Nouveau gouvernement Macron : vers un grand ministère du Numérique rattaché à Bercy ?

Au-delà du casting du successeur de Cédric O, le périmètre du poste pourrait changer pour prendre davantage d'ampleur. La création d'un vrai ministère du Numérique à Bercy, doté de plusieurs secrétariats d'Etat dont un dédié à la cybersécurité, serait sur la table, tout comme l'idée de promouvoir le Numérique dans d'autres ministères, notamment dans l'Education, la Formation professionnelle, l'Industrie et la Réforme de l'Etat.
Sylvain Rolland
Bercy, où se situe le ministère de l'Economie et le secrétariat d'Etat au Numérique.
Bercy, où se situe le ministère de l'Economie et le secrétariat d'Etat au Numérique. (Crédits : Reuters)

Cédric O s'étant lui-même sorti de l'équation en annonçant son retrait de la vie politique à l'issue du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, qui pour lui succéder dans le nouveau gouvernement à la tête du maroquin dédié au numérique et aux télécoms ? Si plusieurs noms circulent dans l'écosystème tech (Philippe Englebert, Eric Bothorel, Rania Belkahia, Alexandre Zapolsky, notamment), le choix du casting dépend avant tout de la nature du poste. Le maroquin se présentera-t-il, comme sous les deux précédents quinquennats, sous la forme d'un simple secrétariat d'Etat, ou alors deviendra-t-il enfin plus ambitieux, plus en phase avec les énormes enjeux économiques, sociétaux, industriels et environnementaux du numérique ?

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Répondre aux défis multiples du numérique

C'est le dilemme auquel font face en ce moment le Président de la République nouvellement réélu, Emmanuel Macron, et son cercle proche, à l'approche de la composition du nouveau gouvernement. D'après nos informations, les discussions "partent dans tous les sens" mais traduisent en tout cas une volonté de faire évoluer le périmètre du poste.

Le chef de l'Etat et son équipe naviguent en fait entre quatre options. La première, conservatrice, est de garder un simple secrétariat d'Etat rattaché à Bercy. Mais l'ampleur des enjeux autour du numérique rend ce choix peu pertinent, et serait même perçu comme incompréhensible venant du candidat qui a le plus parlé pendant la campagne du rôle central du numérique et de l'innovation. Ce serait même dans les faits une régression étant donné le statut particulier qu'avait le dernier secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O, ancien conseiller du chef de l'Etat à l'Elysée.

La deuxième option est la reproduction du "modèle Cédric O", c'est-à-dire nommer un "simple" secrétaire d'Etat sous la tutelle du ministre de l'Economie et des Finances, mais qui disposerait d'un vrai poids politique et d'une liberté d'action et de prise de parole car proche du Président. Cédric O s'était parfaitement accommodé de ce statut. "Je ne mésestime pas l'importance symbolique d'un ministère du Numérique, mais je ne suis pas sûr que j'aurais fait davantage avec un autre titre", indiquait-il en janvier. Problème : la nature du poste restreint de fait la capacité d'action d'un secrétaire d'Etat en n'englobant pas la dimension multi-sectorielle et transversale du numérique, et isole celui qui détient le poste des autres ministères. Et si Cédric O a pu compter sur "le soutien et le poids politique" de son ministre de tutelle Bruno Le Maire, la collaboration du ministre de tutelle est tout de même cruciale pour que son secrétaire d'Etat ait réellement des marges de manœuvre. Pour ces raisons, l'option d'un "Cédric O bis" paraît également assez bancale.

Vraisemblablement, le chef de l'Etat préfèrera donc trouver une nouvelle place au Numérique dans le prochain gouvernement. Sa troisième option est d'accéder à la demande de l'écosystème depuis des années en créant un véritable ministère du Numérique de plein exercice, duquel pourraient même dépendre quelques secrétariats d'Etat dédiés à certains enjeux stratégiques comme l'écosystème tech ou la cybersécurité. Cette option permettrait de mieux porter politiquement les enjeux sectoriels du numérique, tout en lui donnant une place lors des réunions interministérielles pour mener une action transversale.

Enfin, la quatrième option consiste, en plus du ministère plein ou à la place, à intégrer le numérique au cœur de plusieurs autres maroquins, et pourquoi pas même dans leur intitulé. Ce serait le cas à Bercy bien sûr, où la dimension numérique pourrait faire partie intégrante de la fiche de poste du ministre de l'Economie, des Finances et du Numérique, mais aussi dans d'autres ministères comme l'Education nationale, la Formation professionnelle, la Transformation de l'Etat -avec une Amélie de Montchalin qui serait bien placée pour obtenir un nouveau strapontin- ou encore l'Industrie et les PME.

D'après nos informations, rien ne serait encore tranché mais la création d'un ministère du Numérique ou la promotion du Numérique dans plusieurs ministères, sont des possibilités très sérieuses. "Contrairement à 2017 où la question du périmètre a été vite évacuée pour conserver un secrétariat d'Etat, cette fois la nécessité de son extension se pose vraiment car le statut quo paraît déconnecté des enjeux", nous confie une source.

"L'absurdité" d'un simple secrétariat d'Etat au regard des enjeux

Effectivement, la croissance folle du secteur du numérique -25 licornes en 2022 contre 2 en 2017, 20.000 startups en activité contre 8.000 à l'époque, des centaines de milliers de nouveaux emplois attendus dans les prochaines années- et l'adoption rapide de nouveaux usages notamment depuis la pandémie de Covid-19 - télétravail, téléconsultation, télémédecine, formations en ligne, essor des jeux vidéo et du streaming...- imposent de se poser sérieusement la question de la place du numérique dans le nouveau gouvernement.

En 2017, Emmanuel Macron avait déjà voulu innover : certes, il avait conservé un secrétariat d'Etat, confié alors à Mounir Mahjoubi, mais il l'avait placé sous la tutelle du Premier ministre, qui était Edouard Philippe. L'idée était alors de placer le numérique "à la hauteur de ses enjeux", c'est-à-dire au cœur de l'Etat, avec un accès direct au Premier ministre et en lien avec tous les ministères. Problème : dans la pratique, l'éloignement de Bercy et de ses administrations, périmètre "naturel" du strapontin numérique, avait isolé le secrétariat d'Etat dans l'appareil gouvernemental. Et l'accès direct au Premier ministre nécessitait tout de même que celui-ci veuille se saisir de ces sujets, ce qui n'était pas vraiment le cas d'Edouard Philippe. Résultat : lors du remaniement d'octobre 2018, le chef de l'Etat a rétropédalé, le maroquin revenant à Bercy, sous l'autorité de Bruno Le Maire, et y est resté sous Cédric O, nommé en avril 2019 et toujours en poste.

Pour son deuxième mandat, Emmanuel Macron peut-il rester sur ce statut quo alors qu'il avait lui-même tenté en 2017 de donner plus d'importance au numérique, et surtout qu'il ne cesse d'insister sur l'importance du numérique de l'innovation pour résoudre les grands défis de la décennie ?

"Il paraît de plus en plus absurde que le numérique soit représenté au gouvernement par un petit secrétariat d'Etat, alors que ses enjeux sont multiples, interconnectés et au cœur de l'action publique dans de nombreux domaines. Intellectuellement, ce serait une rupture intéressante que le numérique soit placé au cœur de plusieurs ministères", nous confie l'entrepreneur Tariq Krim. Le lobby France Digitale, qui fédère 1.800 startups et investisseurs de la tech et qui milite pour la création d'un ministère du Numérique depuis le quinquennat de François Hollande, partage ce constat.

"Le numérique est le secteur qui créé le plus d'emplois et certaines startups entreront probablement dans le CAC40 dans les prochaines années, mais c'est aussi un sujet transverse. Il est donc très important que la personne qui porte le sujet au gouvernement ait un vrai poids politique et une voix au chapitre dans les réunions interministérielles, auxquelles ne sont pas conviés les secrétaires d'Etat", indique à La Tribune Maya Noël, sa directrice générale.

Si Emmanuel Macron décidait de donner au Numérique un ministère, ce qui relève à ce jour de la simple possibilité, celui-ci resterait donc vraisemblablement à Bercy afin de bénéficier de l'accès aux administrations, notamment la Direction Générale des Entreprises (DGE), la Direction interministérielle du numérique (Dinum) ou encore l'Agence du numérique, essentielles pour la mise en œuvre des politiques publiques. Ce nouveau portefeuille engloberait certainement à nouveau les télécoms, déjà passées sous l'autorité de Cédric O depuis le remaniement de juillet 2020.

Enfin une incarnation politique pour la cybersécurité ?

Déjà à l'époque du remaniement de 2020, des voix, notamment le député Eric Bothorel aujourd'hui candidat non-déclaré à la succession de Cédric O, réclamaient la création d'un secrétariat d'Etat dédié à la cybersécurité. La raison : le sujet cyber est majeur mais n'est pas porté politiquement, ce qui force une administration, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), à combler ce trou via son directeur, Guillaume Poupard, par ailleurs reconnu et apprécié par l'ensemble de l'écosystème de la cyber.

D'après nos informations, le sujet du portage politique de la cybersécurité est revenu sur la table ces derniers mois. Reste à savoir si cela prendra la forme d'un secrétariat d'Etat dédié, ou si la cybersécurité entrera dans la fiche de poste du ministre du Numérique et/ou de la Défense. Quoi qu'il en soit, le nom de Guillaume Poupard, qui a annoncé dès janvier qu'il ne rempilerait pas à l'Anssi au terme de son mandat qui s'achève en juillet, circule pour occuper cet éventuel poste.

Sylvain Rolland

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Commentaires 5
à écrit le 04/05/2022 à 9:17
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Pendant ce temps : Il a bien fait d'être au premier rang de la soirée de Macron. Législatives : Manuel Valls candidat de la majorité présidentielle dans la 5e circonscription des Français de l’étranger.

à écrit le 04/05/2022 à 9:06
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Le projet s’inscrit dans le prolongement du cadre défini, au niveau européen, en juin 2021, à propos de la future identité numérique.Deux jours après la présidentielle en toute discrétion un décret a été signé par Jean Castex et Gérald Darmanin, et p...

à écrit le 04/05/2022 à 8:10
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Ils pourront ainsi voir chacun de nos déplacements et connaître chacun de nos actes.

à écrit le 03/05/2022 à 21:37
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Un nouveau ministère pour quoi faire ,cela coûte cher ,il faut mieux mettre cette argent pour désincarcérer les créateurs ou les entrepreneurs de toutes ces lois et de toute cette technocratie .Comme dit la pub d'une assurance : "Il faut être fou po...

à écrit le 03/05/2022 à 17:36
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il faudrait surtout un gouvernement restreint ,pour le cout bien sur mais aussi l'efficacité !!!!!!un coup à droit un coup à gauche on a fait cinq ans de surplace

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