Le règne incontesté de Google dans la recherche ligne est-il aujourd'hui bousculé ? D'après le New York Times, le constructeur de smartphone Samsung songerait à choisir Bing comme moteur de recherche par défaut sur ses appareils, ce qui mettrait fin à 12 années de contrats annuels avec Google. Les négociations sont encore en cours, mais le simple fait qu'une autre option soit considérée a déclenché la panique en interne, d'après le Times.
A l'ouverture des marchés ce lundi, le cours d'Alphabet (la maison-mère de Google) a chuté de 3,5%. Et pour cause : l'entreprise est comme rarement remise en cause sur le marché de la recherche en ligne, qui lui a rapporté plus de 162 milliards de dollars en 2022, soit plus de 57% de son chiffre d'affaires annuel.
3 milliards de dollars annuels en jeu
Le seul contrat avec Samsung rapporterait un chiffre d'affaires annuel estimé à plus de 3 milliards de dollars à Google. Et pour cause : environ un smartphone sur cinq dans le monde est un Samsung, ce qui correspond à plus d'un milliard d'appareils où le moteur de recherche de Google est installé par défaut. Certes, le système Android installé sur les Samsung laisse aux utilisateurs la possibilité de changer le réglage par défaut, mais Google prendrait un risque de perdre de nombreux utilisateurs.
Le géant de la tech connaît donc une première turbulence, qui pourrait n'être que le début : plus tard dans l'année, il va devoir renégocier son contrat avec Apple (et ses iPhone) qui lui rapporte un pactole estimé à plus de 20 milliards de dollars par an. Toutefois, comme le souligne le Times, les constructeurs pourraient simplement décider de renouer leurs contrats avec Google. Mais la simple considération de Bing démontre qu'il apparaît enfin comme une alternative crédible. En 2022, le moteur de recherche de Microsoft n'attirait qu'environ 3% du volume de recherche en ligne mondial, là où Google s'en accapare plus de 90%.
Bing a remporté la première bataille
La guerre entre Microsoft et Google a commencé dès l'an dernier. Le succès retentissant du déploiement de ChatGPT fin novembre a déclenché une alerte « code rouge » au sein de Google. Deux semaines plus tard, l'entreprise lançait une nouvelle division de recherche en intelligence artificielle.
Mais l'offensive de Microsoft sur le marché des moteurs de recherche n'a pris forme qu'en février, lorsqu'il a intégré en grande fanfare un chatbot, nommé Bing Chat, à son moteur de recherche. Ce nouveau module a connu des débuts difficiles : les utilisateurs ont questionné sa pertinence, pointé du doigt ses réponses erronées, et forcé Microsoft à déployer plusieurs mises à jour pour réduire, par exemple, la longueur des conversations avec le bot. Malgré ces premiers pas balbutiants, l'entreprise a tout de même réussi à relancer l'intérêt pour Bing.
En face, Google a raté sa première contre-offensive : la présentation de Bard, son équivalent de ChatGPT, a tourné au fiasco, au point de faire perdre au groupe plus de 100 milliards de dollars de valorisation en bourse le lendemain. En cause, la démonstration initiale avait été très critiquée à cause d'une erreur factuelle dans la réponse du chatbot... Deux mois après sa présentation, Bard n'est toujours pas accessible au grand public.
« Magi », la réponse de Google
Google doit donc encore prouver qu'il peut répondre à l'offensive le cœur de son business. D'après les documents internes observés par le New York Times, le groupe travaillerait sur rien de moins qu'un tout nouveau moteur de recherche, équipé de nombreux modules d'intelligence artificielle. Ce projet de long terme, pour l'instant sans calendrier de déploiement, est développé en interne sous le nom de code « Magi ». Il vise à personnaliser à l'extrême l'expérience de l'utilisateur, au point d'anticiper ses futurs besoins.
Pour autant, Google ne va pas attendre la finalisation de ce moteur de nouvelle génération pour consolider sa réponse à Bing, et les plus de 160 employés dédiés au projet Magi vont aussi préparer de nouvelles fonctionnalités pour le moteur de recherche actuel. Le New York Times cite notamment un générateur d'image par intelligence artificielle (IA) directement intégré à Google Image (nommé Gifi), et un chatbot pour assister dans les recherches, baptisé Searchalong. A noter : ces deux fonctionnalités sont d'ores et déjà déployées sur Bing.
Considéré comme un des géants de l'IA, Google a les ressources en interne pour répondre à l'offensive de Microsoft. Mais son modèle est bel et bien attaqué, et une autre question va rapidement se poser à lui : quelle place va-t-elle donner aux publicités dans ces nouveaux outils dopés à l'Intelligence artificielle ?
Sujets les + commentés