Streaming et contenus : la Fast TV s’installe, l’intelligence artificielle fait débat

Le marché de la télévision et du streaming vaudra 700 milliards de dollars à la fin de l’année 2023, selon les chiffres de l’Institut britannique Omdia. La Fast TV, écosystème des chaînes de streaming gratuites via le Web ou la télévision connectée, installe son modèle tandis que l’IA suscite le débat. Au MipCom de Cannes, les professionnels de la télévision et du streaming imaginent les contenus et les usages de demain.
Partenaire technologique de producteurs et de distributeurs de contenus tels que le groupe français Banijay pour le déploiement de leur chaînes Fast (À prendre ou à laisser, Fear factor, Love Quest), Amagi a dévoilé au MipCom de Cannes quelques chiffres de son rapport trimestriel consacré au marché de la Fast TV. Avec l'Europe, l'Asie Pacifique connaît une très forte croissance des visionnages en 2023.
Partenaire technologique de producteurs et de distributeurs de contenus tels que le groupe français Banijay pour le déploiement de leur chaînes Fast (À prendre ou à laisser, Fear factor, Love Quest), Amagi a dévoilé au MipCom de Cannes quelques chiffres de son rapport trimestriel consacré au marché de la Fast TV. Avec l'Europe, l'Asie Pacifique connaît une très forte croissance des visionnages en 2023. (Crédits : La Tribune)

Événement annuel qui a réuni du 16 au 19 octobre le secteur audiovisuel mondial, le MipCom a accueilli les discussions autour de deux évolutions technologiques qui agitent le secteur.

Les entreprises en pointe sur la Fast TV (Free Ad-supported Streaming TV), terme qualifiant ces chaînes de streaming gratuit accessibles via le web ou via les TV connectées et financées par la publicité, poursuivent leurs investissements sur ce segment en croissance. Mais l'écosystème, porté en Europe par des plateformes telles que Pluto TV (Paramount), Rakuten ou Samsung TV Plus, cherche encore sa place, coincé entre les offres des chaînes linéaires, l'AVoD (streaming gratuit avec publicité de type MyTF1) et le streaming sur abonnement.

Le Mip Lab, qui accueille les conférences liées aux nouvelles technologies, s'est aussi intéressé à la fine fleur de l'intelligence artificielle. A l'heure de ChatGPT et après la grève des scénaristes aux États-Unis, elle se cherche des débouchés auprès des professionnels.

Chaînes de marque à forte notoriété : de Top Gear au Village français

 « La montée en puissance des Fast TV se caractérise par la multiplication du nombre de chaînes sur des plateformes telles que Pluto TV ou celles des fabricants d'appareils numériques comme LG, Samsung ou Roku » indique Tim Wescott, analyste chez Omdia à Londres. « Les téléviseurs connectés portent d'ailleurs la dynamique de la Fast TV. Ce marché, déjà mature aux États-Unis, se développe dans le reste du monde. Pour les distributeurs de contenus, il constitue une nouvelle source de revenus. »

Alors que le modèle de l'AVoD est fondé sur un partage de revenus à 50/50, que celui de YouTube dépend du volume et du nombre de vues générées, la Fast TV est orientée sur un ratio 30/70 en faveur des ayants-droits.

Ce marché à 8 milliards de dollars en 2023 (17 milliards en 2029 selon Digital TV Research pour les séries TV et les films), est investi par de plus en plus de détenteurs de contenus et de distributeurs. Les chaînes disponibles en Fast sont des marques issues de la TV linéaire ou de plateformes comme YouTube et constituées autour d'une seule propriété.

Au MipCom, plusieurs acteurs internationaux comme Webedia, ITV Studios, ZDF ou BBC Studios ont annoncé le lancement en France et en Europe de nouvelles chaînes. Outre Pop Corn, tiré du talk-show diffusé sur Twitch, et Épicurieux, le média social incarné par l'animateur Jamy Gourmaud, Samsung TV Plus, la plateforme de contenus du constructeur va aussi accueillir la chaîne du feuilleton Un village français. Celle-ci sera aussi reprise sur Pluto TV, filiale de Paramount qui annonce en parallèle l'arrivée de la chaine Top Gear, l'émission culte automobile de la BBC. Sorte de second marché, la Fast réorganise des contenus en quête d'une nouvelle audience.

La Fast TV dépasse la VoD aux États-Unis

Déjà mature et enclin à investir dans des « originals » et du sport en live, le principal marché de la Fast sont les États-Unis (56% des revenus mondiaux en 2023, 85% avec le Canada). Ce type d'offre dépasse même la VoD classique. C'est le segment en plus forte croissance selon Kantar, avec 47 % des foyers utilisant un service Fast chaque semaine. Hors Amérique du Nord, le Royaume-Uni et l'Allemagne tiennent la corde. En 2029, le marché US ne comptera plus que pour 38% de revenus publicitaires de la Fast TV évalue Digital TV Research.

 « L'économie de la télévision est profitable, celle du streaming représente encore un investissement mais les différents modèles de distribution sont complémentaires » a estimé Bob Bakish, PDG de Paramount, lors de son intervention au MipCom.

Dans une industrie où les dépenses mondiales pour les programmes des chaînes de télévision et des plateformes de streaming, hors sport, vont stagner à 164 milliards de dollars en 2023 selon Omdia. (+ 1% seulement de hausse sur un an), le groupes de média ainsi que les producteurs et distributeurs indépendants jouent le pragmatisme : la monétisation des contenus passe par tous les modèles de distribution, du linéaire au streaming à 100%.

FAST4EU : alliance avec le rennais Broadpeak

« Les Fast channels vont devenir le Next Big Thing » veulent croire les opérateurs techniques de ces chaînes qui veulent répondre à l'évolution des usages.

Convaincue de la pertinence de ce mode de distribution, Okast, spécialiste du live streaming opère plus de 500 plateformes OTT et chaînes premium (MyZen TV, Museum, Melody, Endemol). La société s'est alliée à l'entreprise technologique rennaise Broadpeak pour proposer une solution innovante en termes de monétisation des inventaires, d'engagement de l'audience et de distribution.

Cette initiative s'inscrit dans la stratégie du consortium européen FAST4EU, créé par OKAST, pour le développement d'un écosystème européen. « Au-delà des États-Unis, la Fast doit encore surmonter trois défis, la découvrabilité, la qualité et la régulation » explique Cédric Monnier. Le patron d'Okast n'était pas, à Cannes, le seul représentant des entreprises et startups technologiques.  L'opération séduction a aussi concerné le segment de l'intelligence artificielle.

IA : garder les talents humains mais rendre les créateurs plus efficaces

L'IA est déjà l'héroïne de séries comme Westworld (Prime Video), Black Mirror (Netflix) ou Concordia (prochainement sur France Télévisions), mais le marché, créateurs et  auteurs compris, s'interrogent sur cette avancée. Quand certains y voient une aide à la narration des histoires, d'autres craignent un impact sur les emplois.

« L'IA n'est pourtant pas un concept nouveau pour l'audiovisuel », a rappelé la directrice de l'innovation de France Télévisions, Kati Bremme, lors des conférences du Mip Lab. « Après la révolution de la distribution sur les réseaux sociaux, c'est la création qui en connaît une nouvelle. À partir de quelques lignes de texte, n'importe qui peut créer des images ou des scénarii de film » souligne-t-elle.

Outil d'accompagnement des créateurs, c'est ainsi que la jeune pousse française Aive présente son service d'édition et de montage. Sa solution adapte automatiquement des vidéos aux réseaux sociaux et en compile leurs meilleurs moments. « Elle permet de transformer un format long de 90 minutes en vidéos courtes et en résumé pour TikTok ou Instagram, dans tous les formats, tous les codecs » précise son cofondateur Olivier Reynaud.

L'IA n'a « pas vocation à remplacer les gens mais à les rendre plus efficaces » renchérit pour sa part Anshul Kapoor, en charge des solutions média chez Google Cloud, qui travaille avec Fox Sports dans l'archivage de contenus.

Animaj : réduire les coûts à qualité constante

Utilisée par certains groupes comme un support pour les productions, notamment en matière de marketing, l'IA s'invite aussi dans le secteur du doublage pour sous-titrer des contenus contraints par un budget limité. À Cannes, la solution de création de vidéos incarnée par des avatars à partir d'un texte et développé par l'entreprise américaine HeyGen a suscité l'intérêt.

Dans un contexte de hausse de la demande en contenus mais de baisse des revenus publicitaires, une société comme Animaj en France investit quant à elle dans l'IA pour diviser de 50% les coût d'une production à qualité constante.

Cette jeune pousse née en 2022 produit et diffuse sur toutes les plateformes, y compris YouTube et les réseaux sociaux, des contenus pour enfants tirés de propriétés connues comme la série d'animation Pocoyo.

« Nous utilisons le digital comme laboratoire en termes de data et d'IA afin de développer nos propres outils » précise Sixte de Vauplane, CEO d'Animaj qui a levé 100 millions d'euros en dette et equity auprès d'investisseurs tel que Left Lane Capital, XAnge et Daphni. « L'IA peut nous aider à sortir de l'impasse créative qui fait rimer chaines YouTube avec animation au rabais. Son utilisation sert le narratif et permet de trouver un modèle économique. »

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Commentaire 1
à écrit le 24/10/2023 à 8:13
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Ah ça y est on ne peut plus parler librement des chiens de garde il va encore falloir faire des détours sémantiques respectueux pour des gens qui nous veulent du mal pourtant même s'ils ne le voient pas, ne le pensent pas car ne pensent pas tout simp...

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