Prime : l'Italie inflige 1,1 milliard d'euros d'amende à Amazon pour pratiques anticoncurrentielles

Le régulateur italien inflige à Amazon une forte amende pour ses pratiques anti-concurrentielles. Au centre du débat se trouve Prime, le service premium du géant de l'e-commerce. D'après l'autorité italienne, le géant de l'e-commerce n'accorderait ce label qu'aux vendeurs clients de son offre de prise en charge de la logistique, "Fulfillment par Amazon". Autrement dit, Amazon contraindrait les vendeurs à payer pour son service de logistique s'ils veulent apparaître en bonne place sur sa plateforme de vente.
François Manens
L'Italie inflige une amende de 1,3 milliard de dollars à Amazon. Elle pourrait être imitée prochainement par l'Union européenne.
L'Italie inflige une amende de 1,3 milliard de dollars à Amazon. Elle pourrait être imitée prochainement par l'Union européenne. (Crédits : Remo Casilli)

Cette fois, le couperet est tombé. Le régulateur de la concurrence italien a infligé ce jeudi 9 décembre une amende de 1,1 milliard d'euros (très exactement 1.128.596.156,33 euros) à Amazon, un montant record en Europe. Le géant de l'e-commerce est sanctionné pour abus de position dominante sur son marché.

Plus précisément, le régulateur accuse Amazon d'accorder des privilèges sur sa plateforme aux vendeurs qui opteraient pour son service de logistique "Fulfillment by Amazon" (FBA, ou "expédié par Amazon" en français) au lieu de celui d'un concurrent. Ce service inclus la prise la réception du produit, son emballage, son expédition, et même le service client.

Problème: les abonnés à FBA auraient un accès exclusif au label Prime, qui rend leurs produits plus visibles sur le site d'Amazon, et augmente ainsi nettement leurs ventes. "Amazon empêche les vendeurs tiers d'associer le label Prime à des offres qui ne passent pas par FBA", a déclaré le régulateur.

L'entreprise, en réponse, a qualifié la sanction d'"injustifiée" et "disproportionnée", et elle va la contester. Elle estime que le FBA est un service "entièrement optionnel", que "n'utilise pas la vaste majorité des vendeurs tiers de la plateforme".

L'Italie bientôt imitée par l'Union européenne ?

Cette situation anti-concurrentielle touche plusieurs pans de la chaîne de valeur :

  • Les vendeurs, forcés d'opter pour le FBA afin d'avoir de bonnes ventes sur la plateforme.
  • Les opérateurs logistiques concurrents d'Amazon, qui rencontrent des difficultés à convaincre leurs clients de se passer du label Prime.
  • Les plateformes concurrentes du géant américain puisqu'avec le service FBA, les vendeurs sont incités à proposer la majorité, voire la totalité de leur offre sur Amazon.

Pour justifier le montant élevé de l'amende, le régulateur a pris cette situation en compte, ainsi que la durée de la pratique jugée anticoncurrentielle, les effets déjà visibles, ou encore la taille de l'entreprise américaine.

Dans sa décision, l'autorité des marchés italienne a pu s'appuyer sur la Commission européenne, qui a deux enquêtes en cours sur le géant de l'e-commerce. La première, ouverte en juillet 2019, porte sur l'utilisation des données des vendeurs tiers de sa plateforme à ses propres fins économiques. La seconde, annoncée en novembre 2020, fait écho au cas italien. Le régulateur européen enquête sur des soupçons de traitements préférentiels qu'Amazon aurait envers ses propres vendeurs et envers les vendeurs tiers qui utilisent ses offres de logistique et de livraison.

Prime, l'offre imbattable dans le viseur des régulateurs

Pour 5,99 euros par an ou 49 euros par mois, Prime donne accès à une pléthore de services : la livraison gratuite sur une large sélection de produits étiquetés Prime ; une plateforme de SVOD concurrente de Netflix ; une plateforme de streaming musical similaire à Spotify; mais aussi, des jeux vidéo, des livres et des avant-premières sur des opérations de promotion.

Cette offre imbattable a conquis plus de 200 millions d'abonnés dans le monde, dont 7 millions en Italie. Ces clients font partie des plus dépensiers sur la plateforme, d'où l'intérêt pour les vendeurs tiers de récupérer la labellisation Prime et la mention "expédié par Amazon".

15 milliards de pertes volontaires, selon une ONG américaine

En France par exemple, Amazon absorbe plus de 20% de l'e-commerce: autant dire qu'avoir une place de choix sur la plateforme permet d'envisager de bons chiffres de vente. Et ce n'est pas tout : les vendeurs étiquetés Prime profitent aussi d'une mise en avant spécifique sur le site lors des grandes opérations de soldes comme le Black Friday ou le Prime Day.

Le mois dernier, l'Institute for Local Self-Reliance (ILSR), une ONG américaine très écoutée des régulateurs, a publié une enquête très détaillée sur les pratiques d'Amazon.

Elle affirme que le géant de l'e-commerce perd volontairement, selon ses estimations, 15 milliards de dollars sur son programme Prime, afin de proposer une offre imbattable, et concentrer l'attention des acheteurs. Amazon compenserait ces pertes par ses marges sur les ventes des vendeurs tiers, qui lui rapporteraient 24 milliards de dollars. Bref : les régulateurs sont loin d'en avoir fini avec le cas Amazon.

| Lire aussi: Comment Amazon torpille le e-commerce mondial

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 10/12/2021 à 14:20
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Applaudissements Apparemment l'Italie, qui fait moins de cinoche que la France, est aussi efficace, voir plus.

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