SFR veut titiller Orange sur le marché des entreprises

Maison-mère de l’opérateur au carré rouge, Altice, qui est aussi présent aux Etats-Unis, au Portugal ou encore en Suisse, a présenté mardi une nouvelle stratégie pour les télécoms d’entreprise. Grâce à de nouvelles offres, notamment des partenariats avec Sigfox et Vodafone, il veut surtout séduire de nouveaux clients en France, où Orange domine largement le marché.
Pierre Manière
Michel Combes, directeur des opérations d'Altice et PDG de sa filiale SFR.

Niet ! Alors qu'il présentait la stratégie d'Altice sur les télécoms d'entreprise ce mardi, Michel Combes, directeur des opérations du groupe et PDG de sa filiale SFR, n'a pas voulu commenter le possible mariage entre Bouygues Telecom et Orange en France. Pourtant, dans le cadre de cette fusion, un actif l'intéresse beaucoup : les clients entreprises de l'opérateur de Martin Bouygues. De fait, ceux-ci ne pourront pas être récupérés par Orange. Pourquoi ? Parce que sur ce marché d'environ 10 milliards d'euros dans l'Hexagone, il est très improbable que l'Autorité de la concurrence autorise un tel transfert, étant donné la domination actuelle de l'opérateur historique. D'après Agathe Martin, analyste chez Exane-BNP Paribas, Orange dispose sur ce segment d'une part de marché de 65%, contre 20% pour SFR, et 5% pour Bouygues Telecom.

En récupérant les clients de Bouygues Telecom, SFR pourrait réduire le gouffre qui le sépare d'Orange. Mais ce faisant, le marché des télécoms professionnelles se résumerait encore davantage à un duopole. Pour éviter cela, l'Autorité de la concurrence pourrait favoriser l'émergence d'un troisième acteur. A l'instar de l'opérateur virtuel Coriolis, qui a déjà montré son intérêt pour les clients entreprises de Bouygues Telecom. Ce mardi, Michel Combes a donc choisi de garder sa langue. Sans pour autant cacher son intérêt dans la possible fusion : « Je n'ai pas l'habitude de commenter une opération potentielle. Aujourd'hui, je suis là pour présenter notre stratégie B2B. Après, tout ce qui pourra conforter notre stratégie, c'est très bien... Mais celle que nous avons en 'stand alone' est déjà porteuse. »

« Des clients se sont détournés »

De son propre aveu, cette « stratégie » s'apparente plutôt à un redémarrage après une passe difficile sur ce segment. « On ne va pas se cacher : on a des clients qui ont été un peu déçus parce que la couverture de nos réseaux mobiles n'était pas ce qu'elle devait être, explique Michel Combes. Des clients se sont détournés de SFR. Mais depuis quelques mois, on ne fait qu'investir pour retrouver de bons réseaux. »

Concrètement, Altice capitalise sur le très haut débit fixe. Pour mémoire, le groupe est notamment présent aux Etats-Unis, au Portugal et en Suisse. En France, il est leader du très haut débit, avec 7,7 millions de foyers couverts. Même son de cloche sur le mobile, où Altice met les bouchées doubles dans la 4G. En France, le groupe a depuis quelques mois repris ses investissements dans son réseau de téléphonie, lequel s'était largement dégradé au moment de la fusion Numericable-SFR.

Un partenariat avec Vodafone

Dans les pays où il n'est pas présent, Altice mise sur des partenariats pour apporter de la connectivité à ses clients internationaux. C'est la raison pour laquelle il vient d'en signer un avec Vodafone, et a prolongé jusqu'en 2020 un précédent accord avec SFR. Il faut dire que Vodafone opère des réseaux mobiles dans 26 pays à travers le monde, dont l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, l'Australie ou l'Afrique du Sud.

Sur cette couche de connectivité, Altice compte sur de nouveaux services pour capter des clients. Outre le Big Data ou la sécurité, le groupe investit beaucoup sur trois secteurs pour sortir du lot. Il y a d'abord le cloud (informatique dématérialisée) et les data centers. Et pour cause : Altice dispose de 18 data centers en France, au Portugal et en Suisse. Avec eux, il veut « accompagner » les entreprises qui souhaitent effectuer leur mue digitale. D'une part en leur fournissant des espaces sécurisés pour stocker leurs données. Et d'autre part, en leur vendant des applications hébergées au même endroit. Parmi ses clients actuels, Altice cite le site d'e-commerce PriceMinister, Saxo Bank, ou la compagnie laitière portugaise Lactogal.

Accélérer dans l'Internet des objets

Surtout, Altice ne veut pas rester sur la touche concernant la révolution annoncée de l'Internet des objets. Sur ce front, le groupe est déjà présent dans le « M2M », c'est-à-dire le « Machine to Machine », qui permet par exemple de connecter des voitures grâce à des cartes SIM. Mais il était absent du marché des réseaux bas débit sans fil. Basée sur des messages très courts, des capteurs peu chers et dotés d'une grande autonomie, cette technologie apparaît particulièrement adaptée pour connecter certains actifs, comme des bouteilles de gaz, des engins de chantier, ou des palettes d'approvisionnement. Ce faisant, elle permet notamment à des entreprises d'améliorer sensiblement la gestion de leurs actifs, ou de déployer de nouveaux services.

Alors qu'Orange et Bouygues Telecom ont choisi la technologie LoRa pour déployer leurs réseaux, Altice a signé un partenariat avec son concurrent Sigfox, qui opère déjà 7 millions d'objets dans 14 pays. Sûr de son coup, Michel Combes assure que contrairement aux réseaux LoRa d'Orange et de Bouygues Telecom, celui de Sigfox, lui, « est déjà là ». Avant de qualifier de « ringard » le choix technologique de ses concurrents, jugé moins performant.

« On va gagner des parts de marché ! »

De quoi relancer la bagarre entre LoRa et Sigfox. Dans nos colonnes, Ludovic Le Moan, le patron de Sigfox, a récemment dénoncé le « bashing » des opérateurs mobiles à son encontre. Il les accuse de dénigrer son offre pour gagner du temps, et in fine garder la main sur l'Internet des objets avec leurs propres technologies. De leur côté, Bouygues Telecom et Orange affirment que la technologie LoRa est bien meilleure, mais n'ont toujours pas déployé leurs réseaux dans l'Hexagone.

Reste qu'avec sa nouvelle offre aux entreprises, Altice est persuadé de faire mouche. Avec elle, « on va gagner des parts de marché ! », s'enflamme un cadre de SFR. Michel Combes, lui, rêve de titiller Orange. « Moi j'écoute les clients, lâche-t-il. Et tous veulent que SFR retrouve une vraie dynamique sur le marché des entreprises, et devienne une vraie alternative [à l'opérateur historique, Ndlr]. » Un sacré pari...

Pierre Manière

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Commentaires 6
à écrit le 23/03/2016 à 18:20
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Il ne fallait pas arrêter de payer pour votre réseau Mr Combes! Donc la promesse maintenant c'est "promis on arrête de faire de la finance pur et on fait des télécoms"... jusqu'à la prochaine demande de dividendes d'Altice!? Le comportement de SF...

à écrit le 23/03/2016 à 18:16
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Ce qu'il y a de bien avec La Tribune, c'est qu'on vous propose de mettre des commentaires et que, 5 fois sur 10 ils ne sont jamais mis en ligne ; constat personnel depuis plusieurs semaines. Puis, l'article disparaît dans les archives du journal ; av...

à écrit le 23/03/2016 à 17:10
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On est clairement dans une action de communication. LoRa n'est sûrement pas "ringard" au vu des participants majeurs à cette alliance. Sigfox est respectable mais a l'inconvénient majeur d'être un système propriétaire alors que l'avenir est à la soup...

à écrit le 22/03/2016 à 22:19
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Ah oui il voudrait des entreprises comme clients Bon à vrai dire on cotise déjà tous pour cette boîte qui a son siege dans les paradis fiscaux et pratique l embrouille fiscale internationale

à écrit le 22/03/2016 à 20:38
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ca change des gens qui souhaiteraient qu'orange fasse ts les investissements en couts fixes puis mettent a titre presque gracieux et ' en cout variable' la dispostion de ces reseaux d'entreprises pour se faire concurrencer ' a la sauce free'

à écrit le 22/03/2016 à 19:31
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Vivaction veut aussi sa part dans le marché des entreprises ! Le duopole est pas acceptable selon richard Marry pdg de Vivaction

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