Après Netflix et Warner Bros Discovery (HBO) en 2022, c'est au tour de Disney de subir les conséquences de la fin de l'âge d'or du streaming vidéo. Mercredi 9 août au soir, le groupe dirigé par Bob Iger a de nouveau annoncé des résultats financiers décevants. Pour le troisième trimestre consécutif, Disney+, son service de vidéo à la demande sur abonnement (SVoD), a perdu des abonnés : cette fois, 10 millions d'abonnés sont partis au deuxième trimestre 2023.
Avec 146,7 millions d'abonnés au global, Disney+ est toujours numéro trois mondial derrière Netflix (238,4 millions) et Amazon Prime (environ 200 millions). Mais le service est bel et bien confronté à une panne de croissance. Et c'est d'autant plus inquiétant que l'activité SVoD reste déficitaire pour le groupe, même si elle a continué à réduire ses pertes opérationnelles sur le trimestre, à 512 millions de dollars au lieu d'1 milliard l'année dernière à la même période. « C'est encourageant, a commenté Paul Verna d'Insider Intelligence, mais c'est principalement dû aux licenciements massifs et à la baisse des dépenses dans les contenus, plutôt qu'à de la croissance réelle ».
Déconvenues en Inde... mais aussi aux Etats-Unis
Le groupe tente de relativiser en insistant sur le fait que l'essentiel de cette perte d'abonnés vient de l'Inde. Le marché indien pèse en effet près d'un tiers du nombre total d'abonnés dans le monde, mais Holstar, la déclinaison locale de Disney+, a perdu les droits de retransmission du championnat indien de cricket, ce qui impacte fortement le recrutement et la rétention des abonnés dans ce marché crucial.
Mais ce serait oublier que Disney+ a perdu 18 millions d'abonnés depuis son pic de septembre 2022 à 164,2 millions d'abonnés. Surtout, la fuite atteint aussi les Etats-Unis. Disney+ y a perdu 1,4 million d'abonnés au deuxième trimestre 2023, après les 1,6 million du trimestre précédent.
Autrement dit, l'Inde pourrait être l'arbre qui cache la forêt, et le marché se demande si Disney+ n'a pas atteint un plafond, y compris aux Etats-Unis. Ce serait une déception car le service ambitionnait de rivaliser avec Netflix, mais le leader mondial plafonne bien plus haut.
Copie du remède Netflix : augmentation des prix, publicités et lutte contre le partage des comptes
Pour retrouver le chemin de la croissance et renforcer ses revenus, Disney+ fait donc en 2023 ce que Netflix a fait en 2022 et qui lui a permis de rebondir. Encore une fois, ce sont les consommateurs qui trinquent. Le groupe a annoncé l'augmentation générale des tarifs dès le 1er novembre, aux Etats-Unis comme ailleurs, y compris en France.
A la place d'une offre unique à 8,99 euros par mois en France, Disney+ va créer trois offres : « Standard avec pub », à 5,99 euros par mois, pour deux écrans simultanés mais avec des publicités. Le forfait actuel « Standard », à 8,99 euros par mois sans pub, est conservé au même tarif... mais amputé de quelques prestations : seulement 2 écrans simultanés et une qualité vidéo réduite par rapport à la nouvelle offre « Premium », facturée 11,99 euros par mois, qui reprend en fait l'offre « Standard » actuelle... mais pour trois euros de plus.
Attention, Disney+ basculera dès le 1er novembre tous les abonnés à l'offre « Standard » actuelle sur l'offre « Premium ». Pour conserver le prix de 8,99 euros par mois, il faudra non seulement que le consommateur accepte la diminution des prestations mais, surtout, il faudra faire la démarche soi-même d'aller dans les paramètres du compte pour choisir de rester sur l'offre Standard. Cette manœuvre peu élégante, qui vise à pousser les utilisateurs à payer trois euros plus cher pour la même offre en misant sur le fait qu'une partie oubliera d'effectuer les modifications, devrait permettre à Disney+ d'améliorer nettement son revenu par abonné.
Comme Netflix, Disney+ va aussi faire la chasse au partage des comptes. Bob Iger a déclaré que l'entreprise « explore activement les moyens d'adresser le partage de compte », cette pratique qui consiste à partager ses identifiants avec d'autres membres extérieurs au foyer qui profitent ainsi du service gratuitement. Tolérée jusqu'à présent car considérée comme un moyen de promouvoir les contenus, le partage de compte a été interdit par Netflix en fin d'année dernière, car elle concernait 100 millions d'utilisateurs. Cette décision lui a permis de convertir plusieurs millions de ces utilisateurs en abonnés payants, et de retrouver une forte croissance en 2023. De son côté, Bob Iger a refusé de révéler le nombre d'utilisateurs « gratuits », mais il affirme qu'il est « important » et que l'entreprise dispose des capacités techniques pour empêcher le partage de compte en 2024.
Le rachat intégral d'Hulu semble se rapprocher
Bob Iger a également révélé des augmentations de prix pour Hulu, un service de SvoD très populaire aux Etats-Unis avec 44 millions d'abonnés payants. Lancé en 2007, très bien installé dans le paysage et réputé pour son offre de séries pour adultes -que Disney+ intègre aujourd'hui partiellement à l'international sous la marque Star-, Hulu est détenu aux deux tiers par Disney et à 33% par Comcast, la maison-mère du rival Universal. Surtout, Hulu est, avec Netflix, le seul autre service de streaming rentable. Son secret : sa plateforme publicitaire performante, sur laquelle le reste du marché s'est basée au moment de lancer les offres avec publicités.
Depuis l'an dernier, le suspense autour de l'avenir d'Hulu est à son comble : qui de Disney ou de Comcast rachètera, lors de l'expiration de leur deal en 2024, les parts de l'autre pour en devenir le seul propriétaire ? Alors que les deux actionnaires ont manifesté leur intérêt, Disney semble le candidat logique, puisqu'il détient déjà 66% des parts. En 2022, Disney avait estimé la valorisation des parts de Comcast dans Hulu à 27,5 milliards de dollars, et donc celle de Disney à 55 milliards de dollars pour Comcast. Une somme conséquente à sortir pour les deux géants.
L'annonce, ce mercredi, de la création d'une offre groupée Disney+/Hulu aux Etats-Unis, pour 19,99 dollars par mois, indique par ricochet que Disney va bel et bien se positionner pour racheter les parts de Comcast. L'objectif pour Disney : profiter des programmes d'Hulu et de son expertise publicitaire, domaine dans lequel il est clairement à la traîne.
A terme, il est possible d'imaginer que Disney intégrera totalement Hulu dans Disney+ au prix de 19,99 dollars, ce qui lui permettra de mieux rivaliser avec Netflix, Amazon Prime et Max (le service de Warner Bros Discovery) en terme de catalogue, tout en dégageant davantage de revenus liés aux abonnements et aux publicités. Par ricochet, si Disney+/Hulu valent 19,99 dollars par mois, la concurrence devrait se mettre au diapason. Cela signifie que 20 dollars/euros par mois pourrait être le nouveau standard tarifaire dans quelques années pour les « gros » services comme Netflix, Disney+ et Max.
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