Hugo Travers, le nouveau visage de l’info

Star des réseaux sociaux, le youtubeur de 26 ans débarque sur France 2 avec une interview mensuelle. Portrait d’un hyperactif plébiscité par la génération Z.
Hugo Travers, le 7 octobre, sur le lieu de tournage de sa nouvelle émission, à Paris.
Hugo Travers, le 7 octobre, sur le lieu de tournage de sa nouvelle émission, à Paris. (Crédits : Marie Flament)

La campagne présidentielle n'en est qu'à ses prémices. Mais Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite et du centre, enchaîne déjà les interviews. L'une d'elles va aiguiser sa curiosité. Installé sur un canapé cosy, le député de l'Eure est questionné pendant une trentaine de minutes par un journaliste qui entend casser les codes. Un youtubeur de seulement 19 ans, habillé à la cool et pas franchement intimidé par ce face-à-face. Son pseudonyme : Hugo-Décrypte. « Il y avait une vraie fraîcheur dans son ton, son style, le décor et les mots », se souvient le ministre de l'Économie et des Finances, qui garde également en mémoire la « grande rigueur, le professionnalisme et l'écoute » de son interlocuteur. La vidéo plafonne à moins de 100 000 vues sur YouTube. Mais elle permet à Hugo Travers - son vrai nom - de se forger une crédibilité et de décrocher dans la foulée d'autres interviews de prétendants à l'Élysée. Sept ans après, sa carrière a explosé. Il est désormais suivi par 2,3 millions d'abonnés sur la plateforme. Son format « signature » : un JT survitaminé d'une dizaine de minutes dans lequel il résume quotidiennement l'actu en dépoussiérant les codes du genre. Sur TikTok, 5,4 millions d'ados et jeunes adultes s'informent grâce à lui, avec au total 200 millions de vues chaque mois ! N'en jetez plus... « Sa réussite ne m'étonne pas, il apporte énormément à la compréhension de l'actualité, surtout chez les plus jeunes », glisse Bruno Le Maire, admiratif de son parcours.

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Un phénomène qui n'a pas échappé aux dirigeants de France Télévisions. Soucieux de coller à l'air du temps, ils ont décidé de lui confier une émission mensuelle sur France 2, le samedi à 13 h 20. Dès le 28 octobre, le jeune homme proposera aux téléspectateurs de la chaîne publique son « interview face cachée ». Un concept lancé sur ses réseaux en 2022 où il tente de surprendre son invité avec des questions décalées. Après Bill Gates, Hugh Jackman ou encore Omar Sy, c'est Thomas Pesquet qui s'y frottera pour sa première diffusion cathodique. « Hugo incarne le lien entre nos deux mondes », résume Nicolas Daniel, directeur des magazines de France Télévisions.

Son format « signature » : un JT survitaminé de dix minutes qui dépoussière les codes du genre

Pour se faire tirer le portrait - exercice qu'il accepte immédiatement -, notre homme nous donne rendez-vous dans son « QG », une élégante brasserie parisienne au style Art déco située à deux pas de ses bureaux. Mais pas question de donner d'indications sur le quartier. Demande expresse de l'intéressé. « Je préfère que ça reste confidentiel, car il y a beaucoup d'abonnés qui essaient de savoir où l'on se trouve, se justifie-t-il. Même dans nos offres d'emploi, on reste discrets en indiquant que nos bureaux se situent dans le centre de Paris. » Sa célébrité serait-elle encombrante ? « Pas du tout, assure-t-il. C'est normal que l'on m'arrête dans la rue. Hugo-Décrypte est un média incarné, il y a ma tête sur la moitié des vidéos ! [Rires.] C'est plus pour mon entourage ou ma copine que ça peut être intrusif. » Toujours sérieux dans ses vidéos, il est pourtant d'une nature « joviale » que mentionnent ses proches. À commencer par Rémi Mardini, rencontré pendant ses années étudiantes et devenu l'un de ses meilleurs amis : « C'est un garçon extrêmement généreux qui met une bonne ambiance partout où il passe. En soirée, son truc, c'est d'inventer des jeux absurdes. La dernière fois, il nous a fait asseoir autour d'une table.

Quelqu'un faisait un bruit et l'on devait ensuite le reproduire à tour de rôle avec la bouche.

À la fin, on élisait le vainqueur. Ça ne vole pas haut mais ça le résume bien ! »

Autre qualité d'Hugo Travers fréquemment citée : son aisance sociale, fruit d'une éducation façonnée dans un environnement privilégié. « J'ai grandi à Sèvres, dans l'Ouest parisien. Le climat était très serein à la maison. Ma mère travaillait dans les ressources humaines et mon père dans le marketing. » Un papa de nationalité anglaise qui lui permettra d'acquérir le double passeport franco-britannique mais surtout une parfaite maîtrise de la langue de Shakespeare. « Quand j'étais gamin, il nous parlait en anglais et on lui répondait en français. » Involontairement, le père sera même à l'origine de la passion de son fiston pour les médias. « Il était bénévole dans une radio installée à l'hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt. Il y animait une émission pour les malades et le personnel. À 7 ans, j'allais avec lui dans le studio. Un super souvenir. »

La machine est lancée. À 10 ans, avec l'aide de son frère aîné, il fabrique sur Word un journal papier de deux pages baptisé Les Informations. « On faisait du porte-à-porte pour le vendre, se souvient-il. Quelques voisins nous l'achetaient car ils avaient pitié de nous. » Deux ans plus tard, c'est depuis sa chambre qu'il présente de faux journaux télévisés sous l'œil d'une caméra tenue là encore par son frangin. Puis Hugo Travers lance successivement un site consacré au sport - son autre passion -, une chaîne YouTube mettant à l'honneur les jeux vidéo puis un autre site baptisé Radio Londres. « Notre slogan était "L'info par les jeunes pour les jeunes". Avec des copains, on écrivait des articles sur l'actualité. Je me souviens du jour où j'ai vu sur Google Analytics que cent personnes étaient connectées en direct. J'étais comme un fou ! »

En 2015, le bac en poche, Hugo Travers file sur les bancs de Sciences-Po Paris. Une fois de plus, il ne perd pas de temps ! Trois mois seulement après son arrivée rue Saint-Guillaume, il lance sa chaîne YouTube HugoDécrypte. Les médias traditionnels lui font alors déjà les yeux doux. En 2017, il devient pendant quelques mois chroniqueur sur LCI. Présentateur à l'époque de la matinale le week-end sur la chaîne info, Sébastien Borgnat garde le souvenir d'un « garçon humble, avec la fibre journalistique et entrepreneuriale ».

Lancée dans son premier studio parisien de 13 mètres carrés, sa petite entreprise a depuis beaucoup grossi. Et c'est peu dire qu'elle ne connaît pas la crise. Vingt-quatre personnes y sont désormais salariées, dont une dizaine de journalistes titulaires de la carte de presse. Moyenne d'âge : 25 ans. Chiffre d'affaires : on ne le saura pas. « Je ne communique pas dessus », répond poliment Hugo Travers. « C'est un patron extrêmement visionnaire qui maîtrise toute la chaîne de production des contenus, confie Julien Potié, directeur du développement et des productions de la société, qu'il a rejointe en 2021. Et même si l'équipe s'est agrandie, il est resté très disponible. »

Après avoir décroché les invités les plus prestigieux - dont Emmanuel Macron le mois dernier -, Hugo Travers ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Il ambitionne de réaliser de nouveaux documentaires, comme il l'a fait il y a quelques mois en Ukraine. Tout en ayant conscience des dangers d'une présence numérique trop intense. « Le burnout des créateurs de contenus est un vrai sujet, reconnaît-il. J'essaie d'être vigilant. Mais c'est très dur de se fixer des limites et de refuser des projets. J'en ai rêvé pendant tellement d'années ! »

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Commentaire 1
à écrit le 22/10/2023 à 9:27
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Bref ! Il a réussi à se vendre, bonne chance à lui, il deviendra comme les autres ! ;-)

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