est ! Échec total de L'OTAN (complètement bidon) échec du dollars, échec de l'industrie...... Le BREXIT c'e...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.