Streaming vidéo gratuit : les FAST channels ou la révolution lente

Le marché de la FAST TV, ces chaînes gratuites en streaming financées par la publicité, a le vent en poupe. Très développé aux Etats-Unis, il devrait voir ses recettes doubler à 12 milliards de dollars en 2027. La France figure dans le futur top 10, mais le marché national reste bloqué par le poids des opérateurs. Du côté des investissements publicitaires, le potentiel de ce marché naissant pourrait se trouver limité par l’insolente attractivité des vidéos sociales sur TikTok.
La société britannique Omdia estime qu'en 2027 le chiffre d'affaires global de la FAST TV va doubler pour atteindre 10,8 milliards d'euros, dont plus de 80% issus de marché américain.
La société britannique Omdia estime qu'en 2027 le chiffre d'affaires global de la FAST TV va doubler pour atteindre 10,8 milliards d'euros, dont plus de 80% issus de marché américain. (Crédits : La Tribune)

Le 10 mai prochain, Rakuten TV, la plateforme de streaming multi-modèle (VOD transactionnelle, VOD avec publicité, FAST channels) lancera en France, Crime, une nouvelle chaîne FAST qui se déploie sur le créneau porteur de la série. Annoncé le 18 avril au Mip TV, le marché de la télévision de Cannes, à l'occasion d'un sommet dédié à ces chaînes gratuites proposées en streaming et financées par la publicité, ce service proposera des titres de catalogue (pas d'exclusivité), français ou étrangers (Un flicAlerte Cobra 11 ou encore Boss). Également déployé en Italie, Crime rejoint le bouquet de 100 chaînes FAST (cinéma, documentaire, sport) éditées par Rakuten TV en Europe, parmi les 500 que la plateforme distribue.

Entre 350 et 540 chaînes FAST en France

Outsider européen du streaming, à côté des services mondiaux tels que Pluto TV (Paramount) et Samsung TV Plus, l'offre de FAST TV déployée par Samsung sur ses téléviseurs connectés, Rakuten TV a fondé sa stratégie de développement sur la signature d'accord avec les fabricants. Comme Netflix, la plateforme possède un bouton à son nom sur les télécommandes de la plupart des Smart TV.

« Un cercle vertueux s'est enclenché, mais le marché est assez récent et nécessite un travail d'éducation des utilisateurs, notamment en France où les opérateurs dominent le marché TV » a estimé à Cannes Cédric Dufour, président de Rakuten TV, qui touche 40 millions de foyers dans 40 territoires.

Recensées sur les huit principales plateformes d'agrégation, de 6Play 24/24, à Mango en passant par MyTF1 Stream, la France compte, selon les sources, 350 à 540 chaînes FAST, majoritairement distribuées en OTT et sur les TV connectées Samsung et LG.

Beaucoup sont constituées sur une marque unique, telles les chaînes Un gars-une fille ou MacGyver sur Pluto TV.

Près d'un milliard d'euros de revenus en Europe en 2027

Alors que le décollage de la FAST TV s'est accéléré ces 18 derniers mois aux États-Unis, marché mature qui recense plus de 1.600 chaînes, la percée est en effet plus lente dans les autres pays.

La société d'études britannique Omdia établit qu'en 2023, hors États-Unis, ce marché global de 5,7 milliards d'euros est porté par trois pays : le Royaume-Uni, avec des recettes de 205 millions de dollars (184 millions d'euros), le Canada à 173 millions de dollars (155 millions d'euros) et l'Allemagne.

« Hors États-Unis, la percée de la FAST TV est attendue dans les cinq ans qui viennent. Elle sera forte mais d'une envergure moindre » a prévenu Maria Rua Aguete, à Cannes, rappelant qu'entre 2019 et 2022, le marché a quand même été multiplié par près de 20.

La directrice de recherche senior, Media & Entertainment, chez Omdia estime qu'en 2027 le chiffre d'affaires global de la FAST TV va doubler pour atteindre 12 milliards de dollars (10,8 milliards d'euros).

« Près de 10 milliards de dollars (9,12 milliards d'euros) proviendront des États-Unis et 1 milliard de dollars (900.000 euros) du marché européen »

Le marché français figurera dans le top 10 des pays où les revenus tirés de la FAST TV, devraient croître le plus rapidement d'ici à 2027. Mais il se positionnera en fin de peloton.

Selon les projections d'Omdia, la France se classerait en huitième position derrière le Mexique, avec un revenu à plus de 60 millions de dollars (54 millions d'euros).

La croissance attendue va surtout profiter au Royaume-Uni avec un revenu de 506 millions de dollars en 2027 (461 millions d'euros) et cinq fois plus d'utilisateurs sous trois ans.

Créditée de plus de 300 millions de dollars de recettes (461 millions d'euros), l'Australie fera jeu égal avec le Canada tandis que l'Allemagne, premier pays de l'Union européenne, se positionnera devant le Brésil, l'Italie et le Mexique, avec 213 millions de dollars (194 millions d'euros) de revenus.

Entre fonds de catalogues et contenus exclusifs

Si la FAST TV combine les avantages de la télévision gratuite et du streaming, la condition nécessaire pour faire avancer son attractivité seront les contenus et leur qualité.

« La priorité est donnée au contenu plus qu'à la quantité » analyse Olivier Jollet, vice-président exécutif et DG international de Pluto TV. « Pionnier de la FAST TV, lancé en 2014 aux États-Unis (en 2021 en France), Pluto TV touche 79 millions d'utilisateurs dans 35 pays en adaptant ses contenus (plus de 100 chaînes) à la demande locale » rappelle-t-il.

Avec son slogan limpide « Stream Now, Never Pay », Pluto TV dit rendre pertinente son offre de contenus et de chaînes sur chacun des marchés.

Au contraire de Rakuten, qui coproduit des programmes originaux et édite des chaînes originales comme Crime, Pluto TV n'investit pas dans les exclusivités, la plateforme conclut plutôt des accords avec des ayants-droits sur des catalogues ou des séries moins diffusées.

« La progression des audiences engendre plus de monétisation et de partage de revenus, cela attire les détenteurs de droits et de catalogues, les discussions sont plus faciles avec les distributeurs » explique Cédric Dufour, qui investit de préférence dans des documentaires sportifs, le plus souvent avec des marques.

Nombreux nouveaux lancements

La FAST TV a ceci de magique, qu'elle permet à n'importe quel producteur ou diffuseur détenteur de fonds de catalogue d'exploiter facilement ses contenus. En France, France Télévisions distribue sur diverses plateformes les chaines Cœur Océan ou Voyages. Et la plateforme Samsung TV Plus envisage d'accroître son offre de chaînes et de contenus exclusifs dans une limite de 120 chaînes par pays.

« La distribution FAST est complémentaire de celles de la télévision linéaire et permet à des titres de troisième ou quatrième fenêtre d'attirer, peut-être, de nouvelles audiences » juge Shaun Keeble, vice-président pour le digital de Banijay Rights.

A l'instar du groupe de production Fremantle, filiale de RTL Group, qui édite 23 chaînes dans le monde dont 12 aux États-Unis autour de formats ou de talents tels le cuisinier Jamie Oliver, Banijay, le géant français de la production et de la distribution mondiale, a déjà développé 21 chaînes FAST. De prochains lancements devraient faire grimper ce nombre à 80.

Ces chaînes sont lancées sur diverses plateformes selon un modèle de partage de revenus. Aux Etats-Unis, celle de Deal or no Deal (A prendre ou à laisser), format qui n'est plus diffusé depuis 2019, touche plus de 61,5 millions de personnes sur Freevee (Amazon).

Les revenus publicitaires de TikTok dépasseront ceux de YouTube

Pourtant, hors États-Unis, le modèle économique de la FAST TV n'est pas stabilisé ni encore durable voire rentable.

Sur le plan publicitaire, la FAST TV va bénéficier du fait que les annonceurs allouent globalement plus de budget à la TV connectée.

En 2023, les dépenses publicitaires mondiales vont ainsi baisser de 6,3% sur les chaînes linéaires mais grimper de 14,4% sur la TV connectée, désormais premier secteur d'investissement media selon l'institut Wurl. La data permet aussi de mieux cibler les publicités.

« C'est gagnant-gagnant pour les annonceurs et pour nous pour monétiser nos audiences » souligne Cédric Dufour, dont l'inventaire est géré par Rakuten Advertising.

Maria Rua Aguete alerte toutefois sur le potentiel modeste de la FAST TV et considérablement inférieur à celui des autres plateformes. Il représentera 5% du marché publicitaire des vidéos premium en 2027 contre 3% en 2023. « Les médias sociaux et Tiktok en particulier vont atteindre de nouveaux sommets. Avec un revenu estimé de 90 milliards de dollars (82 milliards d'euros), les recettes publicitaires de TikTok dépasseront largement celles de YouTube (34,3 milliards d'euros), et devanceront aussi celles de Netflix, Meta et Disney+ » souligne l'analyste.

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