Produire et consommer de l'électricité en circuit court : le pari de Selfee auprès des collectivités locales

Fondée par deux expertes du négoce de l’énergie, la startup Selfee établie à Paris et Rouen propose aux collectivités d’éclairer et de chauffer leurs bâtiments publics grâce à de l’électricité verte produite à leur porte et à un prix fixé localement. Inédite, sa solution propice à l’autoconsommation territoriale gagne à être connue en plein débat sur l’indépendance énergétique.
(Crédits : DR)

Comme la tomate et la crevette, l'électron parcourt souvent des centaines de kilomètres avant de venir alimenter les convecteurs et les ampoules d'une cantine ou d'une mairie. Et si les préceptes du circuit court alimentaire s'imposaient aussi sur le marché complexe de l'électricité ? C'est le pari que veut relever la startup Selfee, jeune agrégateur et fournisseur d'énergie verte aux collectivités installé à Paris et Rouen. Créée en 2017 par Sandra Magnin, ancienne juriste de la CRE (Commission de régulation de l'énergie) et Dominique de Maricourt, ex-cadre d'Engie en charge de la commercialisation, elle est active sur le marché depuis 2019.

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La solution qu'elle a développée est unique en son genre. Elle permet à des communes ou à des agglomérations d'acheter en circuit court de l'électricité renouvelable à des producteurs locaux et à un prix défini localement. Autrement dit, affranchi des fluctuations des prix du marché européen dont on mesure la volatilité depuis quelques mois, dont la flambée des cours s'est accélérée depuis la guerre en Ukaine.

Unique intermédiaire entre le producteur d'énergie et la collectivité acheteuse, Selfee lui garantit financièrement son approvisionnement de jour comme de nuit et que le vent souffle ou pas (on parle d'équilibrage dans le jargon). Son objectif : inciter progressivement les territoires à prendre en main leur destin énergétique de la centrale à la prise comme on dit de la fourche à la fourchette.

« Les collectivités savent consommer et, de plus en plus souvent, produire mais ignorent ce qui se passe entre les deux, constate Sandra Magnin. Notre démarche est d'abord pédagogique. Nous renseignons et apportons notre expertise dans le négoce de l'électricité à des élus. Ce sujet est très compliqué à prendre en charge parce qu'il reste l'apanage des grands groupes ».

Engagée depuis l'origine dans un programme de R&D avec la Ville de Paris sur la problématique de l'autoconsommation territoriale, le jeune opérateur a déjà convaincu une petite dizaine de collectivités urbaines et rurales d'utiliser sa solution pour une partie de leur patrimoine bâti. C'est le cas par exemple de l'agglomération du Grand Châtellerault où l'on se félicite d'avoir recours à ses services. « Nous avons élaboré ensemble une première solution pour six bâtiments et leur accompagnement a été aussi instructif que stimulant », témoigne Philippe Eon, son directeur des stratégies.

De l'intérêt de produire par et pour soi-même

Ce partenariat a débouché sur la construction par l'agglomération d'une petite centrale photovoltaïque de 300 MW dont la production alimente directement les bâtiments publics à un prix imbattable, décorrélé des tarifs du marché. Le tout avec une traçabilité garantie. Depuis, la collectivité envisager d'aller plus loin, en investissant, par exemple, dans des parcs éoliens. Une petite révolution, constate Philippe Eon.

« Lorsqu'il y a deux ans, je prononçais le mot éolien, cela donnait des boutons aux élus notamment des petits villages. Mais ce premier modèle local réussi d'économie circulaire a changé la donne ».

Comme quoi, produire de l'énergie par et pour soi-même peut vaincre des à priori défavorables. « L'exemple du Grand Châtellerault montre que notre approche incite les collectivités à se questionner sur l'intérêt de disposer de leurs propres outils de production », se félicite Sandra Magnin.

Selfee, qui vient de réaliser une seconde levée de fonds de 1,5 million d'euros auprès d'Everwatt et du Crédit Agricole Normandie Seine, rêve de transposer son principe d'intermédiation à l'échelle de la vallée de Seine : un terrain de jeu favorable au déploiement de synergies entre territoires urbains naturellement consommateurs et ruraux plus facilement producteurs. En attendant, ses deux co-fondatrices planchent sur le déploiement d'une offre premium qui pourrait conduire la startup à co-investir dans des moyens de production d'électricité aux côtés des collectivités.

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